L’alchimie des monstres – Klô Pelgag

klo-pelgag-alchimieSorti le 24 septembre 2013

Déjà récompensée avec son premier album, L’alchimie des monstres, Klô Pelgag est reconnue pour sa musique colorée et sa poésie déjantée. D’une déroutante personnalité, tant dans les entrevues que dans le dernier gala de l’ADISQ, la chanteuse est également pianiste et accompagnée de quelques musiciens. Difficile de passer à côté de cet album qui a fait découvrir l’artiste et son art aux oreilles des masses, malgré un style loin d’être commercial.

L’alchimie des monstres vu par Olivier Dénommée

L’intro de Le dermatologue se veut intrigante, voire tendue, avec les cordes. Puis viennent la guitare et la voix, puis des vents. En moins d’une minute, on change de vibe à plusieurs reprises et c’est permis de ne pas s’y retrouver tout de suite. Malgré cela, on sait que quelque chose d’unique se passe entre nos oreilles. C’est tantôt léger, tantôt tendu, ou tout simplement étrange, mais c’est un «étrange» sympathique.

La fièvre des fleurs est un peu plus facile à suivre. On peut apprécier ses prouesses vocales plus aisément. Klô Pelgag ne sera pas reconnue pour sa voix mélodique, au contraire; elle a même une voix un peu nonchalante, peut-être même «pincée» (je ne suis pas très doué pour décrire les voix)? Quoi qu’il en soit, cette voix fait partie du personnage et ajoute tout à fait à son charme. Et cette chanson, moins chargée que la première, se fait aussi plus accrocheuse à l’oreille.

Joli (mais évident) clin d’œil au classique Au clair de la lune durant les premières secondes de Les corbeaux. Par la suite on va ailleurs, et on a droit à un des refrains les plus dansants de l’album, avec une portion instrumentale vers la fin qui mérite le détour.

Petite mention à la portion en valse à la fin de Tunnel, puis à la chanson piano-voix Le silence épouvantail. Difficile de manquer l’étourdissant Rayon X, avec ses énergies déjantées et ses portions difficiles à suivre pour les non-initiés. Cela reste salement accrocheur.

Nicaragua offre de belles portions avec une légèreté plus que contagieuse (notamment les bouts de flûte). Cette chanson est suivie par Taxidermie (une autre en lien avec la peau!), un des titres incontournables de l’album pour toutes les raisons du monde, mais surtout pour les parties tantôt rêveuses, tantôt agitées. Le tronc sera votre chanson «Ah ben!» de l’opus avec des «Depuis que je plie ma jambe dans les deux sens je n’ai plus de jambe» et «Depuis que je me rase les cheveux à tous les jours je suis chauve».

Mentionnons seulement la poésie de la dernière piste de l’album, au titre évocateur : La neige tombe sans se faire mal. Une belle finale en ballade, à la sauce Pelgag.

Dur de dire ce qui charme le plus en écoutant L’alchimie des monstres de Klô Pelgag. Les arrangements orchestraux originaux, la voix unique de la chanteuse, sa poésie imagée et colorée, ou juste le fait qu’elle nous amène «ailleurs»? Pour bien des fans, assurément un peu de tout. Si elle arrive à un tel coup de génie dès son premier album, j’ai bien hâte d’entendre la suite. Faites-vous plaisir et suivez cette artiste de très près et allez aussi la voir en concert, vous ne le regretterez pas; c’est encore meilleur que sur album!

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L’alchimie des monstres vu par Mathieu Laferrière

On s’installe dès la première chanson dans l’univers poétique très éclaté et invariablement absurde de la chanteuse. Des figures métaphoriques très créatives et travaillées, qu’elle décalque dans ses vidéoclips, se collent à sa voix relativement douce, voire mielleuse. C’est le cas, par exemple dans la pièce Rayon X : «Tu as mordu ma langue, crevé mes papilles gustatives, rouillé ma salive, rare est le radium dans la maladie, depuis que nos lits se font la leucémie». La partie lyrique déborde d’imagination, certes, mais ne relève pas du non-sens, puisqu’il y a un contexte singulier à chaque pièce, qui présente une nouvelle histoire. Elles sont majoritairement aérées et pas trop rapides. L’utilisation de flûtes, guitares, piano, percussions diverses et autres rajoute à l’atmosphère sa part de résonance créative, bien que je ne qualifie pas vraiment les chansons de mémorables ou de transcendantes.

La fluidité et l’enchaînement des pièces rendent l’écoute facile. Par exemple, j’ai apprécié les effluves énigmatiques des tams tams et de la traversière du début de Tunnel, le touchant chœur de la courte pièce Le silence épouvantail ainsi que les harmonies de flûtes à bec dans Nicaragua. Les deux pièces plus accrocheuses sont Comme des rames et La fièvre des fleurs.

L’album est accessible à tout le monde. Certes, ce n’est pas pour danser, mais l’aspect le plus remarquable est évidemment la couleur et la beauté de sa poésie, qui pourrait plaire à ceux qui sont particulièrement portés vers la dimension lyrique d’un groupe de musique. Du même coup, les auditeurs peuvent profiter des harmonies souvent calmes et agréables des instruments, puisque cette dimension rejoint en audace la partie poétique des textes. Je serais toutefois curieux de la voir élaborer des pièces plus tristes et dramatiques, de voir Klô sortir du ton mystérieux pour s’avancer vers de la mélancolie, comme me l’a fait introduire le piano pendant la pièce Taxidermie. Belle expérience, à tout le moins. Je demeure curieux d’en entendre plus…

Klo Pelgag avait annoncé en mi-mars un passage au Club Soda l’hiver prochain, après un passage printanier d’une douzaine de dates dans l’Hexagone. Elle avait par ailleurs gagné le Félix de la révélation de l’année en 2014 à l’ADISQ et compte travailler sur un nouvel album.

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Selon Olivier :

À écouter : La fièvre des fleurs, Les corbeaux, Taxidermie

8,4/10

Selon Mathieu :

À écouter : La fièvre des fleurs, Comme des rames

8,2/10

(Mis à jour le 24 mars 2015)

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