Pressure Machine – The Killers

Sorti le 13 août 2021

On connaît comme tout le monde les gros hits du groupe The Killers, mais on n’avait jamais véritablement pris le temps d’écouter attentivement un album, jusqu’à ce qu’on prête une oreille à Pressure Machine, 7e offrande studio du groupe américain. Ce qui est particulier, c’est qu’il s’agit d’un album-concept entourant les souvenirs d’enfance du chanteur Brandon Flowers en Utah.

Si The Killers est plus généralement reconnu pour ses sonorités rock alternatif, il patauge cette fois dans un registre plus près du folk-rock, symbole du monde rural que le groupe tente de traduire en musique. La quasi-totalité des chansons contiennent aussi des références chrétiennes (en plus de des croix sur la pochette), une autre façon de dépeindre les mentalités là-bas, du moins à l’époque de la jeunesse de Flowers. L’album est aussi reconnaissable par l’ajout d’introductions parlées où on entend des gens parler de leur ville et de leur réalité, une approche qui ne nous a jamais particulièrement convaincu dans un enregistrement studio, mais qui ajoute au concept de l’album. Notons que même le groupe a prévu le coup et a proposé une version «abrégée» (Abridged) de l’album, sans ces interludes parlées. Mine de rien, ça coupe 5 minutes de contenu pour un album de 11 pistes!

West Hills ouvre l’album avec un piano qui nous laisse deviner un certain build-up, qui arrive relativement tôt. La musique, mélangée à l’intensité des paroles parlant notamment de problèmes de drogue là-bas, frappe plutôt fort, même si on ne s’associe pas nécessairement au sujet abordé. Le ton est différent, mais il est tout aussi efficace dans Quiet Town, montrant que même si les citoyens d’une «petite ville tranquille» font face à des défis comme des drames humains ou une crise des opioïdes. Le propos tranche avec la musique plus énergique avec même quelques lignes d’harmonica assez senties.

Terrible Thing est au contraire très minimale et mélancolique, parfaite pour son propos lui-même sombre. Pour nous, Cody est la première qui est moins efficace, tentant une chanson mid-tempo avec beaucoup de chœurs, qui prend toutefois un peu longtemps avant de vraiment prendre sa place. Le crescendo subit après 2min30 vient confirmer nos impressions, alors que la chanson manque un peu de «oomph» avant ce moment à notre avis! Quant à Sleepwalker, on croit reconnaître des sonorités nous rappelant des vieilles chansons du groupe, mais elle contient aussi des segments mélodiques très efficaces. Elle est suivie de la seule collaboration de l’album, Runaway Horses (avec Phoebe Bridgers), un morceau folk relativement émotif, mais pas aussi bien exploité qu’on aurait pu l’espérer.

On a droit à un certain boost d’énergie avec In the Car Outside, incluant un refrain très réussi, mais le reste de la chanson ne réussit pas à nous convaincre de la même façon, du moins pas avant le dernier tiers de la chanson, ce qui arrive un peu trop tard! Et un peu comme Sleepwalker, mais pour une autre raison, In Another Life nous fait penser au «vieux» The Killers. Mais comme c’est bien amené et dosé, ça passe le test. Plus lente et lourde, Desperate Things n’a toutefois pas la magie requise pour nous rester en tête, encore moins avec le segment peu réussi après la barre des 4 minutes.

On arrive enfin à la chanson-titre, Pressure Machine, chanson quelque peu inégale dans la mesure où il y a de longs passages corrects, sans plus, et d’autres plus inspirés qui améliorent la moyenne. Le dernier mot revient à The Getting By, petite ballade folk sympathique avec des passages inspirés, mais pas tout à fait à la hauteur des compositions les plus fortes de l’album. Il aurait été plus judicieux de conclure avec une des premières chansons, pour la plupart beaucoup plus solides.

L’album Pressure Machine a eu droit à de très belles critiques depuis sa sortie, et on peut comprendre pourquoi. Individuellement, elles ne sont généralement pas vraiment plus fortes que les gros canons de The Killers, mais collectivement, il y a une cohésion et un poids supplémentaire de traiter des thèmes de la ruralité américaine et tout ce que ça implique. Il est vrai que la sortie a un côté très personnel, qui ne s’adresse pas à tout le monde, mais qui est pourtant aussi universel si on a moindrement grandi dans un milieu plus rural. On ne recommande toutefois pas particulièrement la version «complète» de l’album, avec plusieurs enregistrements parlés ajoutés qui alourdissent l’ensemble. Les écouter une fois suffit, mais après on peut aisément s’en passer. On demeure donc infiniment reconnaissant de savoir que cette option existe, et davantage d’artistes devraient faire la même chose.

Version deluxe (2022)

Quelques mois plus tard, une version deluxe de l’album a aussi vu le jour, contenant de nouvelles versions de 3 des chansons s’y trouvant déjà, pour un total de 7 pistes supplémentaires. La première à être réimaginée est The Getting By, bénéficiant de pas moins de 4 nouvelles versions! The Getting By II (avec Lucius), revient au style plus énergique des Killers, The Getting By III y va d’une musique lourdes aux influences psychédéliques, The Getting By IV y va en mode douceur et, enfin, The Getting By V crinque le côté upbeat au maximum de ce que le groupe semble capable de faire. Si on avait à choisir, on retiendrait la version IV, qui colle selon nous un peu mieux à l’album.

On a ensuite droit à Runaway Horses II. On passe d’un folk très doux, juste un peu déprimant (la norme quand Phoebe Bridgers est impliquée) à quelque chose de beaucoup plus chargé et punché ici. Et ça donne une toute autre énergie à la chose, ce qui s’écoute étrangement bien même si on s’écarte un peu de l’esprit de l’album. Cela reste possiblement la meilleure chanson de la version deluxe de l’opus. Il ne reste que deux nouvelles version de West Hills : West Hills II est le rappel qu’il ne sert à rien d’essayer de réparer quelque chose qui n’est pas brisé, alors que West Hills III surprend réellement avec une version chorale. Sans détrôner la version originale, elle ose vraiment aller ailleurs et c’est tout à son honneur.

Cela nous mène tout de même à un album de 1h16, ce qui est beaucoup, surtout que tous les ajouts ne sont pas incontournables, loin de là. Et la version deluxe ne contient pas les versions abrégées des chansons. À moins de vraiment être un fan fini du groupe, on devine que la version Abridged suffira pour apprécier Pressure Machine dans la plupart des cas.

À écouter : West Hills, Quiet Town, In Another Life // Deluxe : Runaway Horses II

7,5/10 (régulier) // 7,8/10 (Abridged) // 7,6/10 (deluxe)

Par Olivier Dénommée


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