Out of Dust – Laila Biali

laila biali out of dustSorti le 27 mars 2020

Deux ans après la sortie de son album homonyme qui s’est mérité le Juno de l’album jazz vocal de l’année en 2019, la Canadienne Laila Biali revient avec Out of Dust, un album ayant pour thèmes l’espoir et la résilience. Car même si c’est une artiste que Critique de salon suit depuis quelques années (en fait, depuis 2015, à la sortie de son excellent House of Many Rooms), on n’a appris que tout récemment que la rayonnante chanteuse, pianiste et compositrice est passée à travers une série d’épreuves personnelles ces dernières années. Mais elle semble s’en être sortie encore plus forte et livre ici un album drôlement puissant.

Comme elle a su le faire par le passé, Biali mêle la pop et le jazz dans son album. C’est sans grande surprise qu’elle démarre l’opus avec la colorée Revival, chanson énergique et contagieuse à souhait qui envoie un message clair dès les premières minutes de cette longue galette (plus de 50 minutes en 11 pistes). Elle se permet ensuite d’aller davantage dans les nuances, comme dans les cas de la feutrée The Monolith, de la magnifique Glass House, de la berçante Alpha Waves (avec au passage quelques envolées vocales fort réussies) et de la surprenante Broken Vessels.

On entend le côté plus émotif de Laila Biali dans Wendy’s Song, chanson écrite en l’honneur d’une amie qui a perdu sa bataille contre le cancer. Notons toutefois que la chanson ne tombe pas dans le registre larmoyant, y allant même d’une belle montée en énergie dans la seconde moitié, comme quoi l’artiste n’avait vraisemblablement aucune envie de se la jouer plaintive. C’est bien amené, en tout cas!

Sinon, on nous surprend avec Au pays de Cocagne, exceptionnellement chantée en français pour l’occasion. C’est avec surprise qu’on a appris que c’était une composition originale (avec les paroles signées Sonia Johnson), et non une vielle chanson française qu’elle a dépoussiérée. Tout y est et la magie opère grâce aux arrangements simples (essentiellement piano/voix avec quelques cordes en renfort) mais efficaces et à l’interprétation vocale bien dosée. Mention à l’accent très respectable de Biali en français, chose qui n’est absolument pas donnée à tous! Autre surprise : Take Me to the Alley, de Gregory Porter. Cette seule reprise est un choix audacieux puisqu’on part d’un chanteur à la grosse voix chaude et réconfortante et qu’on transpose le tout à la voix douce et discrète de Biali. Et pourtant, ça fonctionne plutôt bien! On a même droit ici à un chaleureux solo de sax.

Il y a bien quelques moments où elle tombe dans l’excès. C’est le cas dans Sugar, le cliché de chanson à prendre à la légère mais qui s’est retrouvé, ironiquement, à être le premier single de l’album. Il y a bien un côté marketing à la mettre de l’avant, mais à nos oreilles, elle ne cadre pas tant avec le reste, en plus d’être une composition ordinaire. Dans une moindre mesure, l’explosive The Baker’s Daughter nous semble un peu trop intense au niveau des arrangements, malgré ses bons éléments. C’est peut-être accentué par le fait qu’elle est entourée de pièces beaucoup plus calmes, mais c’est l’effet que ça fait. Quant à la piste finale de l’album, Take the Day Off, on a affaire à des arrangements particuliers, qui se veulent légers, mais qui ne termine pas l’album avec autant de puissance que d’autres chansons infiniment plus efficaces.

À part quelques accrocs, l’album présente des compositions aussi fortes que personnelles et des arrangements majoritairement très solides. En passant, chapeau au coréalisateur de l’album, le batteur (et conjoint de la chanteuse) Ben Wittman, qui a bien su doser le tout. On n’en a pas parlé dans le texte, mais la batterie était à point tout au long de l’enregistrement, contribuant parfaitement à l’énergie des chansons où on l’entendait.

La grande question maintenant : Out of Dust va-t-il se mériter une fois de plus les grands honneurs? On ne peut que le lui souhaiter. Pour un album de cette longueur, on a bien peu de commentaires négatifs à lui faire et on apprécie que Biali arrive aussi bien à conjuguer toutes ses différentes facettes sans que l’une d’entre elles fasse tache dans le décor. Le dosage est très important dans ce registre et l’artiste nous prouve une fois de plus qu’elle maîtrise parfaitement cette facette. Et puis, honnêtement, on a bien besoin de son message d’espoir au moment où l’album est paru.

À écouter : Glass House, Alpha Waves, Au pays de Cocagne

7,8/10

Par Olivier Dénommée

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