
Sorti le 21 avril 2023
Vous souvenez-vous de 2018, année magique où a vu le jour l’album Charbonneau ou Les valeurs à’ bonne place, volume 1 du jazzman Hugo Blouin et ses musiciens qui ont embarqué dans ce projet un peu fou de transformer en musique le meilleur (et surtout le pire) de ce qui s’est dit durant la fameuse commission Charbonneau? Un volume 2 a aussi éventuellement vu le jour, mais par la suite Blouin et sa troupe ont bifurqué vers un autre registre, un peu moins niché : le hockey. C’est ainsi qu’est né il y a presque 2 ans jour pour jour l’album Sport national. Et il nous semble que l’album est plus pertinent que jamais à écouter en ce moment.
Pour ceux qui ne connaissent pas la formule proposée par Hugo Blouin, il est bon de mentionner qu’il nous réserve toujours un jazz déjanté et plein de surprises, particulièrement vocalement alors que les mélodies sont souvent basées sur des enregistrements parlant du sujet en question. Dans le cas de Sport national, l’album de 52 minutes est imaginé comme un documentaire, s’intéressant à différents personnages iconiques, thèmes et événements marquants du hockey. Si la plupart des chansons sont en français, on a aussi droit à un peu d’anglais, la langue dominante dans le monde du hockey.
Enfin, mentionnons le talent du groupe qui a donné vie au projet : Hugo Blouin (composition, contrebasse et voix), Alex Dodier (flûte et saxophones), Jean-Philippe Godbout (batterie), Julie Hamelin (voix principale), Julie Houle (tuba) et Jonathan Turgeon (claviers), avec quelques artistes invités au fil de l’opus, incluant Céline Bélair et David Cronkite (chœurs), Caroline Dardenne (commentaire), Jérôme Dupuis-Cloutier (trompette), Blaise Margail (trombone) et Jean Derome (sax et flûte sur 2 chansons).
L’album ouvre sur la chanson-titre Sport national, nous plongeant très vite dans l’univers unique du projet d’Hugo Blouin. Musicalement, on a droit à un jazz-rock sympathique (avec même des solos dans la 2e moitié), mais c’est surtout au niveau des voix que la magie opère : Julie Hamelin a la dure tâche de rendre dynamiques les textes, laissant place à des moments très comiques. Notons tout de même que la chanson ne s’apprécie que si on porte attention aux textes, comme les mélodies en elles-mêmes ne sont pas particulièrement accessibles. Cela reste un bon indicatif, si vous n’avez pas été capable de passer à travers cette première piste, vous allez trouver le temps très long pour la suite. Ceci étant dit, la suivante, Ça sent la coupe est particulièrement réussie grâce à ce qu’on devine être une liste de perronismes. D’ailleurs, mention à Olivier Niquet, qui a coécrit les paroles de cette chanson brève et punchée.
La soupape permet d’entendre un enregistrement d’archives, dont la mélodie est repiquée à la flûte. La proposition est intéressante pour plusieurs raisons, incluant le côté tendu de la composition qui complimente bien le propos, et le simple fait d’être éduqué sur un événement historique majeur lié aux Canadiens de Montréal. Puis, Pas de mitaines propose une chanson plus lounge, qui s’écoute étrangement bien! Manon laisse même place au hockey féminin de façon très sympathique, avec la ligne mémorable «Les études tendent à démontrer / Les monsieurs ont leurs appareils génitaux / Plus en surface». On s’attaque même à la «Série du siècle» en 1972 dans Attaboy, multipliant les qualificatifs intimidants pour les adversaires russes de l’époque.
On a droit à un peu d’anglais et de sonorités plus rétro avec God is Canadian, avec comme mélodie initiale un vieil enregistrement de commentaires en direct d’un match. La voix revient après 1min30 environ à la chanteuse, qui assume son accent québécois en anglais. Le but revient au hockey féminin, décrivant un match endiablé de l’équipe nationale canadienne, recréant bien le niveau de stress de la description en direct, avec en prime une composition assez chirurgicale musicalement.
On aborde aussi le départ des Nordiques au Colorado avec Le glas, morceau plus émotif sur fond de bossa nova. C’est suivi d’un retour à l’anglais avec la ludique (et très syncopée) This is War, qui devient même un peu chaotique dans la seconde moitié. On conclut l’expérience avec De ne plus causer de trouble, où c’est Hugo Blouin lui-même qu’on entend chanter des excuses pour mauvaise conduite.
Comme dans le cas de Charbonneau ou Les valeurs à’ bonne place, volume 1, on est confronté par un album excessivement original et riche, quoique parfois difficile d’approche quand on n’est pas exactement dans le bon état d’esprit. Il est certain que Sport national s’apprécie mieux avec un esprit grand ouvert, mais qu’il contient sont lot de perles. Il n’a pas la même magie de les sorties précédentes de Blouin, mais cet album a bien sa place parmi les albums jazz les plus audacieux de la scène québécoise des dernières années.
Cet album est accessible sur Bandcamp.
À écouter : Ça sent la coupe, Pas de mitaines, Le glas
7,6/10
Par Olivier Dénommée
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