
Sorti le 26 octobre 1993
On ne peut pas dire qu’on est extrêmement familier avec le mouvement «riot grrrl», ce sous-genre de punk-rock qui a fait son apparition au début des années 90 dans le nord-ouest des États-Unis, mais on connaît, comme beaucoup sans doute, la fameuse chanson Rebel Girl de Bikini Kill, qui lui est pour toujours associée. Retournons donc en 1993, avec l’album Pussy Whipped.
Le mouvement riot grrrl est une traduction en musique d’une frange de la troisième vague de féminisme, avec des paroles assumées, des sujets qui sont plus souvent associées à des paroliers mâles et une musique agressive, à des années-lumière d’une pop soignée. C’est exactement ce que nous livre Bikini Kill avec son premier album et le meilleur exemple et Rebel Girl, avec ses textes qui parlent de solidarité féminine, mais aussi amour de la chanteuse pour une autre femme (la chanteuse Kathleen Hanna s’identifie publiquement comme bisexuelle depuis 1993). La chanson ne nous avait jamais particulièrement accroché hors contexte, mais en connaissant mieux le contexte où elle a été écrite, on comprend mieux que plus de 30 ans plus tard elle est toujours considérée comme un classique et que certains la classent parmi les meilleures chansons de tous les temps : le symbole est plus fort que les guitares saturées et les mélodies approximatives que l’on peut entendre.
On doit quand même le dire : si, même en connaissant le background de Rebel Girl, la chanson vous hérisse les poils, l’album Pussy Whipped n’est pas pour vous, parce que les autres chansons sont encore plus chaotiques et criardes. Digne de plusieurs autres groupes punk, Bikini Kill y va de plusieurs chansons courtes mais intenses. La première de l’album, Blood One, en est un parfait exemple avec sa musique punchée et ses paroles un peu moins claires, mais qui transpirent sans contredit la colère. Et la très féministe Lil Red ne fait pas dans la dentelle non plus!
Parmi les chansons plus mémorables du bref opus se trouvent Alien She, où la chanteuse ne semble pas trop se prendre au sérieux, nous décrochant au passage un petit sourire, ou encore la contagieuse Magnet avec ses paroles on ne peut plus punk : «You don’t own me, fuck!» Sugar ne laisse pas sa place non plus avec ses paroles très explicites.
Par contre, il y a aussi plusieurs pistes où les paroles sont purement incompréhensibles à moins de les avoir écrites à portée de la main. C’est le cas de Speed Heart, Star Bellied Boy, Hamster Baby et, dans une moins mesure, Tell Me So. Après vérification, on peut lire que la plupart de ces chansons n’ont pas été chantées par Hanna, mais plutôt Tobi Vail (Tell Me So et Hamster Baby) et Kathi Wilcox (Speed Heart, mais aussi Star Fish), respectivement derrière la batterie et la basse normalement.
Le dernier mot de l’album de même pas 25 minutes revient à la chanson la plus longue, For Tammy Rae, durant 3 minutes et demie. C’est aussi la chanson la plus «douce» et lente du lot (et parmi les plus accessibles), au titre faisant référence à Tammy Rae Carland, amie avec qui Kathleen Hanna a déjà formé le groupe Amy Carter par le passé. C’est aussi la photographe à qui on doit la pochette de l’album, alors toute est dans toute, comme on dit!
Si ce n’était pas encore clair, Pussy Whipped de Bikini Kill n’est pas un album «facile», mais plutôt un album coup de poing qui était assurément nécessaire en 1993, et qui a encore étrangement sa place une trentaine d’années plus tard. À écouter ou à réécouter au moins une fois de temps en temps pour se rappeler que les luttes féministes ne sont jamais terminées.
À écouter : Magnet, Rebel Girl, For Tammy Rae
Par Olivier Dénommée
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