Marée haute – Émile Proulx-Cloutier

Sorti le 17 novembre 2017

L’auteur-compositeur-interprète que l’on a découvert avec son premier opus, Aimer les monstres, nous offre enfin un deuxième long jeu, Marée haute. Certainement plus étoffé et toujours aussi engagé, on nous propose y une recette musicale variée, rafraîchissante et tout aussi grinçante qu’auparavant.

En utilisant le terme grinçant, je parle surtout des sujets engagés qu’Émile Proulx-Cloutier aborde habilement dans ses textes toujours joliment tricotés. Alors que la première piste du disque, Petite valise, met en valeur une mélodie et des harmonies vocales envoûtantes qui prouvent que l’interprète a pris de la maturité côté arrangements musicaux, c’est encore et toujours ses textes qui nous interpellent et nous touchent. Aussi bien mis en valeur par ses musiques, on ne peut que se laisser séduire par la proposition du musicien. Même une pièce comme Les murs et la mer, qui est définitivement plus engagée et «grinçante» (comme mentionné plus haut), réussit la tâche hasardeuse de nous rester accrochée à l’oreille.

Une chose est certaine, Proulx-Cloutier aime raconter, porter des messages à travers sa musique, et ce, dans ses propres mots. Que ce soit avec Joey la nuit ou encore Retrouvailles, il sait habiller habilement ses textes afin de nous faire entrer complètement dans son univers. Au risque de me répéter, il est absolument nécessaire d’insister sur la qualité de ses musiques qui, même si elles étaient déjà solides dans Aimer les monstres, n’étaient qu’un aperçu de toute la créativité que l’auteur-compositeur-interprète nous montre dans ce nouvel album.

Surfant entre balades et slam, les diverses pistes du disque nous font découvrir quelques bijoux, dont L’enfant scaphandre. Très sobre en comparaison aux autres morceaux, la balade laisse surtout place au doigté délicat d’Émile Proulx-Cloutier au piano alors que sa voix se fait douce et sans artifices, dédiée entièrement à délivrer un message clair et puissant. Un peu plus loin, Le pas si léger détend l’atmosphère, principalement grâce à l’accompagnement plus rythmé qui se marie bien aux paroles qui, elles, mélangent plusieurs sentiments à la fois. Le tout nous dirige bien vers Derniers mots, qui reste un peu plus soft et se démarque moins du lot, musicalement parlant. Il s’agit là peut-être de la seule chanson moins accrocheuse parmi cette sélection raffinée de musique.

C’est ce qui nous amène à Mon dos, une autre excellente pièce où l’instrumentation plus atmosphérique amène une touche de sensibilité nécessaire pour appuyer un texte poignant que l’on sent très personnel à l’interprète. Juste après, on attrape Funambule au vent qui devient un coup de cœur instantané. Quelle beauté en tout point! : mélodiquement, le chanteur y va d’une ligne vocale plus chantante (plutôt que parlante), doublée d’une progression harmonique riche qui donne des couleurs particulièrement jolies à la chanson. Je ne me trompe pas en disant qu’il répète l’exploit avec la chanson finale de l’opus : Kid, qui clôt divinement le long jeu.

Deux pièces spéciales

Il est important de mentionner la superbe reprise Maman, traduction de la chanson Mommy, Daddy de Marc Gélinas et Gilles Richer. L’ayant interprétée plusieurs fois en spectacle, il était grand temps qu’Émile Proulx-Cloutier l’immortalise sur album et le résultat est une réussite en tout point. Touchante, évocatrice et laissant place à l’espoir, la pièce réussit l’exploit de nous faire réfléchir réellement.

Autre pièce qu’il me tenait à cœur de souligner, la grandiose Force océane. Jeux de mots brillants et habiles, sentiment de compréhension totale : on a peine à comprendre comment l’interprète a su se mettre autant dans la peau d’une femme pour y décrire les travers d’une vie à travers ses yeux. Des paroles comme «Oui t’as le cœur gros mais ça, ça fondra pas», on ne peut que saluer ce que je considère comme un hommage à la femme, dans un respect des plus total. Merci!

Alors qu’on présageait un avenir certain pour Émile Proulx-Cloutier avec son précédent opus, Aimer les montres, on peut dire que Marée haute fait partie d’une classe particulière : celle des albums intemporels, qui traverseront les époques. Avec ses mélodies et textes profonds desquels naissent des chansons tout sauf laissées au hasard, Émile Proulx-Cloutier peut être désormais considéré comme une figure de proue de sa génération.

À écouter : Maman, L’enfant scaphandre, Funambule au vent

8,9/10

Par Audrey-Anne Asselin


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