SOS – SZA

Sorti le 9 décembre 2022

Même si on s’était penché sur son précédent album Ctrl à l’époque, on n’a pas eu l’occasion d’écouter le deuxième album de la chanteuse SZA, SOS, paru à la fin 2022. Sa nomination au Grammy de l’album de l’année en 2024 et sa défaite contre Midnights de Taylor Swift qui a mené des gens à déchirer leur chemise nous donnent une bonne raison de nous rattraper.

Avant de commencer, deux précisions : même si Ctrl avait été cité par plusieurs comme un des meilleurs albums de 2017, nous n’avons pas du tout partagé cet avis et avons été assez peu convaincu, même s’il y avait bien sûr de très bons éléments dans son premier album solo. On devine donc qu’on n’est pas nécessairement le public cible de SZA. Mentionnons aussi que l’on a écouté Midnights et que l’on n’aurait pas non plus imaginé qu’il aurait mérité le titre de l’album de l’année. Fin de la parenthèse.

Une chose est claire : l’album SOS est imposant, contenant 23 pistes totalisant 68 minutes. Vu sa longueur, c’est aussi une bonne idée d’en faire un album qui aborde plusieurs genres pour éviter trop de redondance. D’une chanson à l’autre on joue entre RnB, pop et hip-hop avec d’autres influences qui ajoutent à la variéété de l’opus. Après la pièce introductive SOS que l’on oublie très rapidement, on a droit à un des incontournables, Kill Bill, une solide «murder ballad» pop/RnB nous rappelant automatiquement les films de Tarantino du même nom. Le sens de la mélodie de SZA est indéniable ici et elle parvient à se démarquer autant en chantant qu’en rappant, ce qui n’est évidemment pas donné à tous. Il aurait été inimaginable que la chanson ne devienne pas un single, mais il aura fallu quelques semaines après sa sortie pour aller de l’avant.

Le défaut d’une chanson aussi forte est de jeter de l’ombre sur celle qui suit : Seek & Destroy est une chanson pleine de bonnes idées, mais qui manque la magie de Kill Bill, particulièrement au niveau du refrain. Pour nous, Low manque aussi d’un ingrédient pour la rendre véritablement mémorable, bien qu’on puisse concevoir que la chanson soit bien en vue auprès des amateurs de musique trap. Plus mollo, Love Language nous offre un beau moment de RnB et Blind y va d’un morceau RnB aux influences folk-pop, qui donnent une autre énergie à la musique de SZA.

On avait des réserves durant les premières secondes de Used (avec un featuring de Don Toliver), mais la chanson devient plus intéressante à partir de 40 secondes. Et c’est justement Don Toliver qui offre la meilleure portion de la chanson. S’ensuit l’extrait Snooze, du RnB qui s’écoute bien, mais sans vraiment plus. On lui préférerait même Notice Me qui, ironie du sort, semble faire partie des pistes les plus oubliées de l’album malgré une chanson bien rythmée et dotée d’une mélodie qui s’écoute très bien. On se surprend aussi que Gone Girl n’ait jamais été davantage mise de l’avant, elle qui coche toutes les cases de Snooze, mais en mieux (peut-être à part sa longueur de plus de 4 minutes qui la rend moins «radiophonique»).

Passons rapidement la brève piste rap Smoking on my Ex Pack pour aller à Ghost in the Machine, en collaboration avec Phoebe Bridgers, donnant une intéressante chanson dans le registre RnB alternatif et montrant une autre facette de SZA. F2F surprend aussi avec une chanson rock où la chanteuse semble étrangement dans son élément même si elle n’est pas du tout associée à ce registre. La chanson est suivie du single Nobody Gets Me, superbe ballade avec des (subtiles) influences de alt-rock et de country qui ne dénaturent toutefois pas ses mélodies bien enracinées dans le registre pop et RnB.

Après quelques pistes qui sont sorties des sentiers battus par SZA, Conceited offre assez peu de surprises. Elle est suivie d’un douce chanson folk-pop, Special, puis de la plus énergique (et chargée) Too Late. On s’explique mal pourquoi la chanson n’a pas connu plus de succès, elle qui contient tous les ingrédients d’une bonne chanson RnB peut-être à part sa relative courteur, mais quand on offre un album aussi surchargé que SOS, difficile de faire briller toutes les chansons qui le mériteraient. Commentaire similaire pour Far, mais dan un registre plus doux, quoique cela peut s’expliquer par le fait qu’elle est suivie de l’extrait Shirt, qui se situe essentiellement dans le même registre, mais sans véritablement de démarquer du lot.

Open Arms avec Travis Scott nous fait nous imaginer par moments d’entendre Ariana Grande à la place alors qu’elle livre une performance pop sensuelle plutôt efficace. On a souvent des réserves sur les collaborations avec des rappeurs, mais Scott a livré un couplet en respect avec l’esprit de la chanson. Par contre, la fin est quelque peu gâchée par le désir d’ajouter 35 secondes de trop à la fin.

Croyez-le ou non, il reste encore 2 extraits qui n’ont pas été abordés et ils arrivent enfin : I Hate U et Good Days. Petite déception du côté de I Have U, où il ne se passe rien que l’on n’a pas déjà entendu plus tôt (on en est déjà à la piste 21 de l’album, rappelons-le), mais Good Days, tout premier single de l’album, montre le côté nostalgique de la chanteuse, même s’il nous faut un peu plus que de la nostalgie sur fond de pop pour en faire une chanson véritablement incontournable. SZA fait toutefois le choix de conclure son album sur Forgiveness (avec Ol’ Dirty Bastard), morceau dans la plus pure tradition hip-hop, terminant même la chanson (et l’album) sur les toujours subtils mots «my niggaaaaaaaa». Pas notre préférée, disons!

Cela vaut la peine de le redire, mais SOS est un album massif, essentiellement l’équivalent de 2 albums complets en un seul, et avec des influences tellement disparates que l’on aurait aisément pu les diviser en 3 ou 4 parties. Le piège d’un opus aussi imposant est qu’il est difficile de garder la même qualité d’une chanson à l’autre et d’éviter les répétitions, piège dans lequel SZA tombe à plusieurs moments. Il y a bien quelques chansons vraiment mémorables, mais surtout beaucoup de chansons «bonnes sans être exceptionnelles», qui alourdissent quelque peu notre écoute alors que sur un album moins surchargé, elles auraient pu être davantage appréciées. On peut aussi blâmer le choix de l’ordre des chansons qui en a mis certains en valeur au détriment de chansons qu’on considère mieux construites. Enfin, on peut dire qu’on comprend mieux la fascination pour SZA qu’à l’époque où on a écouté Ctrl, et on s’efforcera de se tenir plus à jour sur ses parutions futures.

Et maintenant, retour à la question des Grammy… On comprend mieux la réaction de ceux qui crient au racisme d’encore empêcher une femme noire de remporter le prestigieux prix au profit d’une blanche qui est déjà surexposée (y compris ici, alors qu’on se tient beaucoup plus à jour qu’on voudrait l’admettre quant à ses sorties) et qui n’a pas nécessairement livré sa meilleure performance sur Midnight. Si on devait strictement choisir entre les deux, on irait probablement avec SOS par une faible marge, mais c’est peut-être le temps de simplement se remettre en question sur les prix et la façon avec laquelle les lauréats sont gagnés. C’est vrai pour les Grammy, mais ça l’est tout autant pour les Junos et l’ADISQ où, à quelques exceptions près, ce sont toujours les mêmes noms qui reviennent d’une année à l’autre. Mais bon, ça sera une discussion pour une autre fois…

À écouter : Kill Bill, F2F, Nobody Gets Me

7,7/10

Par Olivier Dénommée


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