CHRONIQUE : Bikini Kill fidèle à la réputation jusqu’à la fin

L’affiche annonçant le spectacle sur les écrans de L’Olympia (Photo : Olivier Dénommée)

Par Olivier Dénommée

Le mercredi 4 septembre était une journée dont plusieurs centaines de personnes se souviendront un sacré moment, alors qu’on assistait à la toute dernière représentation en sol canadien de Bikini Kill avant la fin de sa tournée d’adieu. J’ai eu beau réécouter en boucle le premier album et me plonger dans l’histoire du groupe fondé un gros mois après ma naissance (ça ne rajeunit personne), je ne pense pas que je pouvais être prêt pour le spectacle qui m’attendait à L’Olympia.

Parlons tout de suite de la salle. Pourquoi L’Olympia et pas le MTelus par exemple? Premièrement, le groupe a été fondé dans une ville de l’État de Washington appellée… Olympia, ça ne s’invente pas. Deuxièmement, la salle est située au cœur du Village, hot spot des marginaux de Montréal. Et des marginaux, il y en avait beaucoup, beaucoup sur place, notamment issus des communautés punk et LGBTQ. Je ne pense pas non plus avoir déjà vu un aussi grand ratio de femmes dans une foule pour un show de punk, mais l’assistance fait clairement écho au côté féministe, revendicateur et frondeur du groupe. Et bien que le groupe existe depuis plus de 30 ans, beaucoup de jeunes étaient présents; certains n’étaient vraisemblablement même pas nés quand le groupe s’était séparé à la fin des années 90. Et même si je ne sentais pas que je faisais partie du public cible, à aucun moment on ne m’a fait sentir que j’étais de trop dans la salle.

Première partie : Theee Retail Simps

Afin de permettre de réchauffer la salle, le groupe Theee Retail Simps a été invité en première partie, à 20h tapantes. Le groupe local semble s’amuser à entretenir une confusion sur son nom : dans la promotion du spectacle, il était simplement appelé Retail Simps et son nom jusqu’à il n’y a pas si longtemps était Tha Retail Simps. Quoi qu’il en soit, le quintette punk et rock psychédélique (entièrement masculin, doit-on remarquer) a livré un set énergique, mais un peu cacophonique; le son n’était franchement pas à son meilleur et certains pépins techniques ont pu être entendu ici et là pendant la performance du groupe. C’est toujours dommage, mais on aime mieux que les problèmes surviennent avec les premières parties qu’avec le groupe principal! Dans tous les cas, on se demande si la qualité sonore est bien meilleure sur album qu’en live… il faudra peut-être vérifier un de ces jours, car la performance de même pas une demi-heure nous a un peu laissé sur notre faim, même si ça a fait le travail pour nous préparer à la pièce de résistance.

Bikini Kill

La tête d’affiche de la soirée était annoncée pour 21h. Mais tout band punk qui se respecte ne peut pas commencer à l’heure, n’est-ce pas? À ma grande surprise, le groupe a fait la chose la moins punk qui soit et est monté sur scène pile à l’heure, accueilli par une foule gonflée à bloc, la chanteuse Kathleen Hanna à sa tête, habillée en «Cendrillon». J’ai vite compris qu’au-delà des chansons, Bikini Kill, c’est une attitude et un message. La chanteuse a souvent parlé au public, que ce soit pour lui parler d’attitudes toxiques connues aujourd’hui mais qui «n’existaient pas» dans les années 90, de sa position contre les génocides (on devine qu’elle parlait de la situation entre Israël et la Palestine), ou encore de situations familiales plus ou moins lourdes, incluant sa sœur trumpiste à qui elle ne parle plus ou son enfant qui réussit à être gêné du fait qu’elle soit dans un band (ce qui nous rappelle que peu importe à quel point on peut être idolâtré de son public, on reste une personne bien ordinaire pour ses proches).

Comme Bikini Kill n’a pas eu une énorme discographie, il n’y a pas eu grand-chose qui n’a pas été joué à Montréal. Les vrais fans connaissaient les chansons par cœur et devinaient souvent d’avance laquelle serait jouée selon ce que disait la chanteuse entre les chansons. Hanna a la réputation d’être une véritable performeuse en spectacle, et c’était bien le cas : quand elle tenait le micro, elle donnait l’impression d’être invincible. Pendant les chansons, on voyait qu’elle ne se prenait pas trop au sérieux, autant dans l’interprétation que dans les mouvements de danse très approximatifs qu’elle faisait assez souvent. La faiblesse principale du spectacle était le nombre de changements. Sur une bonne poignée de chansons, c’est plutôt la batteuse Tobi Vail qui chantait, amenant un changement de line-up complet : pendant que Vail chantait, Hanna prenait la basse de Kathi Wilcox, qui elle prenait la guitare de Sara Landeau (qui accompagne seulement le groupe en tournée) pour que cette dernière prenne place derrière les tambours. Chaque changement (et il y en a eu 3 ou 4!) occasionnait des petites longueurs et cela ne durait chaque fois que 2 chansons après quoi il fallait changer à nouveau d’instruments! Il aurait peut-être été plus efficace de condenser l’ensemble des chansons chantées par Tobi Vail ensemble pour éviter trop de changements inutiles.

Parlant de Vail, autre constant : comme mentionné plus haut, quand Kathleen Hanna a le micro, elle a toute l’assurance du monde, mais le reste du groupe se fait plus discret (peut-être à part Vail, qui fait de l’attitude en arrière des autres avec ses lunettes soleil et ses cheveux roses). Mais quand Tobi Vail prend le micro, cette assurance lui est automatiquement transférée et Hanna se tient bien tranquille dans son coin pendant que la batteuse prend toute la place. C’est assez fou comment changer d’instrument peut changer leur personnalité et ça a donné lieu à quelques moments assez sympathiques durant le spectacle. Vail n’a pas autant de voix de Hanna, mais elle compense assez facilement par son énergie et son attitude.

Notons aussi que bien qu’on soit dans un show de punk, on est loin d’avoir des moshpits aux 2 chansons comme on peut voir un peu partout. Bikini Kill était d’ailleurs bien fier de souligner ce constant à Montréal. Il y a quand même eu un peu de body surfing, un classique de tout show rock.

Le temps avançait et il y avait une absence remarquée dans la liste de chansons : Rebel Girl, LA toune incontournable de Bikini Kill. Il était littéralement impossible que le groupe ne la joue pas pendant sa tournée d’adieu, alors quand les filles ont quitté la scène, personne n’était dupe et le public a simplement applaudi jusqu’à ce qu’elles reviennent et remplissent leur part du contrat. Une fois de retour, Kathleen Hanna a simplement dit (en anglais) «vous savez ce qu’on va jouer». Et c’était sans surprise le moment fort de la soirée, où tout le monde, même les plus néophytes, connaissaient la chanson par cœur. Le spectacle s’est terminé assez abruptement après Rebel Girl, vers 22h24, mais j’étais rassasié, et je crois que la plupart des gens présents aussi.

Tout porte à croire que le groupe ne montera plus sur scène à la fin de sa tournée qui doit s’achever la semaine prochaine et qu’il n’a aucune intention d’enregistrer du nouveau matériel, mais on se permet de croiser les doigts que Bikini Kill change d’idée. Le spectacle de mercredi nous a rappelé que son message frondeur des années 90 a étrangement toujours sa place aujourd’hui – peut-être même plus que jamais.

(Toutes les photos : Olivier Dénommée)


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