
Sorti le 25 octobre 2019
La Française Erza Muqoli a fait sensation alors qu’elle n’avait encore que 9 ans à la compétition télévisée La France a un incroyable talent et a par la suite fait partie de la première mouture du groupe Kids United (rien de plus français que de donner un nom de groupe anglo…). Cela l’a amenée à lancer son premier album en solo en 2019… à 14 ans! Simplement intitulé Erza Muqoli, l’album a été composé par l’auteur-compositeur Vianney spécifiquement pour la jeune chanteuse.
Même à son très jeune âge, Erza Muqoli a une voix impressionnante et ne manque pas d’occasions de le démontrer au fil de l’opus de 44 minutes. Cela s’entend dès la pièce introductive, Fillim, où elle chante de façon solide en albanais, un clin d’œil à son héritage. On va complètement ailleurs avec Les étoiles, morceau pop rythmé et énergique, mais aux mélodies qui ne mettent pas autant son talent en valeur : c’est vraiment dans les chansons plus émotives qu’elle se démarque le plus positivement, et c’est exactement ce qu’elle livre dans Devant, commençant assez doucement avec une formule guitare-voix, mais qui prend vite de l’ampleur, particulièrement durant les refrains. Le piano-voix lui sied aussi très bien, tel qu’on l’entend dans Pourquoi certains gagnent.
Après quelques chansons senties, on revient à quelque chose de beaucoup plus léger, voire ensoleillé, avec Je chanterai. L’idée n’est pas mauvaise, mais l’exécution est plus maladroite avec des rimes faciles et plus ou moins convaincantes. Et c’est ironiquement la chanson qui a été retenue comme extrait! On revient au moins au minimalisme émotif avec Dommage. Mélodiquement, c’est très efficace, mais on doit émettre un bémol sur le thème : ça sonne incroyablement faux pour une fille de 14 ans (voire probablement 13 au moment de l’enregistrement) de chanter comme si elle avait perdu l’amour de sa vie. La maturité de sa voix compense pour sa jeunesse, mais il vaut mieux ne pas pousser notre réflexion trop loin pour apprécier cette chanson! Et autre critique : la chanson ne dure en fait qu’environ 4 minutes, mais elle étire inutilement la fin pendant 45 secondes avec des pads atmosphériques qu’on entend à peine. Comme on dit, c’est «dommage», parce que c’est autrement une des chansons les plus senties de tout l’album!
Ma prière d’enfant propose ensuite une chanson aux thèmes religieux. Il n’est pas clair à quel point la jeune chanteuse et pratiquante ou si ce sont seulement les mots de Vianney, qui est un catholique assumé, mais on a toujours éprouvé un léger malaise avec ce genre de textes trop poussés, même si les mélodies et l’enrobage sont plutôt réussis. S’ensuit Margaux, une tentative de revenir aux thèmes de la jeunesse française en parlant d’intimidation, mais on a certaines réserves de traiter d’un tel sujet avec une musique qui se veut aussi entraînante. On préfère de loin sa proposition dans Tant qu’on est là, au sujet plus intemporel rendu avec émotion par Erza Muqoli sans que ça paraisse forcé.
C’est quoi ça répète certaines des erreurs entendues précédemment dans l’album : il traite d’amour fou avec autant de sérieux de Dommage, même si ça ne paraît pas naturel, et y va d’un morceau énergique qui sacrifie la beauté de la voix de la chanteuse pour quelque chose de plus rythmé, comme dans Les étoiles. À nos oreilles, la seule chanson énergique de l’album qui vaut véritablement le détour, c’est la suivante, Les hologrammes, qui propose un build-up plutôt épique. Même les paroles intenses passent bien dans ce contexte. Cela nous mène à la finale, Vous étiez là, qui se démarque en étant la seule à laquelle Erza Muqoli a participé à la composition. Fait intéressant, le sujet de la chanson colle extrêmement bien à la jeune artiste, qui chante au sujet de ses propres rêves et ses défis desquels elle s’est relevée grâce au soutien de ceux qui l’ont soutenue. Le segment où elle répète «Vous étiez là» après la barre des 3 minutes pourra en agacer certains (elle le dit quand même 14 fois en 1 minute), mais il prépare somme toute assez bien le terrain pour l’explosion d’énergie qui suit (un peu à la Fix You de Coldplay), pour ensuite redescendre et nous laisser de la même façon que l’album a commencé, avec des mots d’albanais.
Il y a beaucoup d’éléments à prendre en considération quand on pense au premier album d’Erza Muqoli. D’un côté, on ne peut pas dire que l’on devinerait son âge en écoutant sa voix, même si les textes peuvent parfois vendre la mèche, alors que ceux-ci ont pourtant été écrits par un compositeur adulte, soit Vianney! Même si l’album date de 5 ans, elle n’a rien lancé en solo depuis, alors il nous semble difficile d’évaluer après coup si ce qu’elle a proposé correspond véritablement à la direction qu’elle souhaitait prendre comme artiste en solo. Dans tous les cas, ça reste un solide premier effort, malgré les faiblesses qui viennent avec la jeunesse et le désir de sortir de ce qui fait pourtant sa grande force.
À écouter : Devant, Les hologrammes, Vous étiez là
7,4/10
Par Olivier Dénommée
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