Stranger in the Alps – Phoebe Bridgers

Sorti le 22 septembre 2017

Cela commence à faire un petit moment que l’on voit passer le nom de Phoebe Bridgers, et sa réputation de chanteuse qui fait dans la musique indie-folk dépressive, mais on n’avait encore jamais pris le temps de se vraiment nous intéresser à sa musique. On remonte donc en 2017 pour découvrir son premier album, Stranger in the Alps.

Le mot «gothique» revient souvent pour décrire le style de Phoebe Bridgers. Ce n’est pas un terme que l’on utiliserait, mais on comprend par là le côté systématiquement sombre de sa musique. Malgré cette noirceur, cela n’enlève absolument rien à la beauté de celle-ci. Dès Smoke Signals, on met bien la table, avec de la guitare, quelques cordes, et bien sûr la voix envoûtante de Bridgers. On a bien sûr entendu plus déprimant auparavant, alors c’est loin de nous déranger, mais il est vrai qu’il y a une certaine mélancolie, fort efficace en passant, qui se dégage ce la chanson.

La suivante est beaucoup plus connue : l’extrait Motion Sickness y va d’un morceau d’alt-country un tantinet plus énergique, mais d’autant plus lourd puisque la chanteuse de son ex Ryan Adams, qu’elle a plus tard accusé d’abus psychologique. La chanson est déjà solide en elle-même avec des mélodies accrocheuses, mais elle a certainement gagné en force lorsqu’on comprend le contexte de sa composition. De son côté, Funeral entre carrément dans le registre de la déprime, abordant sur fond folk minimaliste la mort d’un proche par overdose. Non, ce n’est pas ce qu’on peut appeler un album léger!

Musicalement, Demi Moore donne une toute petite dose d’espoir, avec une musique indie-folk qui serait presque ludique si elle n’était pas volontairement si déprimante. Elle demeure tout de même particulièrement efficace une fois la barre des 2 minutes atteinte, avec le banjo qui vole la vedette. Après une chanson aussi efficace, Scott Street ne nous impressionne pas particulièrement, du moins jusqu’au build-up vers 3 min où la chanson sort de son folk prévisible pour aller vers quelque chose de presque entraînant. On garde toutefois quelques réserves face aux sons qui ont été ajoutés et qui ne correspondent pas particulièrement à l’énergie générale de Phoebe Bridgers.

S’ensuit Killer, premier single de l’album, qui délaisse la guitare pour le piano. Vous l’aurez deviné, mais Bridgers se défend plutôt bien avec cet instrument parfait pour la mélancolie. Il n’est toutefois pas clair qui est la voix masculine qu’on entend avec la chanteuse, mais les deux se montrent amplement vulnérables, donnant un résultat plutôt intéressant, quoique pas si surprenant. Georgia semble être un peu dans la même veine, mais elle cache un solide crescendo qui culmine dans la dernière minute et qui est à donner des frissons. La même magie n’opère toutefois pas avec Chelsea qui, malgré quelques bons éléments, tombe essentiellement à plat. Would You Rather se rattrape toutefois avec un duo vocal encore plus assumé que dans Killer.

S’ensuit la sombre You Missed My Heart. Les lignes de piano, les mélodies et les paroles ne laissent place à aucune ambiguïté quant aux émotions véhicules par la dernière chanson complète de l’album. C’est simple, mais très efficace. Le seul défaut de la chanson est sa longueur : avec presque 7 minutes, on sent que Phoebe Bridgers étire un peu la sauce alors que la musique ne varie vraiment pas tant que ça. Elle fait aussi le choix de conclure l’opus avec Smoke Signals (Reprise), très brève piste instrumentale où on a à peine le temps de reconnaître le thème de Smoke Signals avant qu’elle se termine. C’est tout! Bien entendu, si on écoute l’album en boucle, on va ensuite entendre la vraie version juste après, ce qui fait toujours un peu bizarre. Drôle de choix artistique ici, mais ça reste un choix artistique et non un péché mortel.

Entendons-nous, l’album Stranger in the Alps est paru en plein automne et ça s’entend : c’est un album qui prend tout son sens quand il ne fait pas beau dehors, qu’on a le spleen et qu’on a juste envie de rester dans son lit sans bouger de la journée, mais c’est un album parfait pour cette circonstance. Sans révolutionner quoi que ce soit, Phoebe Bridgers est vite devenue associée à une émotion plus qu’à un style, et plusieurs ont depuis voulu s’associer à elle pour créer des chansons déprimantes. On doit malgré tout exprimer des petites réserves dans la construction de l’album, alors qu’il commence en force et se termine avec certaines des chansons les moins marquantes. Il aurait été possible d’en couper une ou deux moins fortes, ou encore de simplement réviser l’ordre pour mieux équilibrer l’album, bien que cette critique n’enlève rien à l’ambiance générale qui est somme toute très réussie, surtout pour un premier album!

À écouter : Motion Sickness, Demi Moore, Georgia

7,9/10

Par Olivier Dénommée


En savoir plus sur Critique de salon

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.