Aria Sai – Aria Sai

Sorti le 26 mai 2024

Comme on aime se laisser surprendre par les suggestions Spotify, on est tombé sur la musique d’une certaine Aria Sai. On n’a pas pu trouver grand-chose à son sujet à part les principales villes où elle a vécu, et que son Instagram (qui n’existait pas il y a quelques mois) n’est essentiellement composé que d’images créées par intelligence artificielle, mais elle a un album homonyme datant du 26 mai 2024, avec pas mal tous les ingrédients pour faire un bon album pop. On y a donc prêté une oreille, plongeant presque complètement à l’aveugle dans cette musique.

Rien de trop déstabilisant ne nous attend avec cet album de 10 chansons, à commencer par Back to Loving You, qui inclut des éléments électroniques qui dynamisent le tout, puis Favorite, qui peaufine quelque peu les éléments de la première chanson avec notamment un refrain plus fort. Quant à la voix de Sai, elle ne se démarque pas particulièrement d’un peu toutes les chanteuses de l’heure, si ce n’est qu’elle aime beaucoup mettre des effets dans la voix. Certaines intonations se rapprochent dangereusement de celles de Taylor Swift, mais il semble impossible de nos jours de trop s’en distancier quand on veut faire de la musique un tant soit peu commerciale.

Nothing Left to Give diminue quelque peu l’intensité, se permettant tout de même de mieux remonter pour des refrains assez solides. Dawn est dans la même veine et avec un succès similaire, bien qu’on commence déjà à sentir une petite fatigue de patauger dans le même registre. I Am Not Her tente quelque chose de plus langoureux, ce qui est loin d’être désagréable, à l’exception de la voix, dont les effets prennent trop de place pour pleinement apprécier l’énergie de la chanson. Même God Forbid, morceau minimaliste et émotif au début, sonne «faux», autant avec sa guitare que la voix de la chanteuse, bien qu’elle soit beaucoup plus naturelle que sur le reste de l’album.

Ghosts contient quelques bonnes idées, mais le refrain tombe malheureusement à plat. Quant à Choose Me, elle est quand même solide, si on oublie certaines similitudes avec Just the Way You Are de Bruno Mars, et, encore une fois, la voix qui manque de naturel. Lighthouse revient à quelque chose d’un plus rythmé, sans créer l’effet escompté, au point où elle réussit à avoir des longueurs même si elle ne dure que 2 minutes, et l’album de conclut sur Who I Am, morceau planant et senti, qui a comme seul vrai défaut de nous faire penser à la mélodie de Lazy d’Elliot Moss et à l’énergie de Sad Eyes de Milk & Bone dans son post-refrain.

Quand on écoute cet album sans trop y porter attention, on a droit à un concentré de musique synthpop efficace qui s’écoute sans trop se poser de questions. C’est quand on écoute plus attentivement qu’on retrouve certains choix artistiques plus douteux, comme de ne jamais avoir une voix claire même dans les chansons où il aurait été bénéfique d’en avoir une et de tout faire sur des sonorités synthétiques, même les parties qui se veulent acoustiques. Pour un «premier album», ce n’est évidemment pas tragique, mais les questions perdurent…

Car on a beau tenter d’écouter l’album sans a priori, mais c’est une drôle d’époque de se demander, en 2024, si on écoute la musique d’une vraie personne ou d’une intelligence artificielle à qui on a commandé un album de pop électronique. Surtout que moins de 3 mois après sa sortie, un autre album complet est déjà annoncé?! L’absence de présence sur les plateformes plus de quelques semaines avant le lancement de cet album, le manque de vraies photos, aucun spectacle annoncé et aucune page Wikipedia, même rudimentaire, ajoutent aux questionnements. On espère qu’on aura confirmation de la vérité plus tôt que tard, et que ça serve d’exemple pour le futur quant à la chose à faire ou ne pas faire quand on utilise l’IA pour créer de la musique. Car pendant qu’on écoute (peut-être) de la fausse musique, ce sont les vrais artistes qui ont mis des heures et des heures sur leur art qu’on n’écoute pas. On ne tient évidemment pas à en faire une habitude…

À écouter : Favorite, Nothing Left to Give, I Am Not Her

6,9/10

Par Olivier Dénommée


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