Dans la seconde – Karkwa

Sorti le 8 septembre 2023

À la naissance de Critique de salon en 2013, le groupe québécois Karkwa avait déjà entamé sa longue pause après avoir lancé un album live en 2012. Le dernier album de compositions originales remontait même à 2010. C’est donc 13 ans plus tard que le groupe reprend du service pour offrir Dans la seconde, qui marque un retour après que tous les membres aient fait des choses de leur côté.

Le plus connu du lot est évidemment Louis-Jean Cormier, qui a une belle carrière en solo. Pensons aussi à Julien Sagot en solo et à François Lafontaine qu’on entend dans à peu près tous les projets musicaux québécois un peu flyés (dont Galaxie et Klaus). Allaient-ils réussir à ramener leurs univers distincts dans Karkwa?

L’album Dans la seconde semble laisser beaucoup de place à chacun des musiciens et tout le monde s’y amuse allègrement. Dès l’intro instrumentale Ouverture, on sait qu’on aura affaire à quelque chose d’intense, voire d’épique par moments. Ouverture transitionne vers Parfaite à l’écran, premier extrait marquant le retour du groupe. La chanson est un peu en montagnes russes, avec des portions grinçantes (surtout dans les couplets) tranchant avec la poésie de Louis-Jean Cormier, et d’autres beaucoup plus majestueuses (pendant les refrains). On n’a pas le temps de se demander si on aime cette approche que l’on passe déjà à À bout portant, une fois de plus par une habile transition. Plus folk et légère, on laisse toute la place au chanteur dans cette chanson trop brève pour pouvoir atteindre son plein potentiel.

Les choses changent un peu dans Gravité : ce morceau lourd et assumé vise dans le mille. Elle convient quand même une petite portion atmosphérique qui ne fait qu’ajouter à l’intensité du reste de la piste. Mention également au bref solo de clavier vers la fin, bien dosé. S’ensuit Miroir de John Wayne, beaucoup plus lente et planante. On n’est toutefois pas sûr de l’utilité de la dernière minute de la chanson, qui est un segment instrumental qui sert à la fois à conclure la chanson et à préparer le terrain pour la suivante, Nouvelle vague. Celle-ci jumelle la douceur minimaliste et l’agressivité assourdissante, et c’est réussi pendant une bonne partie de la chanson, mais on commence à s’égarer dans la deuxième moitié de la piste, dans une longue portion instrumentale (encore).

Plus modérée mais très réussie, la chanson-titre Dans la seconde aurait aisément pu faire partie d’un enregistrement solo de Louis-Jean Cormier. Les dernières secondes atmosphériques n’étaient pas nécessaires, mais elles ne suffisent toutefois pas à gâcher la chanson. Quant à L’échafaud, on livre un début musicalement rêveur (malgré le propos qui ne l’est pas) pour mieux laisser place au rock dont Karkwa a le secret. Et dans la dernière minute, on a même droit à un solo de claviers qui nous fait automatiquement penser à The Doors. Très réussi! L’album se termine avec Du courage pour deux, très jolie ballade, du moins dans la première minute et demie, puisqu’on va ensuite alterner avec un rock saturé. Même si l’album ne dure que 33 minutes, on sent qu’il est très chargé et on n’aurait pas craché sur une pièce plus douce pour nous laisser nous remettre de nos émotions.

Depuis la sortie de l’album, la critique est positivement unanime. On ne remet évidemment pas en question le génie des membres de Karkwa qui ont en plus gagné en expérience et en maturité pendant leur pause, mais on se demande s’ils n’ont pas poussé la coche juste un peu plus loin pour prouver quelque chose aux fans ou aux critiques. Ce sont les portions instrumentales de l’opus qui nous ont moins plu ici, alors que nous sommes pourtant friand de musique sans parole! Ajoutons les nombreux fondus entre les pistes qui font que les chansons coulent moins si on les écoute en dehors du contexte de l’album, un non-sens à l’ère bien implantée du streaming.

On comprend quand même le groupe d’avoir voulu frapper fort pour son retour; s’il s’était trop assagi, on le lui aurait certainement reproché, après tout. Ceux qui s’ennuyaient du groupe y trouveront assurément leur compte, mais pour notre part, l’album ne nous marquera pas outre mesure.

L’album peut notamment être entendu sur la page Bandcamp de Karkwa.

À écouter : Gravité, Dans la seconde, L’échafaud

7,3/10

Par Olivier Dénommée


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