Be Curious – Steve Luck

Sorti le 24 novembre 2023

Il est possible que le nom de Steve Luck, pianiste et compositeur anglais, ne vous dise rien du tout, mais que vous ayez déjà entendu sa musique quelque part, que ce soit dans un de ses nombreux projets ou dans une playlist de musique douce au piano. Son deuxième album au piano solo, Be Curious, mise sur une musique à la fois simple et envoûtante.

La liste des musiciens qu’on classe (souvent malgré eux) dans le mouvement néoclassique est longue et on a parlé de plusieurs d’entre eux au fil des années. Mais en écoutant la musique de Steve Luck, on ne peut s’empêcher d’entendre des similitudes avec Alexandra Stréliski. On sent l’émotion dans son doigté qui nous berce d’une pièce à l’autre sans effort avec tantôt une dose de mélancolie, tantôt une touche d’espoir.

La première piste, Bloom, sonne un peu comme le printemps, dans son ton, son énergie. Le compositeur la voit de son côté comme une «célébration de la croissance et de la transformation», ce qui n’est pas excessivement loin de ce qu’on sent en l’écoutant. Plus lente et introspective à la Satie, la pièce-titre Be Curious est inspirée du slogan «Be curious – not judgemental» (une philosophie que beaucoup devraient davantage mettre en pratique) et met de l’avant des teintes plus sombres qui ne sont pas moins réussies, quoique peu surprenantes dans ce registre musical.

Pour sa part, Cheviot est inspirée des Cheviot Hills, une chaîne de montagnes au Royaume-Uni. On ne les a jamais vues de nos propres yeux, mais on ne peut qu’imaginer leur beauté et leur «force tranquille» à travers la musique de Steve Luck. Home est une autre jolie pièce introspective et enveloppante, qui fait du bien, tout simplement. On en vient à regretter qu’elle ne dure que 2 minutes!

On a appris un terme en écoutant l’album : Moonbow, un arc-en-ciel produit par la lune. C’est aussi le titre de la piste suivante, un morceau nocturne et rêveur particulièrement réussi. Quant à Blue Dot, on s’inspire ouvertement de la fameuse photo intitulée Pale Blue Dot, montrant la Terre infiniment petite. À l’image de cette photo, Luck nous invite à réfléchir à notre place dans l’univers, mais avec sérénité plutôt que de l’angoisse. Elle est suivie de Smile, morceau plus énergique qui tranche avec les morceaux plus doux et lents qui ont précédé, mais qui s’écoute tellement bien! Tout est dans le dosage et c’est réussi.

Equinox propose des thèmes similaires à ceux de Bloom, mais est un peu plus intense, presque surchargée. La pièce est suivie de Moment of Reflection, un titre un peu ironique dans la mesure où la plupart des autres nous invitaient déjà à réfléchir! Mais celle-ci parvient à nous ramener à l’essentiel, au moment présent pendant près de 3 minutes grâce à la beauté et la simplicité de sa mélodie. Nighthawks est quant à elle inspirée d’une peinture de Edward Hopper du même nom, explorant la solitude et la déconnexion, des thèmes ô combien d’actualité. On sent bien une certaine mélancolie dans la pièce, mais on ne saurait dire si c’est lié à la solitude ou à une autre émotion qu’elle nous suscite!

Le pianiste nous offre une autre pièce amenant la réflexion avec Pulse, se voulant un miroir des rythmes de la nature. Tout un défi, mais à un certain moment on a l’impression d’entendre les feuilles des arbres se bercer au vent et les gouttes de pluie former une mélodie, signe que l’artiste a au moins un peu remporté son pari. L’album se termine avec la proprement titrée Farewell. Ceux qui nous connaissent savent que les attentes sont très, très élevées quand on met «Farewell» dans le titre de sa pièce parce qu’on va immanquablement la comparer à Farewell d’Apocalyptica. La vision de Steve Luck est douce-amère et laisse davantage de place à l’introspection que la version très émotive à laquelle on la compare un peu malgré nous et vient un peu donc moins nous chercher, mais dans le contexte de l’album Be Curious, elle est parfaitement à sa place et termine le tout de bien belle façon.

Avec 12 pièces en presque 33 minutes, Be Curious est presque trop court à notre goût. Une seule piste dépasse la barre des 3 minutes, ce qui fait que le pianiste va à l’essentiel et évite de s’étirer inutilement, mais que l’on n’a moins de temps pour se laisser immerger dans la musique avant que l’on passe à la suivante. C’est une musique où on peut se donner le droit de prendre son temps après tout! Cela reste une très belle découverte et on ajoute ainsi Steve Luck à la liste des pianistes qu’il faudra suivre de plus près à l’avenir!

Il est notamment possible de se procurer l’album sur la page Bandcamp du pianiste.

À écouter : Moonbow, Blue Dot, Smile

7,9/10

Par Olivier Dénommée


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