
Sorti le 28 août 2015
Il y a presque 10 ans jour pour jour paraissait le tout premier album de la chanteuse américaine Halsey (nom de scène d’Ashley Frangipane), Badlands. On se souvient d’avoir entendu sa chanson New Americana, sans assez accrocher sur la musique pour nous amener à l’écouter en détail. Cet anniversaire est toutefois notre prétexte pour y revenir.
L’album d’une quarantaine de minutes touche à plusieurs sous-genres de pop, électropop, dark pop, alt-pop et synthpop, et ouvre sur l’extrait Castle. Apparemment la chanson s’est retrouvée sur une bande sonore, ce qui a certainement contribué à son succès, mais on retient une chanson une chanson électropop percussive, sans être exceptionnelle. Comme c’est trop souvent le cas dans les albums pop, les chansons plus intéressantes sont celles qui ne sont pas retenues comme singles. Hold Me Down poursuit essentiellement cette tradition (elle a servi de single promotionnel, et non de single commercial, ce qui n’est pas la même chose!) avec une chanson aussi percussive, mais avec une musique et des mélodies plutôt efficaces. La piste semble seulement un peu plus longue que nécessaire – un refrain de moins n’aurait pas fait de mal. S’ensuit New Americana, chirurgicale dans ses refrains avec des arrangements épiques, mais il y a quelque chose de tellement formaté qu’on n’a jamais été capable d’accrocher sur la proposition. C’était ainsi il y a 10 ans, ça n’a pas changé depuis!
Après des chansons très produites, Drive et son intro plus minimaliste se prennent bien. Cela ne dure évidemment pas très longtemps avant que le vrai son n’entre en scène, mais le résultat n’en est pas moins plutôt intéressant, malgré les ajouts totalement superflus ici et là. La piste aurait aussi dû se terminer 30 secondes plus tôt. Les arrangements plus enjoués de Roman Holiday valent le détour (en plus de faire du bien au milieu d’un album plutôt sombre!), tout comme ceux de l’extrait Colors. La suivantes, Coming Down et Haunting, manquent toutefois de la même magie pour nous rester en tête malgré tous les efforts de Halsey.
Control contient quelques idées intéressantes, mais n’arrive jamais pleinement à aller au bout de celles-ci. La montée au milieu de la piste aurait pu aller beaucoup plus loin. On préfère ce qu’elle nous livre avec la lente Young God, malgré les effets dans sa voix qui occupent plus de place que nécessaire. Cela nous mène à la finale, l’extrait Ghost, une des toutes premières compositions de la chanteuse. On la sent un peu comme une intruse dans l’album à cause du ton très différent du reste de l’opus. C’est tout de même un beau clin d’œil pour ceux qui l’auraient suivie depuis ses tout débuts.
L’album Badlands de Halsey est selon nous en montagnes russes, avec de très bons moments et d’autres moins forts à cause de choix artistiques douteux, comme c’est très souvent le cas avec les artistes pop, particulièrement ceux qui ne veulent pas être associés à une musique trop commerciale. Cela n’empêche pas de garder en mémoire quelques pépites, même si on ne se mord pas trop les doigts d’avoir négligé pendant 10 ans d’écouter cet album. C’est un bon premier effort de sa part, mais ce n’est pas tout de suite qu’elle a su trouver le bon ton dans la majorité de ses chansons.
Version deluxe
Rendons à César ce qui appartient à César : Halsey a été très généreuse avec Badlands. Si la version régulière compte déjà 40 minutes, elle a aussi offert une version deluxe de 15 minutes de plus. Cette version ne met par contre pas toutes les nouvelles chansons à la fin, et change même l’ordre de certaines pistes, ce qui peut quelque peu changer la façon d’écouter l’opus. Mais, pour les besoins de cette critique, ne parlons que du nouveau matériel, sans s’attarder à leur emplacement.
Avec Hurricane, on reconnaît assez bien le style que Halsey a tenu tout au long de l’album. En bonus, le refrain est aussi très réussi. Mentionnons que Colors a droit à une suite, Colors pt. II, mais celle-ci n’aura pas le même effet sur nous, à cause de sa courteur et du style qui ne colle pas aussi bien à la «partie 1». Strange Love a l’avance de devenir meilleure à mesure que la piste avance, mais le refrain n’est pas aussi fort que ce qu’on aurait pu souhaiter.
Le cas de Gasoline est très particulier : la chanson n’apparaît que sur la version deluxe et n’a jamais été présentée comme extrait, mais elle est celle qui a obtenu le plus d’écoutes sur Spotify. Et pourtant, on peine à trouver ce qu’elle a de si exceptionnel pour justifier sa popularité… certains mystères ne peuvent tout simplement pas être expliqués! Et la dernière piste de la version deluxe est I Walk the Line, la fameuse chanson de Johnny Cash, mais celle-ci est tellement changée qu’on peine à faire le lien avec l’originale! Le concept est intéressant, mais on sent que Halsey a surproduit la chanson pour justement la rendre méconnaissable, ce qui empêche d’apprécier certaines nuances.
La version bonifiée de l’album poursuit la lignée avec des bouts vraiment solides et d’autres un peu moins. Cela paraît que les 2 versions ont été lancées en même temps, et donc que la chanteuse n’a eu aucun recul pour changer son dosage. La version deluxe montre tout de même la générosité de l’artiste, qui livre pas moins de 55 minutes pour un premier album. Comme on n’est pas le public-cible, on se serait possiblement contenté de Hurricane, mais on peut imaginer que les fans de Halsey ont été ravis par cette proposition!

Decade Edition Anthology (2025)
Notre critique de Badlands ne sort pas de nulle part : l’artiste a fait paraître le 29 août 2025, soit 10 ans plus 1 jour plus tard Badlands (Decade Editions Anthology), une version archi bonifiée sur 3 disques de son premier album. Bonne nouvelle : le premier disque est en fait la version deluxe de l’opus, donc on on peut déjà passer à la suite!
Le seconde disque, plutôt bref, est consacré à des versions orchestrales de certaines chansons-phares de l’album. Colors (orchestral) ne fait qu’accentuer la beauté naturelle de la chanson originale, alors que Drive (orchestral) semble juste être la version originale avec quelques violons ajoutés par dessus, ce qui est dommage parce qu’elle avait le potentiel d’aller plus loin! On ne déteste pas l’effort de Gasoline (orchestral), mais le résultat ne correspond pas vraiment à l’énergie de la composition, malheureusement! Quant à New Americana (orchestral), les nouveaux arrangements ne peuvent pas corriger le refrain qui nous laisse invariablement tiède depuis 10 ans, mais le reste de la chanson est vraiment réussie! Enfin, Young God (orchestral) tente un build-up orchestral sur la chanson, sans la bonifier outre mesure.
Même si on est assez sévère face à ces arrangements, on doit admettre que ce segment de l’anthologie est un des moments qu’on a eu beaucoup de plaisir à écouter. On se doit quand même de le dire quand on sent que Halsey a raté l’occasion d’aller plus loin avec ces chansons et de les amener à un tout autre niveau, comme tant d’artistes ont réussi à le faire en changeant carrément de style une chanson, souvent pour le mieux. Ici, c’est un changement souvent plus cosmétique qu’autre chose.
Et nous voilà déjà dans le disque 3 de l’anthologie! Celui-ci contient plusieurs versions alternatives de chansons déjà entendues, mais la première piste est en fait une chanson jamais lancée auparavant! Garden est assez quelconque et peine un peu à justifier sa présence ici. Elle est surtout suivie de Colors (stripped), oui une autre relecture de Colors! La version minimaliste met vraiment de l’avant la vulnérabilité de la chanteuse de l’avant, chose qu’on n’a pas beaucoup entendu à travers l’album. Seul commentaire à formuler : le passage parlé n’était pas nécessaire pour garder la force de cette version. S’ensuivent quelques démos : You(th) (demo), chanson tirée du premier EP de Halsey, et Drive (demo). La première est sympathique mais assez brute, la seconde nous montre qu’à peu de choses près la chanson n’a pas énormément changé jusqu’à sa version finale.
On a aussi droit à 3 pistes en version «1 Mic 1 Take», enregistrées live. On a en général assez peu d’intérêt pour ces versions, mais ici elles sont dépouillées en version piano-voix, ce qui est assez intéressant dans le cas de Hurricane (from Room 93: 1 Mic 1 Take). Le disque ramène aussi d’autres chansons du EP Room 93, Is There Somewhere, Empty Gold et Trouble (stripped). La première est étonnamment très accrocheuse (on ne l’avait jamais entendue avant, mais elle rentre au poste!), la seconde tente d’aller dans toutes les directions et le résultat est beaucoup plus inégal. Quant à la 3e, on n’a jamais entendue de version non dépouillée, et surtout on l’a entendue plus tôt avec Trouble (From Room 93: 1 Mic 1 Take) de façon presque identique, cela donne un doublon assez inutile dans un album déjà bien assez long!
La portion finale du dernier disque est dédiée aux remixes. On a droit à Hurricane (Arty Remix), aussi dansante que ce à quoi on peut s’attendre, Ghost (Lost Kings Remix), commençant de façon faussement douce pour mieux nous attaquer avec un house contagieux, et Trouble (Sander Kleinenberg Remix), percussif dès la première seconde malgré le ton plus vulnérable de la composition originale. Dans les 3 cas, on ne retiendra pas ces versions, qui ont leur utilité, mais qui ne bonifient pas particulièrement les chansons de Halsey à notre avis.
En tout, cela nous fait un total de 116 minutes, pas exactement ce qu’on pourrait appeler une sortie légère! Comme mentionné plus tôt, notre segment préféré de cette version bonifiée est celle avec les versions orchestrales, mais chaque auditeur pourra y trouver son compte, à condition bien sûr d’apprécier ce que propose Halsey! Cela reste une belle rétrospective de son premier album, même si on va préférer ce qu’elle fera paraître plus tard!
À écouter : Roman Holiday, Colors, Young God // Deluxe : Hurricane // Anthology disque 2 : Colors (orchestral) // Anthology disque 3 : Hurricane (from Room 93: 1 Mic 1 Take), Is There Somewhere
7,2/10 (régulier) // 7,3/10 (deluxe) // 7,5/10 (Decade Edition Anthology)
Par Olivier Dénommée
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