22, A Million – Bon Iver

bon-iver-22Sorti le 30 septembre 2016

Justin Vernon aura pris cinq longues années avant de lancer un troisième album pour son projet Bon Iver, qui avait connu le succès grâce à des mélodies qui hantent l’oreille sur des musiques indie-folk. Le projet prend une tangente très différente avec 22, A Million, et est débattu par deux chroniqueurs.

22, A Million vu par Jolyane Lessard

Bon Iver nous à présenté son troisième opus évocateur afin d’accompagner l’automne de chansons folk et atmosphériques à la fin du mois de septembre, et je suis encore décidée à l’apprivoiser.  La voix toute particulière de Justin Vernon nous a toujours fait vivre de grandes émotions et c’est un plaisir de la retrouver cinq ans après Bon Iver, Bon Iver. Par contre, l’univers apaisant et contemplatif qu’on lui connaissait a beaucoup changé. Il y a quelque chose d’abstrait, de nouveau et d’obscur dans cet album que je me plais à essayer d’adopter, et je vous mentirais si je vous disais que j’en suis à moins de 40 écoutes des pièces toutes plus uniques les unes que les autres en boucle et en ordre pour essayer de déchiffrer ce qu’il nous propose.

Jouant beaucoup avec l’amplitude de sa voix, la vitesse et les effets sonores qui n’ont rien d’organique, l’auteur semble vouloir innover avec les pièces de cet album et à nous sortir de la zone de confort indie-folk-éléctro qui s’est installée depuis un bon moment. Bien que sa voix soit souvent modifiée et même chaotique, son timbre unique et tourmenté reste et est toujours aussi réconfortant. Ce qui dérange dans cet album, ce sont les sons, les différents bruits parfois répétitifs, parfois minimalistes qui viennent troubler l’écoute. Ces sons qui souvent sont non identifiables, électroniques; on se demande si nos oreilles nous jouent des tours ou même si nos écouteurs sont connectées correctement. Je pense entre autres à 10 d E A T h b R E a s T ⚄ ⚄ ou à 21 M◊◊N WATER, qui sont, pour moi, les pièces les plus avant-gardistes et déstabilisantes de l’album. Pour leur part, 33 “GOD”  ainsi que 8 (circle) ont gardé l’atmosphère enivrante qu’on appréciait de ses plus anciennes pièces.

Entre le fiasco sonore et l’harmonie qui se dessinent lors de l’écoute de cet opus, je reste sceptique, mais intriguée. Dans un univers aussi programmé, Vernon parvient quand même à transmettre des émotions viscérales et authentiques, et c’est ce qui crée autour de son œuvre une incompréhension qui nous pousse à aimer l’album. Nous l’écoutons hypnotisés et perturbés, à la recherche du pourquoi il nous touche autant. 715 – CR∑∑KS est, selon moi, une pièce magnifique du début à la fin dans laquelle j’aime me perdre. Bien entendu, ce n’est pas un album que l’on peut écouter à la légère et qu’on appréciera : il faut prendre le temps de se laisser porter par chaque bruit, l’ambiance, la voix et les cuivres, les cordes et les bois afin de réellement apprécier l’expérience.

Cette œuvre ne fera pas partie des nombreuses chansons que vous écouterez dans votre quotidien, mais saura se créer une place toute spéciale lors de vos moments d’introspection. 22, A Million est difficile à apprivoiser mais renferme de merveilleux moments et est empreint d’une sensibilité humaine qui vous laissera probablement sans mots à travers cet univers numérique qui transcende les barrières et embrouille nos repères.

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22, A Million vu par Olivier Dénommée

Les informations qui circulent disent que le chanteur a fait face à une dépression et qu’il s’est mis à imaginer cet univers beaucoup plus expérimental, avec des sons étranges et des titres illisibles. Un changement drastique, surtout après Bon Iver, Bon Iver, qui offrait un univers planant, mais beaucoup plus minimaliste. C’est donc un changement pour le moins drastique ici… C’est avec une certaine appréhension que j’ai écouté 22, A Million.

22 (OVER S∞∞N) démarre l’opus. Les mots manquent pour décrire ce qu’on entend. Des sons électroniques sortis de nulle part occupent trop d’espace pour qu’on puisse pleinement apprécier les mélodies chorales, pourtant très belles, qu’on finit par entendre. Dès cette première chanson, on comprend qu’il y a une bonne et une mauvaise nouvelle : la bonne, c’est que le «vieux» Bon Iver n’est pas complètement mort et que de belles mélodies existent toujours. La mauvaise, c’est que ces mélodies seront enrobées de sonorités qui ne plairont pas à tous.

Poursuivons l’aventure avec 10 d E A T h b R E a s T , qui surprend avec les percussions intenses et les arrangements qui incluent quelques bonnes lignes de cuivre. On arrive presque à oublier les sons bizarres, toujours présents bien sûr. S’ensuit la chanson 715 – CR∑∑KS, où auto-tune est roi, pendant deux minutes… deux minutes de trop.

Puis, surprise : 33 « GOD » est une bonne chanson, qui s’apprécie sans qu’on se pince le nez à cause de son enrobage, un des rares titres resté relativement proche du vieux son de Bon Iver. Tout de même, mentionnons les 29 #Strafford APTS (même si des ennuis apparents d’enregistrement se font entendre vers la fin de la chanson), 666 ʇ (malgré un peu trop d’effets dans la voix) et 8 (circle), qui rappellent aussi que Vernon ne renie pas complètement son passé même si ses chansons envoûtantes restent entrecoupées par des moments aux sons étranges. Au moins, il termine en douceur avec 00000 Million.

On m’a prévenu que l’album prenait du temps à s’apprivoiser et qu’il devenait meilleur après quelques écoutes, mais le choix délibéré d’ajouter ses sonorités qu’on décide de voir comme avant-gardistes ne me convainc décidément pas. Ce sont les petits détails qui font un bon album, et les choix artistiques font en sorte que ceci n’en est pas tout à fait un, malgré quelques très belles mélodies. Surtout, je me demande dans quel contexte cet album est approprié à l’écoute à part quelques chansons qui pourraient se retrouver dans notre bande sonore hivernale personnelle…

***

Selon Jolyane :
À écouter : 10 d E A T h b R E a s T ⚄ ⚄, 715 – CR∑∑KS, 33 “GOD”, 29 #Strafford APTS
8,3/10

Selon Olivier :
À écouter : 33 « GOD », 666 ʇ, 8 (circle)
7,3/10

(Mis à jour le 18 décembre 2016)


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