Prescription for Sleep: Heavenley Avatar – Gentle Love

Sorti le 16 mai 2024

Un peu comme les albums, le nombre de jeux qui ont vu le jour ne se compte plus et il serait impossible de tous les connaître même si on s’y consacrait à temps plein. Quand on a voulu se pencher sur l’album Prescription for Sleep: Heavenley Avatar du duo Gentle Love, on a appris que la musique était basée sur la bande sonore du jeu ActRaiser, dont on n’a jamais entendu parler auparavant même s’il a vu le jour en 1990. C’était donc un défi supplémentaire de découvrir une musique de jeu de cette époque réinventée en smooth jazz.

Commençons pas une parenthèse : une fois qu’on a appris d’où était tiré le matériel original, on a écouté la bande sonore d’ActRaiser. Étrangement, plusieurs pièces nous semblaient familières, sans qu’on puisse dire avec assurance si on les a véritablement entendues quelque part avant ou si c’est seulement une similitude d’autres musiques de la même ère qui crée cette impression.

Rappelons aussi que le duo Gentle Love est simplement composé de Norihiko Hibino au saxophone et d’Ayaki au piano, avec comme mission de faire un jazz apaisant à partir du matériel de base du compositeur Yuzo Koshiro dans ce cas-ci. On est donc à des années-lumière des arrangements originaux, passant d’un son très digital, la norme à l’époque, à quelque chose qui coule davantage. On tasse le côté épique d’Opening pour quelque chose de beaucoup plus doux, mais tout de même très senti. Avec Gentle Love, on ne tombe jamais complètement dans la berceuse (malgré le titre de ses albums), laissant place à quelques crescendos et des solos généralement assez réussis, et c’est bien le cas ici.

Vu le côté ouvertement religieux du jeu, cela a du sens que Sky Palace sonne comme une toune d’église, mais Gentle Love arrive à la transformer en quelque chose de beaucoup plus décontracté qui n’a à peu près rien à avoir avec la pièce originale. C’est réussi, mais peut-être un petit peu plus long que nécessaire, alors que la piste s’étire à tout près de 7 minutes. Le plus étonnant est de voir que le groupe a transformé Advent, une très brève piste d’une vingtaine de seconde, en vrai morceau jazz. Elle est toutefois beaucoup plus lourde et tendue que ce à quoi Gentle Love nous a habitué, mais on apprécie l’effort d’arrangement ici!

Avec Filmoa, on arrive à transformer une pièce rock très intense en quelque chose de délicat et plutôt feutré, un excellent coup du duo. Même si elle dure tout près de 7 minutes comme Sky Palace, on ne sent pas qu’elle étire la sauce, un signe de la qualité de cette nouvelle version! Quant à Blood Pool ~ Casandora, on part d’un morceau agressif et intense, mais on parvient à l’adoucir en grande partie, sans totalement effacer le tensions qu’elle renferme. Petite déception : au début, on pensait même que cette nouvelle version serait transformée en bossa nova, mais ça n’a pas été le cas finalement, ce qui est dommage parce qu’on pouvait l’imaginer de cette façon! Aitos ~ Temple diminue aussi grandement le niveau d’intensité, tout en gardant un petit côté mystérieux, très réussi. Pyramid ~ Marana part cette fois de quelque chose de plus sympathique, mais sans une touche d’exotisme, et tente quelque chose avec un peu plus de cohésion, mais n’arrive pas à tout à fait recréer la même énergie. C’est plus réussi avec North Wall, qui n’a pas à opérer des changements aussi drastiques pour être transformée en smooth jazz efficace.

Birth of the People est à l’origine une pièce aux airs baroques, avec un son de clavecin, mais Gentle Love lui donne un peu de mordant et de vigueur, voire un peu trop à notre goût! Offering est à l’origine une magnifique pièce qui n’avait pas besoin d’arrangement, mais le groupe a tenté sa propre version, intéressante sans la détrôner. La relecture de Peaceful World est toutefois plus réussie, accentuant la beauté de ses mélodies. L’album ne s’arrête toutefois pas à cette dernière pièce, puisque Gentle Love nous propose en conclusion une composition originale dans l’esprit d’ActRaiser. Music in Heaven a le gros défaut de durer près de 9min30, mais elle se fond parfaitement dans l’esprit de l’album, avec même en fond des chants d’oiseau, alors pourquoi s’en priver?

Cela fait déjà quelques albums de la série Prescription for Sleep que l’on critique et les mêmes commentaires reviennent sensiblement à chaque fois. Prescription for Sleep: Heavenley Avatar contient plusieurs très bonnes pièces, que l’on a pris plaisir à découvrir, mais les pistes plus chargées semblaient dévier de la mission de la série, ce qui crée un peu plus de montagnes russes musicales que ce qu’on pouvait espérer. On ne pourrait pas aussi facilement mettre cet album en musique de fond que d’autres, mais il se défend somme toute plutôt bien. N’ayant pas connaissance d’ActRaiser avant d’écouter cet album, l’élément nostalgie est inexistant pour nous, mais on devine qu’il peut donner de la valeur aux fans du jeu! Merci à Gentle Love de nous avoir fait découvrir d’une manière détournée ce jeu, sur lequel on reviendra peut-être dans le futur, qui sait…

Vous pouvez notamment trouver cet album sur Bandcamp.

À écouter : Opening, Filmoa, North Wall

7,3/10

Par Olivier Dénommée


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