
Sorti le 23 avril 2021
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts après la sortie du EP Main Girl et celle du premier vrai album de Charlotte Cardin, Phoenix. On parle quand même de 4 ans de délai entre les deux sorties, notamment accentué par une certaine pandémie qui l’a amenée à reporter de plusieurs mois cette sortie. On prend nous-même un petit délai pour se pencher sur ce premier album, qui l’a instantanément propulsée au sommet avec de nombreux prix, autant des Félix que des Juno Awards.
La chanson-titre Phoenix met vite la table avec une chanson pop lente et émotive, mais avec l’ajout d’auto-tune et d’effets électroniques qui viennent miner l’expérience. Si on avait eu droit à une version acoustique, cela aurait aisément pu être une des meilleures chansons de l’album, mais bon…! Cela nous laisse, vous l’aurez deviné, avec des sentiments très mitigés, mais cela reflète bien ce qu’on entend à travers l’album : des éléments vraiment réussis entremêlés d’autres dont on se serait bien passé.
La chanson est suivi de Passive Aggressive, premier single de l’album. On n’est pas toujours fan des singles trop commerciaux, mais la chanson mérite amplement sa place avec son groove irrésistible et son énergie bien dosée. La suivante revient à la ballade émotive, comme pour se rattraper pour Phoenix. Anyone Who Loves Me est beaucoup plus efficace en laissant de côté les distractions. Il semble que nous ne soyons pas seul à penser cela, car même si elle n’est jamais devenue un extrait, la chanson est la deuxième sur Spotify avec le plus d’écoute sur l’album, tout juste derrière Meaningless, probablement celle que le plus de gens reconnaissent de tout l’opus. C’est peut-être risqué de dire cela de la chanson la plus appréciée d’un album lui-même apprécié, mais le mot «overrated» vient en tête pour résumer Meaningless; on grince un peu des dents chaque fois qu’on entend son refrain et la mélodie n’est franchement pas si agréable à l’oreille, en plus d’être un peu trop aiguë à notre goût. Pour ce qui est des arrangements, on met beaucoup d’énergie pour créer un build-up menant aux refrains en question, mais ça semble forcé. On n’ira pas jusqu’à dire que c’est une terrible chanson, mais en aucun cas on n’aurait pu concevoir qu’elle remporte le prix de la chanson de l’année aux Junos en 2022, voilà tout.
L’album a vu naître un autre single, Daddy, qui a de particulier de ne pas sortir du lot du tout. Rien n’est mauvais – le build-up subtil tout au long de la piste est même plutôt réussi – mais rien n’est exceptionnel non plus. La chanson se termine après 2min50 et on passe tout simplement à la suivante, Sex to Me, qui reprend sans hésiter les clichés musicaux pour donner une énergie «sensuelle» à la chanson. C’est sans compter la dernière minute qui aurait aisément pu être coupée, tout simplement.
S’ensuivent quelques chansons correctes, mais qui ne sortent pas particulièrement du lot : Good Girl (une énième chanson piano-voix douce) et Sad Girl (dans un registre plus chargé, mais sans mélodies fortes pour la rendre mémorable), menant ensuite à XOXO, une des chansons les plus particulières de tout l’album parce qu’elle semble être un duo homme-femme. Or, il s’agit simplement de la chanteuse dont le pitch a été modifié, créant cet effet hautement réussi. Malheureusement, le refrain qui répète «A fist full of kisses, X-O-X-O / For your list full of bitches, X-O-X-O» nous fait décrocher. La chanson est suivie d’Oceans qui contient quelques-unes des lignes mélodiques les plus solides de tout l’album dans le refrain, mais le post-refrain parvient presque à gâcher le tout.
Dans le registre plus minimaliste, Sun Goes Down (Buddy) surprend dans la mesure où on délaisse le piano pour favoriser la guitare. Ce petit changement fait du bien et aide la chanson à se démarquer positivement du reste. Quant à Romeo, on nous propose une chanson aux accents synthpop qui ne sont pas désagréables, mais avec un refrain légèrement trop répétitif à notre goût. L’album Phoenix se conclut sur Je quitte, seule chanson en français de tout l’opus. Comme dans plusieurs chansons, on retrouve de bonnes idées, mais l’exécution n’y est pas tout à fait. L’enrobage musical est plutôt réussi (tout particulièrement après la barre des 3 minutes), mais les paroles sont extrêmement répétitives pendant les refrains.
Dès la sortie de son premier EP Big Boy, on se questionnait sur sa capacité à se défendre dans un projet d’envergure comme un album complet. Phoenix nous amène à conclure qu’elle ne manque pas de talent, mais qu’elle doit faire un peu de ménage dans ce qu’elle garde, afin de créer une meilleure cohésion entre ses différentes chansons (elle avait du jeu avec cet album de 13 pistes en 45 minutes) et même à l’intérieur d’une même piste, où s’entrechoquent des éléments très réussis et d’autres très «bof». Bon, ce n’est pas cette critique tardive qui l’a empêché de connaître le succès, mais il aurait été malhonnête de notre part de faire comme si c’était un album impeccable en tous points. Ne boudez quand même pas votre plaisir si vous aimez Meaningless, mais clairement Charlotte Cardin a le talent pour faire mieux.
Version deluxe
Si vous trouvez que 45 minutes de Charlotte Cardin est loin d’être assez, sachez qu’elle a fait paraître quelques mois plus tard une version deluxe de son album, ajoutant 7 pistes, pour un nouveau total de 65 minutes de musique. Parmi ces chansons se trouvent de nouvelles versions de 2 des chansons : Passive Aggressive (Johnny GOLD Remix), qui s’assume pleinement comme toune à jouer sur une piste de danse, et Phoenix (Reprise), en duo avec Lubalin, qui omet malheureusement de corriger les faiblesses de la version originale.
Les autres chansons sont de nouvelles. La première est Scorpio Season, et elle justifierait presque à elle seule de se procurer la version deluxe, elle qui est même plus solide que plusieurs chansons de la version régulière de l’album. Ce n’est toutefois pas la même histoire pour les autres, peut-être mis à part Changing qui s’écoute plutôt bien. La version deluxe comporte aussi une chanson en français (ou plutôt bilingue comme beaucoup de passages sont en anglais) C’est la vie, en duo avec Dinos, qui n’arrive pas à nous convaincre. Ces chansons plairont donc aux fans les plus hardcore de Charlotte Cardin, mais sans plus.
À écouter : Passive Aggressive, Anyone Who Loves Me, Sun Goes Down (Buddy) // Deluxe : Scorpio Season
7,3/10
Par Olivier Dénommée
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