Ex-futur album – Véronique Vincent & Aksak Maboul

12inch_gatefold_v92012.inddSorti le 27 octobre 2014

L’histoire derrière l’album, intitulé Ex-futur album, mérite bien un paragraphe : les Véronique Vincent (chanteuse du groupe belge les Honeymoon Killers) et le duo Aksak Maboul (Marc Hollander et Vincent Kenis) ont enregistré en 1980 et des poussières des chansons électro-pop. Mais celles-ci étaient trop avant-gardistes pour l’époque, et on a décidé de ne rien faire avec cet album. Puis, soudainement, en 2014, l’album serait mûr et on le lance, avec à peu près pas de modification. On a donc droit au son du futur d’il y a 30 ans.

L’exercice audacieux mérité d’être salué, et la presse, surtout française, a souligné que cet album enregistré entre 1980 et 1983 a parfaitement sa place aujourd’hui. On a quand même le droit de se demander si l’album aurait eu aussi bonne presse s’il avait été composé en 2014.

Probablement pas. La pop électronique de Ex-futur album est loin d’être si accessible qu’on le dit. L’oreille des années 2010 est, certes, plus ouverte aux découvertes, mais cela ne pardonne pas des compositions peu inspirées et répétitives. Il n’en manque malheureusement pas sur cet album.

Les paroles «Je crois… j’vais vomir» démarrent l’album, sur la piste Chez les Aborigènes. S’ensuivent une synthpop lente et semi-convaincante, avec une mélodie aérienne, mais qui semble rester sur le même ton. Puis, au milieu de la piste, un changement de beat, où Véronique Vincent répète «Je pars en Australie». Cela donne une idée de l’avant-garde de l’opus.

Afflux de luxe, au moins, offre une musique plus accrocheuse et une progression intéressante, notamment dans le refrain. C’est la voix qui n’arrive pas toujours à convaincre. Une portion instrumentale à la fin, quoiqu’un peu longue, a le mérite de nous amener un peu ailleurs. Je pleure tout le temps (titre évocateur) a une musique intéressante, gâchée par une répétition maladive de la phrase-titre, le tout avec un ton assez monotone. Cela reste dans la tête, mais pour les mauvaises raisons. Ce sont les portions sans voix qui permettent d’apprécier la composition feutrée.

Au milieu de cet album de pop avant-gardiste, Veronika Winken offre des sonorités au contraire très rétro, qui nous ramènent quelques décennies avant l’enregistrement de l’opus. On est donc en terrain connu, surtout dans le refrain sympathique, même si on ajoute des cris bestiaux pour ne pas complètement détonner avec le reste de l’album. Autre pièce surprenante : Réveillons-nous, qui offre une bonne portion instrumentale. Elle nous permet d’apprécier le talent des compositions de Marc Hollander. Par contre la voix finit par apparaître à la fin, avec une présence plus ou moins pertinente.

Déjà, l’album commence à tourner en rond : I’m Always Crying suit, avec une version anglophone de Je pleure tout le temps. Outre la langue, on change un peu le ton, mais sinon la construction reste exactement la même…. Imaginez, une chanson bonus de l’opus inclut une version remixée de la même chanson, intitulée I’m Always Remixing. Disons qu’il faut vraiment l’aimer pour ne pas sentir la redondance ici. The Aboriginal Variations et une reprise de Chez les Aborigènes, avec une musique encore plus joyeuse et une ligne vocale encore moins convaincante. En effet, la chanteuse n’a même pas l’air de vouloir faire semblant de chanter ici. Notez que cette version dure plus de huit minutes. Comme si ce n’était pas assez, Mit den Eingeborenen (live), une autre version de la même chanson, avec des passages probablement en flamand, nous rajoute encore près de neuf minutes de la même chose…

Il reste, heureusement, encore quelques pistes originales dans l’album : My Kind of Doll et Le troisième personnage; cependant, elles ne resteront pas particulièrement dans l’imaginaire…

Mention très spéciale : Luxurious Dub, à très peu de choses près, sonne très moderne. Dur d’imaginer cette piste, instrumentale, enregistrée il y a plus de 30 ans alors que des producteurs d’aujourd’hui font des succès avec exactement les mêmes sonorités. Une des bonnes surprises de l’opus.

Ex-futur album est intéressant dans la mesure où on a créé une musique osée pour 1983, et qu’on voit l’évolution d’une trentaine d’année de musique pop. Pour le reste, à part quelques pistes très limitées, Ex-futur album n’est pas intéressant à écouter pour le plaisir. Si l’album avait été enregistré l’an dernier, jamais, au grand jamais, il n’aurait pu connaître de succès. C’est un bon indicateur.

À écouter : Afflux de luxe, Veronika Winken, Luxurious Dub

4,7/10

Par Olivier Dénommée


En savoir plus sur Critique de salon

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Votre commentaire