Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd – Lana Del Rey

Sorti le 24 mars 2023

Il semble que Lana Del Rey a été particulièrement prolifique depuis la pandémie, elle qui a lancé en 2021 2 albums, et son 9e en 2023. Doté du long titre Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd, l’album n’est pas moins long, cumulant 16 pistes pour 1h17. C’est imposant, et la chanteuse a en plus décidé de livrer un album quelque peu expérimental.

La première piste, The Grants, est dédiée à la famille de l’artiste (dont le vrai nom est Elizabeth Grant, rappelle-t-on en passant). Le début est très soul/gospel, mais après environ 50 secondes, on retrouve la mélancolie habituelle de la chanteuse qui est toujours aussi efficace. Si on n’avait pas l’impression d’avoir deux chansons dans une seule piste, ça serait parfait comme entrée en matière. La chanson-titre Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd est quant à elle du Lana Del Rey pur jus, autant par son énergie que par ses paroles. Avouez que «Open me up, tell me you like it / Fuck me to death, love me until I love myself» sur un ton rétro-déprimant est la chose que seule elle peut dire sans qu’on trouve ça inutilement exagéré. Sweet se retrouve aussi dans le même registre, sans toutefois se démarquer outre mesure.

C’est après que ça commence à se gâter un peu. La chanson A&W est beaucoup plus qu’une simple référence au restaurant et à la marque de root beer (il est vrai que Lana Del Rey aime beaucoup nommer des boissons gazeuses dans ses titres!), comme c’est aussi les initiales de «American Whore», cachant des thèmes très sombres abordés presque avec nonchalance par la chanteuse sur une musique assez minimaliste. Mais la chanson est très longue, dépassant la barre des 7 minutes et elle cache une seconde moitié plus trap, surnommée «Jimmy», qui fait sourciller, changeant complètement d’énergie. Si plusieurs critiques ont souligné que c’était la meilleure composition de l’artiste à leur avis, on ne partage malheureusement pas cette interprétation et on aurait simplement coupé la deuxième partie de la chanson.

Parlant de choses à oublier, l’album comporte deux interludes : Judah Smith Interlude et, pas très longtemps après, Jon Batiste Interlude. Règle générale, quand on parle d’interlude dans un album, on pense à quelque chose d’1 minute, rarement 2. Cette fois, ensemble elles font 8 minutes. La première permet d’entendre le pasteur américain Judah Smith et la seconde, le musicien et chanteur Jon Batiste. Notons que Batiste collabore aussi sur la piste Candy Necklace, qui contient plusieurs bons éléments, mais pas au point de se démarquer davantage.

La douceur est au rendez-vous dans le prochain segment avec Kintsugi, délaissant les surprises pour seulement 6 minutes de belle musique dont Lana Del Rey a le secret, pour aller ensuite vers Fingertips, gardant à peu près la même énergie, mais avec un résultat un peu moins réussi. La petite valse Paris, Texas (avec la participation de SYML et la ligne de piano de sa pièce I Wanted to Leave), est toutefois très efficace.

Après des chansons plus minimalistes, on a droit à quelque chose de plus chargé et surtout avec un plus long titre avec Grandfather Please Stand on the Shoulders of My Father While He’s Deep-Sea Fishing, offrant quelques montagnes russes niveau intensité, mais sans tomber dans les extrêmes. On peut d’ailleurs reconnaître y un sample de la pièce Flo du pianiste Riopy. Let the Light In, avec la participation de Father John Misty, est très particulière dans la mesure où elle est la plus écoutée de l’album sur Spotify, et ce, sans jamais avoir été un extrait. Il faut dire qu’elle est vraiment excellente et représente exactement le son que l’on attend de Lana Del Rey. Commentaire similaire pour Margaret (avec Bleachers), si on oublie certaines parties où elle se permet de parler, ce qui brise un peu l’immersion à notre avis. La dernière minute de la chanson semblait vouloir bâtir quelque chose, mais ne s’est toutefois jamais assez assumée pour aller jusqu’au bout de l’idée.

Fishtail délaisse la pop rétro pour quelque chose de beaucoup plus moderne, non loin de l’esprit de Taylor Swift, notamment basée sur une pièce de l’artiste AK. Mais on va complètement ailleurs avec Peppers, avec la rappeuse Tommy Genesis. Ce n’est guère mieux dans la prochaine et dernière chanson de l’album : Taco Truck x VB propose en première partie une douce chanson plutôt minimaliste, qui a toutefois rapidement droit à un certain build-up aux sonorités très électroniques. La deuxième moitié de la chanson est une version différente de Venice Bitch, de l’album Norman Fucking Rockwell!. Même si on n’avait pas détesté la chanson à l’époque, on n’éprouvait pas du tout le besoin de l’entendre à nouveau ici. Vu la longueur de l’album, disons que l’on aurait aisément pu couper les questions chansons de la fin pour donner un résultat plus constant et fidèle à ce qu’est Lana Del Rey, mais cela reste, bien évidemment, une question de préférence.

Notons qu’avant même sa sortie, l’album Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd faisait déjà jaser, alors que Lana Del Rey avait présenté une photo promotionnelle où elle se dévoilait la poitrine dans une photo en noir et blanc, tirée de la même session que celle qui a finalement été retenue pour la pochette de l’album. Celle image a quand même été utilisée dans une édition limitée de la version vinyle, mais disons que ça a marqué plusieurs esprits en 2023!

Après, l’album est-il si bon qu’en ont dit certains critiques à sa sortie? Au fil des années, Lana Del Rey a fait du très bon comme du plutôt mauvais et il est arrive que ses albums sont quelque peu inégaux. Il semble que ce soit le cas avec celui-ci, qui a cherché à garder une fragile balance entre le son auquel la chanteuse est associée et son désir d’aller ailleurs. Personnellement, on aurait très certainement coupé l’album en deux pour bien distinguer les énergies qu’elle a proposées, qui ne s’adressent probablement pas du tout au même public.

À écouter : Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd, Paris, Texas, Let the Light In

7,4/10

Par Olivier Dénommée


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