To Pimp A Butterfly – Kendrick Lamar

Kendrick Lamar TPABSorti le 16 mars 2015

Le troisième album de Kendrick Lamar était l’un des plus attendus dans l’univers du hip hop actuel, juste sous l’album de Dr. Dre (qui vient de sortir, après près de 15 ans d’attente). La barre était haute, trois ans après nous avoir offert Good Kid, M.A.A.D. City, qui a été fortement salué, autant par la critique que par le public. D’abord, mentionnons qu’il aurait été facile pour l’artiste de se lancer dans la gangsta rap. Le protégé de Dr. Dre aurait bien pu suivre les traces de ce dernier et celles de d’autres artistes sortis de sa ville natale de Compton en Californie (mentionnons Snoop Dogg, The Game et Easy-E). Lamar nous offre plutôt un type de rap très musical et qui sort des normes, et c’est encore plus vrai avec cet album, qui nous livre pendant près d’une heure vingt minutes un solide concept racontant entre autres les hauts et les bas de la vie d’un artiste célèbre afro-américain, en l’occurrence lui-même. Le rappeur a dit qu’il voulait, avec cet album, éliminer les préjugés malheureusement toujours présents envers ces derniers et même enrayer le côté négatif du «N Word», que je m’abstiendrai de nommer ici par politesse (et peur de réprimandes, je l’avoue). Un gros contrat, donc.

La production à elle-seule mérite notre attention. Dr. Dre, Anthony «Top Dawg» Tiffith, Flying Lotus et Pharrell Williams ne sont que quelques-uns des gros noms qui ont participé à l’élaboration de l’opus, sans compter les nombreuses collaborations (comme celle de Snoop Dogg, pour ne nommer que celui-ci). Je dois admettre que j’ai eu un peu de difficulté à saisir le tout lors de mes premières écoutes. Plusieurs passages sont récurrents et il est un peu ardu de savoir où on en est lorsque l’on ne porte pas pleinement attention à quelle piste est en train de jouer. Par contre, une fois que je me suis assise pour vraiment écouter et lire les paroles et l’histoire de chacune des chansons, j’ai pu découvrir le génie musical et lyrique de cette œuvre. (Je me passerai de décrire le contenu de chacun des morceaux, ceux-ci étant pour la plupart complexes et lourds de sens. Je vous encourage tout de même à le découvrir de votre propre gré, je crois que ceci fait partie du processus pour bien saisir cet album.) To Pimp a Butterfly débute avec Weasley’s Theory, une très bonne introduction qui nous indique quel sens prendront les 15 morceaux suivants. Musicalement, on a droit autant à de bons beats typiques que de l’électro et des passages jazz et funk. La deuxième pièce, For Free?, est d’ailleurs une interlude free jazz digne d’un Charlie Parker dans ses meilleures années de brosse qui s’en va dans tous les sens. S’en suit ma pièce préférée, King Kunta, qui me fait immanquablement bouger la tête avec sa grosse ligne de basse. Pour aller droit au but et ne pas trop me répéter, je dirai simplement que toutes les pièces sont excellentes et ont toutes leur propre saveur, donnant immanquablement l’envie de réécouter l’album en entier. Les paroles ne sont pas insignifiantes, un plus pour un album de rap. Kendrick possède un réel talent pour raconter une histoire, le tout livré avec un excellent flow et des refrains accrocheurs.

Je crois fermement que Kendrick Lamar aurait pu nous sortir à peu près n’importe quoi, incluant lui qui rappe dans une salle de bain à propos la couleur de la tuile, et que ceci aurait été acclamé par tout le monde tellement il y avait du hype autour de cet album. On a heureusement droit à un grand album, bien travaillé, avec un réel concept ainsi qu’une production irréprochable. Dans le monde musical actuel où les radios nous bombardent de hip hop préfabriqué et sans âme, il fait bon de pouvoir mettre la main sur un tel bijou.

À écouter : Tout, du début à la fin (ma préférée reste King Kunta, si vous en avez seulement une à choisir)

9,2/10

Par Isabelle Malenfant


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