
Sorti le 6 octobre 2023
Malgré son impressionnante discographie, on ne s’était encore jamais vraiment penché sur la musique de Sufjan Stevens. Mieux vaut tard que jamais, et, apparemment, son dixième album solo, Javelin, est un véritable bijou. Nous y avons prêté une oreille pour nous faire notre propre idée.
L’histoire derrière l’album est fascinante en soi : on note que même s’il a été très prolifique ces dernières années, notamment dans des albums collaboratifs, Javelin est le premier marquant son retour comme «singer-songwriter» depuis Carrie & Lowell, paru en 2015. L’album est aussi dédié à Evans Richardson, le conjoint du musicien, décédé plus tôt en 2023. Par le passé, la mort a été un important catalyseur pour l’inspiration de Sufjan Stevens et cette fois-ci ne semble pas faire exception.
Décrit comme indie-folk, l’album joue avec les intensités, allant tantôt dans la douce mélancolie, tantôt dans des passages très chargés où on perd un peu la mélodie. C’est un peu tout ça qui se passe dans la première piste, Goodbye Evergreen, qui commence tout en douceur avant de nous exploser dans les oreilles. C’est chaotique par moments, mais on ne peut pas dire que ce n’est pas une entrée en matière réussie.
Le single A Running Start propose quant à lui un folk nerveux, juste assez lumineux dans ses arrangements parfois chargés. Plus modéré mais offrant un solide build-up au fil de la chanson, Will Anybody Ever Love Me?, un autre extrait, est aussi plutôt réussi. Mais on a un faible pour la planante Everythng That Rises, qui prend son temps avant de gagner en intensité comme les précédentes ou encore Genuflecting Ghost, plus éthérée dans la mélodie.
La berçante (du moins au début) My Red Little Fox est dans une classe à part, alors que le premier extrait de l’album, So You Are Tired, offre une des mélodies les plus sincères de l’album. Javelin (To Have and to Hold) surprend par sa courteur, alors qu’elle ne franchit pas la barre des 2 minutes. Cela la rend automatiquement moins mémorable que les autres qui ont eu davantage de temps pour se développer. Elle est ironiquement suivie de la piste la plus longue, Shit Talk (atteignant 8min30!), où il y a beaucoup de chair autour de l’os cette fois! On aurait peut-être quand même coupé les 2 dernières minutes, tombant davantage dans le registre atmosphérique, mais la chanson n’en demeure pas moins plutôt solide. L’album aurait pu se terminer ici, mais on ajoute un petit cover en conclusion d’album : There’s a World de Neil Young, en version toute simple, qu’on préfère d’ailleurs à l’originale.
Il est difficile de trouver de véritables défauts à cet album de 42 minutes. La longueur des pistes? Plusieurs dépassent les 4 minutes, mais à part Shit Talk, on n’est pas vraiment dans l’abus. La tendance d’ajouter des segments musicaux très intenses vers la fin de morceaux autrement beaucoup plus doux? Ce n’est certainement pas un procédé que l’on recommande de faire systématiquement, mais dans la plupart des cas ici, ça ajoute quelque chose aux chansons, qui sont pour la plupart excellentes. Même sans connaître la situation entourant cet album, les chansons ne manquent pas de qualités. Mais quand on creuse un peu, on sent que Sufjan Stevens en avait gros sur le cœur et qu’il a mis ses tripes dans cet enregistrement, qui mérite pleinement toutes les mentions qu’il a eues jusqu’à présent et qu’il risque continuer d’avoir dans la prochaine année. Aisément un des albums de l’année.
À écouter : Everythng That Rises, Genuflecting Ghost, My Red Little Fox
8,4/10
Par Olivier Dénommée
En savoir plus sur Critique de salon
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.