
Sorti le 25 octobre 2024
Au fil des années, on a souvent vu passer le nom de la chanteuse américaine Halsey (Ashley Frangipane de son vrai nom), mais on n’avait jamais trop pris le temps de sérieusement se pencher sur sa musique, même si elle cumule plusieurs albums depuis ses débuts en 2012. On a donc prêté une oreille curieuse à The Great Impersonator, sa 5e offrande studio.
En jetant un œil à sa discographie passé, on a pu constater que Halsey sait être généreuse, multipliant les versions allongées et deluxe de ses albums passés. Or, The Great Impersonator, dans sa version de base, dure pas moins de 66 minutes! Mais le plus intéressant est le concept derrière cet album : chacune des 18 chansons est associée à une personnalité artistique que la chanteuse «personnifie» (d’où le titre), influençant donc son interprétation de chaque piste. Et certaines références sont plus évidentes que d’autres.
L’album ouvre avec Only Living Girl in LA, qui est aussi la plus longue de tout le disque (avec 6min14). Inspirée de Marilyn Monroe, la chanson contient plusieurs bonnes idées, sans tout à fait réussir à nous accrocher complètement. Disons que certains passages plus intenses qui arrivent à la barre des 5 minutes rendent aussi le tout beaucoup moins digestible. C’était pour le moins un choix audacieux d’ouvrir cet album avec une telle chanson. La suivante, L’extrait Ego, est au contraire instantanément mémorable. Inspirée par Dolores O’Riordan des Cranberries, la chanson aborde un sujet plus personnel, mais traité de façon incroyablement accrocheuse, autant dans les mélodies que l’énergie rock alternatif des années 90 qui transpirent de la composition. Déjà, on nous confirme que Halsey sait ce qu’elle fait.
Elle s’inspire ensuite de PJ Harvey dans sa chanson Dog Years, pour un résultat corsé, mais somme toute convaincant. Letter to God (1974) (il y en a plusieurs au fil de l’album, alors ne faites pas le saut) est quant à elle inspirée par Cher, offrant une musique intéressante, mais trop brève et avec une qualité d’enregistrement pour le moins bizarre. Panic Attack se base sur Stevie Nicks et se lance dans une chanson aux sonorités très près du country, mais dont les mélodies valent largement le détour, surtout dans les refrains. Aussi empreinte de vulnérabilité, The End se base sur Joni Mitchell, ce qui explique la chanson dépouillée et sentie qu’elle nous propose. Dans un esprit similaire (mais cette fois inspirée par Linda Ronstadt), I Believe in Magic ne parvient toutefois pas à nous marquer outre mesure.
Comme dans le cas de Letter to God (1974), Letter to God (1983) propose une qualité d’enregistrement douteuse, en live. Cette fois, l’inspiration est Bruce Springsteen, note-t-on. Quant à Hometown, c’est la grande Dolly Parton qui sert d’inspiration assumée. On reconnaît rapidement son énergie country, mais on doit émettre un petit bémol : même si la chanson est loin d’être mauvaise, Halsey n’a pas réussi à composer une chanson aussi intemporelle qu’a souvent fait Dolly Parton. Une fois que c’est dit, il est encore possible d’apprécier la proposition. Elle est suivie d’une magnifique ballade, I Never Loved You, dont l’inspiration est Kate Bush. Les paroles sont incroyablement intimistes et l’histoire derrière la chanson est aussi très touchante, montrant pleinement le côté vulnérable de la chanteuse. On reprendrait n’importe quand des chansons de cette stature.
Poursuivons avec Darwinism (basée sur David Bowie), qui reprend volontiers son côté théâtral. L’extrait Lonely Is the Muse propose une référence très évidente à Amy Lee de Evanescence, en livrant une chanson hard rock lourde et chargée. Arsonist s’inspire de Fiona Apple, mais nous convainc un peu moins. On lui préfère Life of the Spider (Draft), ballade piano-voix sentie qui s’inspire cette fois de Tori Amos. Quant à Hurt Feelings, Halsey s’inspire… d’elle-même (!), remontant toutefois à l’époque de son premier album, Badlands. Elle y propose des mélodies solides, mais aussi certains sons qui sont quelque peu superflus à notre avis.
Le tout premier extrait de l’album est Lucky, inspiré de Britney Spears. La chanson n’est pas mauvaise, mais elle n’a certainement pas le même impact que les autres meilleures chansons de cet album, qui son nombreuses! On a ensuite droit à Letter to God (1998) (la dernière de cette série), qui est inspirée de Aaliyah et qui s’avère être la version la plus réussie. Le dernier mot revient à la chanson-titre The Great Impersonator, inspirée de Björk. La chanson reprend le côté coloré de la chanteuse islandaise, pour le meilleur et pour le pire! Ce n’est décidément pas notre premier choix pour conclure un album de la bonne façon.
L’album The Great Impersonator de Halsey a eu droit à un accueil extrêmement chaleureux, et on peut comprendre pourquoi. Il est varié avec des compositions inspirées et un concept qui lui donne juste assez de piquant. Évidemment, ce ne sont pas toutes les chansons qui sont aussi solides, mais les meilleures valent largement le détour. On ne comprend pas pourquoi elle a fait le choix de mettre certains de ses chansons les plus faibles au début et à la fin de l’opus, mais à part ce drôle de choix, on doit saluer sa capacité à répartir ses incontournables dans son album, alors que trop d’artistes ont tendance à tout miser sur le début, laissant la fin avec les restants. On serait surpris que cet album ne se retrouve pas en bonne position dans plusieurs tops de fin d’année.
À écouter : Ego, Panic Attack, I Never Loved You
7,9/10
Par Olivier Dénommée
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