Mon Doux Saigneur – Mon Doux Saigneur

Sorti le 8 septembre 2017

Le Montérégien Emerik St-Cyr Labbé a créé le projet Mon Doux Saigneur il y a quelques années : une espèce de folk lo-fi avec des intentions punk à laquelle s’ajoutent des paroles particulières. Après quelques EP, le voilà qui se lance dans un premier long jeu, simplement intitulé Mon Doux Saigneur.

Après avoir vu l’artiste en live à deux reprises, seul sur scène, je dois dire que j’étais sceptique face à cette sortie : le personnage est extrêmement space, et tentait de jouer des parties qui n’ont pas particulièrement de sens s’il n’y a pas d’autres musiciens pour appuyer… Mais un série de critiques positives ont fini par attiser ma curiosité, ce qui a mené à l’écoute intensive de l’album pendant quelques jours.

Première mise en garde : le style de Mon Doux Saigneur est volontairement loin d’être attirant à la première écoute. C’est dans les ambiances et l’intensité du propos (même si celui-ci semble parfois incohérent) que le projet prend tout son sens. La première piste Le courant est un bon exemple de cette intensité textuelle. On y entend un Emerick St-Cyr Labbé plaintif, sur une musique folk minimaliste qui compliment bien le propos. Le chanteur n’a pas une voix à tout casser, et il le sait : il propose plutôt des mélodies simples, proches du spoken word.

On lit que le processus d’écriture des paroles de MDS s’apparente à l’écriture automatique. Tant mieux si ça fonctionne dans Le courant, mais toutes les chansons ne viennent pas nous chercher autant… Primitif et Hook bleu sont des exemples de pièces où son message semble plus ambigu. Quant à Île aux calvaires, après quelques écoutes et quelques coups d’œil sur la pochette, on a quelque peu l’impression que les deux sont liés. Mais l’artiste pourrait très bien décider qu’il en est autrement, et personne ne serait vraiment surpris non plus.

Passons outre son expérience dans un marché au puces dans Béton, et sa philosophie plus ou moins claire de Ici-bas, et on arrive à Poff poff, où il parle beaucoup au «je», mentionnant «un voyage avec un stoner assagi». Imaginer le chanteur se parler dans sa chanson est ce qui nous vient naturellement en tête, ce qui n’est pas sans un certain intérêt. Il sera intéressant de lui en parler pou vérifier ses intentions en composant cette chanson. Plus loin vient aussi Chu tanné d’attendre, qu’on se plaît à identifier à l’auteur-compositeur. Une portion prend une sonorité non loin du desert blues rappelant le projet Dunes de Jesse Mac Cormack… il faut se souvenir que c’est ce dernier qui a réalisé le premier EP de MDS, alors ses influences pourraient très bien encore se faire entendre, de façon consciente ou non! Chaque matin, en toute fin d’album, met de nouveau en scène le chanteur qui tente de se motiver.

Barbara tranche avec le reste de l’album : pas seulement parce que la chanson est douce, mais surtout parce que les guitares créent une atmosphère planante qui quitte le registre lo-fi. Ce n’est pas de refus et ça laisse la porte ouverte pour un son plus poli dans un avenir quelconque, lorsque Mon Doux Saigneur se sers assagi davantage. Franchement, tout semble possible.

L’album Mon Doux Saigneur est une proposition pour le moins étonnante. Emerik St-Cyr Labbé est un compositeur très particulier qui a un monde bien à lui, et c’est étonnant de découvrir qu’on arrive à entrer dans cet univers le temps de quelques chansons. Toutes les chansons ne sont pas faciles d’approche, mais ça mérite quand même un certain effort avant de balayer du revers de la main sa proposition. Accordez-vous une bonne soirée pour tenter de l’apprivoiser.

L’abum est entre autres disponible sur la page Bandcamp de l’artiste.

À écouter : Le courant, Barbara, Chaque matin

7,0/10

Par Olivier Dénommée


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