
Par Olivier Dénommée
C’est une soirée plutôt riche en punk-rock que proposait le festival Soif de musique de Cowansville le 3 juillet dernier, avec comme tête d’affiche le groupe américain Rise Against pour la première soirée de sa 5e édition.
Ayant manqué ma chance de voir le groupe de Chicago en 2020 à cause d’une certaine pandémie, je n’allais pas encore passer à côté de cette chance! Rise Against joue à divers endroits au Québec cet été, mais le festival Soif de musique semblait l’endroit parfait, pour 2 raisons : sa proximité et sa relative jeunesse alors que beaucoup ignorent encore son existence. Et tant qu’à sortir en festival, autant écouter à peu près tout ce que la soirée avait à offrir.
Le groupe ontarien Bad Waitress a ouvert le bal, sur la scène Desjardins (la petite scène). Pas gênées du tout, les musiciennes (c’est un band entièrement féminin) n’ont pas trop fait dans la nuance, crachant un punk-rock parfois un peu brouillon, mais somme toute efficace. Je n’avais jamais entendu parler du groupe avant, et c’était probablement aussi le cas pour la majorité des spectateurs, mais il y avait bien un gars qui vivait le moment à fond devant la scène. Je n’ai pas tout saisi des paroles, mais au moins ça avait le mérite d’être clair chaque fois que les musiciennes s’alternaient au micro pour crier «Fuck». On ne peut pas dire que le ton n’était pas donné pour cette soirée!
Peu après, on passait déjà à la scène principale pour écouter un autre groupe entièrement féminin, Les Shirley, qui ont rappelé au public que c’est une prise 2 pour elles : l’an dernier, un déluge de pluie avait forcé à annuler leur performance, mais elles ont entre-temps eu une promotion, passant de la scène secondaire en fin de soirée à la scène principale avant les deux têtes d’affiche de la soirée. Et on ne peut pas dire qu’elles n’ont pas tout donné, offrant un rock énergique et très solide, mais pas sans une bonne grosse dose d’humour et d’autodérision. Mention spéciale à leur reprise de All the Things She Said de t.A.T.u., petit plaisir coupable. Cela me fait penser que je devrais prendre le temps d’écouter davantage le matériel des Shirley, qui, j’oserais parier, doit s’écouter sacrément bien en auto.

Après 2 performances féminines, les boys ont pris la place, ou plutôt les dads, comme les gars de Pennywise ne sont plus tout à fait des jeunesses, bien que la fougue punk semblait intacte. Ils ont été allègrement cabotins pendant leur set, consacrant un segment à reprendre des extraits d’autres tounes, mais aussi très engagés politiquement. Disons que personne ne s’attend à ce que Pennywise vote pour Donald Trump de sitôt… même si l’alternative n’est pas beaucoup plus réjouissante. «On a le choix entre mauvais et vraiment pire», ont notamment résumé en anglais les gars de Pennywise. Mais le public était plus en mode party qu’enclin à parler de politique, à en juger par les canettes de bière qui ont revolé à quelques reprises pendant le spectacle (note aux festivaliers : Ça s’appelle Soif de musique, pas Soif de canettes vides par la tête)… Et les fans de Pennywise étaient bien présents à Soif de musique, alors que plusieurs ont chanté en chœur leurs chansons. Heureusement, le groupe a pensé à ceux qui ne connaissent pas leurs tounes par cœur et ont conclu sa performance avec une version punk de Stand by Me loin d’être désagréable.
Une fois que tout le monde était bien réchauffé, c’était enfin au tour de Rise Against de monter sur scène. Cela aura pris 3 ans de plus, mais j’ai enfin eu la chance d’avoir un souvenir plus récent que la performance au ’77 Montréal en 2018, où le drummer semblait toujours être plus pressé que le reste du groupe. Et je dois avouer que la première chanson commençait mal : c’était chaotique et personne ne semblait jouer exactement sur le même temps, sans parler du volume qui était tellement fort qu’il ne survivait plus aucune nuance. Cela s’est heureusement replacé, au moins pour la majorité du set; le batteur Brandon Barnes a encore tendance dans certaines chansons à pousser le tempo même quand les autres musiciens ne le suivent pas…

Le charismatique chanteur Tim McIlrath a été très généreux dans ses interactions avec le public et a rappelé le lien fort du groupe avec le Québec, un amour visiblement réciproque. Musicalement, on n’a eu droit qu’à des classiques ou presque. Le dernier album de Rise Against, Nowhere Generation, est paru en 2021, mais il était assez peu présent dans le spectacle, au profit des chansons populaires des années 2000 et début 2010 que le grand public connaît davantage. On a aussi eu droit à un bref segment acoustique, avec Hero of War et Swing Life Away. Si Hero of War est depuis longtemps une de mes chansons préférées de Rise Against, l’entendre en live dans le contexte actuel frappait d’une toute autre façon. Le chanteur n’a pas eu à nommer les guerres en Ukraine et entre Israël et le Hamas, mais je crois que tout le monde a compris que cette chanson était aussi forte et pertinente aujourd’hui qu’en 2008. Bref, malgré certains moments inégaux mentionnés plus haut, le spectacle valait largement le déplacement.
La pluie s’est invitée par intermittence pendant le show de Rise Against, mais jamais au point de convaincre les gens de partir; au contraire, elle était rafraîchissante après une journée plutôt chaude. Tout de même, petit constat au sujet du spectacle : la majorité des membres du groupe sont straight edge, et donc ne prennent pas d’alcool et de drogue, mais ce n’était visiblement pas le mood de l’écrasante majorité du public qui enchaînait une bière après l’autre. Il était aussi d’assez mauvais goût de voir quelques personnes lancer leur bière en direction du band, mais aucune mention n’a été faite de ça; au contraire, Rise Against a pris le temps à plusieurs reprises de rappeler que sans des groupes comme Pennywise (qui, lui, n’hésite pas à encourager les gens à boire!), il ne serait pas là aujourd’hui. Ça reste un festival, alors on devine que le groupe ne cherche pas à trop pousser ses valeurs à son public, mais le contraste était assez évident. J’ai aussi été témoin d’une intervention musclée de la sécurité pendant le set de Rise Against. Gageons que quelqu’un avait peut-être consommé un peu plus que nécessaire ce soir-là…

Après Rise Against, il restait encore un spectacle, VioleTT Pi, sur la scène Desjardins, mais vu l’heure, je me suis plutôt dirigé, comme des centaines d’autres festivaliers, vers ma voiture. Résultat : j’ai passé autant de temps à attendre de pouvoir sortir du stationnement que sur la route pour arriver chez moi. «Au moins», il y avait un gars visiblement intoxiqué qui animait le stationnement en criant des insanités à qui voulait l’entendre et en faisant des pirouettes. J’aurai perdu la voix pendant 2 jours, mais cette soirée aura fait de pas pire anecdotes, au fond.
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