Sorti le 31 mars 2023

La sortie est passée sous notre radar à l’époque, mais on a voulu revenir sur The Record, le premier (et, au moment d’écrire ce texte, encore le seul) album studio du supergroupe Boygenius, band comprenant les talents de artistes féminines Phoebe Bridgers, Julien Baker et Lucy Dacus. Pour la petite histoire, le groupe s’est formé par accident alors que les 3 musiciennes se sont liées d’amitié et qu’elles en avaient assez d’être mises en compétition entre elles même si elles avaient des styles musicaux différents, et le nom Boygenius se veut ironique, lui qui fait référence au cliché du génie tourmenté qui ne s’applique normalement qu’aux artistes masculins.

Décrit comme un album indie-rock et indie-folk, The Record débute de façon assez douce avec l’a capella Without You Without Them, comme une façon de simplement faire entendre les forces en présence. Mais c’est dès $20 que les choses deviennent sérieuses avec un indie-rock direct mais assumé avec son lot de bonnes lignes vocales. Entre les 3, on connaît davantage Phoebe Bridgers, mais elles se défendent franchement toutes très bien. La dernière minute de la chanson devient un peu plus intense et chaotique (voire criarde), mais quand c’est bien amené comme ici, ça passe quand même plutôt bien. Le groupe est aussi à l’aise dans les ballades émotive, comme il le prouve avec Emily I’m Sorry. Et mention au fait que Montréal est citée une fois dans la chanson!

Toutes les chansons de l’album ne sont pas aussi mémorables, mais presque toutes s’écoutent franchement très bien : True Blue n’a pas nécessairement la «coche de plus», mais s’écoute toute seule, alors que la folk Cool About It devient un peu plus accrocheuse plus on l’écoute. La chanson la plus populaire de l’album est Not Strong Enough, solide hymne indie-rock qui fera instantanément taper du pied, particulièrement dans la 2^e moitié. Mais on avoue avoir un un faible pour la suivante, la rêveuse Revolution 0, notamment grâce à sa solide montée émotive, aussi dans la seconde moitié.

On apprécie toujours les références à nos artistes québécois, et une piste entière s’appelle Leonard Cohen. Celle-ci n’est pas très longue et n’est pas la plus mémorable non plus, mais ça fait sourire (notamment grâce aux paroles qui valent le détour). S’ensuit la sympathique Satanist, qui a une petite attitude punk qui n’est pas pour déplaire. Son principal défaut est toutefois qu’elle s’étire un peu trop longtemps pour rester punchée. La dernière minute et demie aurait pu être coupée ou au moins raccourcie. Elle est suivie de la vulnérable We’re in Love, toujours franchement efficace, avant de revenir au rock pour Anti-Curse. La règle de l’alternance nous amène à une finale d’une extrême douceur, Letter to an Old Poet, à donner des frissons! On a assurément un biais en faveur des ballades, mais il faut admettre que Boygenius est capable de faire de la véritable magie dans un registre plus senti.

The Record est un premier album pour le supergroupe, mais ça s’entend évidemment tout de suite que c’est loin d’être le premier rodéo pour les musiciennes. La proposition ne contient pas d’idées révolutionnaires qu’on n’a jamais entendues avant, mais elle dose ses différentes énergies de façon quasi chirurgicale, faisant en sorte que même les chansons «faibles» (avec de gros guillemets ici) contribuent à la force de l’ensemble de l’album. On ne dira évidemment pas que c’est un album parfait, mais quand ça nous demande autant d’efforts pour lui trouver des défauts, aussi petits soient-ils, il faut bien le souligner.

Notons que The Record a à peu près tout raflé à sa sortie, se méritant des critiques plus qu’élogieuses et obtenant par la suite plusieurs nominations et prix (dont aux Grammys), mais, étrangement, le trio s’est rapidement mis en pause pour laisser ses membres se consacrer à leurs propres projets. Comme quoi, même si elles connaissent du succès ensemble, les filles de Boygenius considèrent vraiment leur supergroupe comme un side project. Cela ne nous empêche pas de souhaiter qu’elles se retrouvent dans le futur pour un autre album aussi inspiré que celui-ci.

Il est possible de trouver cet album sur la page Bandcamp du groupe.

À écouter : Not Strong Enough, Revolution 0, Letter to an Old Poet

8,4/10

Par Olivier Dénommée