
Sorti le 7 juin 2024
Même si elle a une carrière depuis la fin des années 2000 et qu’elle a connu beaucoup de succès depuis, l’Anglaise Charlotte Aitchison, plus connue sous le nom Charli XCX, n’a jamais particulièrement été sur notre radar. Mais avec son 6e album, intitulé Brat, certaines voix la classent parmi les meilleures sorties de 2024 toutes catégories confondues, ce qui n’est pas un petit exploit considérant le nombre de poids lourds qui ont fait paraître quelque chose dans les derniers mois. On s’est donc penché sur cet album au titre et à la pochette simples, mais au contenu beaucoup plus intense.
L’album est ouvertement inspiré de la rave scene du début des années 2000, une musique de club qui ne fait pas nécessairement dans la dentelle, mais il est ironiquement aussi décrit comme son offrande la plus vulnérable. Avouons d’entrée de jeu que sa vulnérabilité est plutôt discrète et qu’on retient surtout le côté agressivement dansant de ses chansons, qui s’apprécient vraisemblablement beaucoup plus facilement avec certaines drogues dans le corps. Néanmoins, la générosité de l’album n’est pas négligeable, proposant 15 titres pour une durée d’une quarantaine de minutes.
360 ouvre le bal avec une chanson aux accents électro-pop relativement minimaliste et modérée dans son énergie. Si la chanson n’est pas en elle-même particulièrement mémorable, elle est apparemment devenue virale plus tôt cette année grâce à ses paroles, lui donnant un boost de popularité. Tant mieux pour elle! Ceci étant dit, dès on arrive au reste de l’album, on s’ennuie rapidement de 360 parce qu’on abandonne essentiellement tout sens de la nuance dans plusieurs chansons : Club Classics, Von Dutch, Everything Is Romantic (mis à part le début qui laisse croire à une toute autre énergie), Girl, So Confusing et Apple (malgré une énergie somme toute sympathique pour ces 2 pistes), B2B ou encore Mean Girls ne semblent pas être des chansons à pleinement apprécier à jeun, tout simplement. Ça s’adresse donc à un public plus niché ou en quête d’une énergie très précise. Ce n’est toutefois pas pour nous. La finale de l’album est 365, au titre qui ressemble beaucoup à 360; c’est en fait une version pimpée de la même chanson, mais dans l’esprit de la majorité de l’album qui n’est pas notre tasse de thé. On s’en tient donc volontiers à l’original!
Mentionnons tout de même les exceptions notable de l’album : Sympathy Is a Knife fait partie des morceaux plus surchargés musicalement, mais aussi de ceux qui ont droit aux mélodies les plus senties. Quant à I Might Say Something Stupid, on se lance dans une ballade chargée en autotune, offrant un moment de répit même s’il est un peu trop court parce que la chanson ne dure même pas 2 minutes et semble même manquer un morceau à la chanson; c’est plus tard que l’émotive So I reprend le flambeau, de bien belle façon. Talk Talk tombe dans l’Eurodance, mais propose des beats et des refrains solides. Le build-up réussi de Rewind vaut aussi le détour. I Think About It All the Time arrive tout près de la fin de l’album, livrant une chanson toute simple sur la question d’avoir ou non des enfants pour une femme. On l’avoue, on ne s’attendait pas à une telle profondeur dans un album de musique de club.
Brat nous laisse des sentiments très partagés. Premièrement, entendons-nous que nous ne sommes pas le public cible de la musique de Charli XCX, alors c’est normal jusqu’à un certain point de prendre un peu plus de temps pour apprivoiser sa musique, mais après une écoute intensive pendant plusieurs jours, on peine encore à vraiment comprendre à qui ça s’adresse. Si c’est un pur album «de club» à écouter sur le LSD, ça ne mérite pas nécessairement les grands honneurs à notre avis, et si elle tente de nous offrir de la profondeur, le message est au mieux ambigu. Il y a bien sûr des qualités à Brat, mais rien de révolutionnaire à notre très humble avis. On ne fait donc décidément pas partie de ceux qui trouvent que c’est ce que 2024 nous a offert de mieux.
Brat and It’s the Same but There’s Three More Songs So It’s Not (version deluxe)
Charli XCX semblait trouver que 15 pistes, c’était trop peu, alors elle a rapidement lancé une version deluxe, au titre sensiblement plus long : Brat and It’s the Same but There’s Three More Songs So It’s Not. Comme le titre l’indique, l’album contient 3 chansons de plus, mais rien de complètement différent de ce qui a déjà été fait. Hello Goodbye y va d’une chanson énergique mais pas trop avec quelques bonnes lignes. Le segment où elle répète «Hello hello hello hello» ne fait toutefois pas partie des bons coups, mais le reste nous évoque une étrange nostalgie, possiblement à cause de certaines sonorités utilisées. La suivante, Guess, ne fait pas du tout dans la nuance avec un morceau hyper sexualisé, mais qui fonctionne dans son registre. La dernière, Spring Breakers, semble peiner à répliquer les meilleurs éléments des 2 autres chansons. En bref, elle ne nous rejoint pas du tout!
Brat and It’s the Same but There’s Three More Songs So It’s Not ne fait ainsi que rallonger l’expérience, sans véritablement ajouter quelque chose. On a donc l’impression que c’est une version qui s’adresse avant tout aux inconditionnels de Charli XCX, sans plus.
Brat and It’s Completely Different but Also Still Brat (version remix)
«Non, 18 pistes, ce n’est toujours pas assez», a vraisemblablement pensé Charli XCX parce qu’elle a aussi lancé Brat and It’s Completely Different but Also Still Brat, un album double comprenant à la fois la version deluxe de Brat avec les chansons remixées avec d’autres autres artistes, pour un total de 35 pistes en 1h40 (seule Hello Goodbye n’a pas eu droit à ce traitement, mystérieusement!). Comme on ne veut pas refaire la critique au complet, on va se concentrer sur les éléments qui sortent du lot, pour le meilleur et pour le pire.
360 (avec Robyn et Yung Lean) n’ajoute franchement pas grand-chose à la version initiale, la rendant en fait beaucoup moins intéressante à notre avis. Sympathy Is a Knife (avec Ariana Grande) a la grande qualité de mettre de l’avant l’impressionnante voix de Grande, même si les dernières secondes de la chanson sont de trop. I Might Say Something Stupid (avec The 1975 et Jon Hopkins) va complètement ailleurs avec un morceau complet (plus de 4 minutes) très senti du début à la fin, au point de faire tache dans cet album généralement beaucoup plus intense!
Mention à Talk Talk (avec Troye Sivan), qui crinque la tension sexuelle à 11, ce qui n’était pas nécessaire alors qu’elle l’était déjà à 8 ou 9 à la base. Et So I (avec A. G. Cook) a été gâchée, perdant complètement ce qui faisait sa force pour ressembler au reste de l’album. Mais Girl, So Confusing (avec Lorde) permet de renforcer les meilleures facettes de la version originale. Si l’original nous laissait tiède, Apple (avec The Japanese House) met en valeur certaines lignes mélodiques très efficaces. Et que dire de Mean Girls (avec Julian Casablancas), mettant un peu de soleil dans la chanson? Même Charli XCX s’est surpassée en imitant la voix d’Ariana Grande vers la fin de la chanson, montrant ainsi l’étendue de son registre.
I Think About It All the Time (avec Bon Iver) réussit comme toujours à ajouter de l’émotion à l’interprétation, mais dans ce cas-ci c’était totalement inutile parce que la chanson était déjà parfaite comme elle était. Il n’y a pas grand-chose à commenter sur Guess (avec Billie Eilish) mis à part le fait que la chanson a clairement été écrite avec elle en tête pour une collaboration.
Notre écoute enfin terminée, on réitère notre position : Brat (et ses versions bonifiées) n’est pour nous pas un des meilleurs albums de 2024, mais il montre au moins la grande générosité en studio pour Charli XCX. Cette version contient quelques très bonnes versions, alors selon vos préférences, vous pourriez la considérer.
À écouter : 360, So I, I Think About It All the Time // Deluxe : Hello Goodbye // Remix : I Might Say Something Stupid, Apple
7,3/10 (de base) // 7,2/10 (deluxe) // 7,6/10 (remix)
Par Olivier Dénommée
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