
Sorti le 17 mai 2024
On n’est pas encore à la moitié de 2024, mais à peu près toutes les grandes vedettes de la pop ont déjà lancé un nouvel album cette année. La dernière en lice est Billie Eilish, qui propose son 3e album à 22 ans, Hit Me Hard and Soft. On était passé tout droit pour l’écoute de son deuxième, mais on garde des souvenirs mitigés de son tout premier album, When We All Fall Asleep, Where Do We Go?, qui s’est démarqué, mais pas toujours de la bonne manière avec des choix artistiques douteux minant les qualités de plusieurs de ses chansons. On a donc plongé dans Hit Me Hard and Soft sans se faire de grandes attentes.
Ce fut donc une agréable surprise de constater que Eilish a grandement gagné en maturité avec les années : la production (toujours signée par son frère Finneas) délaisse les éléments inutilement désagréables et on a droit à des chansons solides, autant musicalement que mélodiquement. Mais elle perd en même temps une partie de son unicité. On y reviendra!
L’album ouvre avec la douce et minimaliste Skinny, qui laisse toute la place à la voix de la chanteuse, puissante et vulnérable à la fois. Si on a parfois tendance à oublier que Billie Eilish est une chanteuse tellement on la voit plutôt comme une personnalité publique qui aime provoquer, cette chanson est assez pour nous rappeler que le talent est bel et bien au rendez-vous. La dernière minute de la chanson devient encore plus émouvante avec un passage de cordes. Seul défaut : les dernière secondes de la chanson s’enchaînent avec le début de Lunch, qui est dans un tout autre mood. Il s’agit d’ailleurs du premier (et encore seul au moment de publier ce texte) single, ramenant Eilish dans un registre alt-pop qu’on lui connaît, avec les paroles qui viennent avec. Le «lunch» en question est la fille que Billie Eilish rêve de «manger». On repassera pour la subtilité, mais comme elle avait fait une sortie récente pour ses préférences sexuelles, difficile d’être surpris. Ceci étant dit, est-ce que la toune est bonne? Elle est énergique et entraînante, mais franchement pas mémorable outre mesure selon nous. Notre instinct nous dit qu’elle n’a pas choisi la chanson pour la qualité de la composition mais plus pour le statement qui vient avec.
On revient vite à quelque chose de plus nuancé avec Chihiro. On change d’énergie à plusieurs reprises, passant du plutôt doux à quelque chose de plus groovy, avec un build-up bien en évidence explosant à partir de 2 minutes environ pour mieux redescendre. Bref, on joue aux montagnes russes pendant 5 minutes, ce qui donne des passages très intéressants, mais aussi quelques petits bouts qui le sont moins. C’est difficile de faire un sans faute quand on ose quelque chose de différent, mais le résultat est quand même plutôt bon. La suivante, Birds of a Feather, est beaucoup plus égale, mais aussi beaucoup plus prévisible, pas étranger à ce que fait d’autres chanteuses pop très mainstream. Reste qu’on ne cherche pas toujours à être surpris et qu’on est capable d’apprécier une chanson simple et efficace comme celle-là! Wildflower est aussi excellente, autant avec son début très doux qu’avec son habile montée vers le milieu de la chanson. Notons toutefois un passage à la toute fin de la piste, que l’on aurait pu prendre pour du Taylor Swift tellement l’intonation que la chanteuse prend lui ressemble.
The Greatest mise une fois de plus sur une musique minimaliste qui laisse ensuite place à des montées en intensité. La formule est bien sûr éprouvée, mais les mélodies dans les couplets sont tellement ennuyants que même les passages les plus réussis n’arrivent pas tout à fait à compenser pour les faiblesses. S’ensuit L’Amour de Ma Vie, chanson qui, vous l’aurez deviné, ne contient aucune parole en français, mais qui aborde bien le thème de cet amour perdu qui aurait pu durer pour toujours. Dépassant la barre des 5min30, la chanson expérimente avec plusieurs énergies, certaines plus réussies que d’autres, avec une deuxième moitié particulièrement étrange dans ses choix artistiques, dont une grosse partie sur fond de musique électro agressive.
On a eu Lunch en début d’album, là on a droit à The Diner, mélangeant allègrement différentes ambiances, donnant quelque chose de plus ou moins digeste. Le principal avantage de cette chanson est de vraiment mettre en valeur la suivante, Bittersuite, morceau contenant plusieurs très beaux passages vocaux. Mais un peu comme dans Chihiro, elle s’amuse dans différents registres, donnant un résultat quelque peu inégal, mais pas inintéressant. On aurait seulement coupé la dernière minute, complètement inutile.
L’album se conclut sur Blue, la chanson la plus longue de tout l’album avec 5min43. Règle générale, Eilish se «lâche» un peu plus dans les chansons plus longues, alors on se demandait vers oû elle nous amènerait ici. Les 2 premières minutes sont énergiques et mémorables, avant de soudainement passer à un passage lent et planant. L’album se termine avec des lignes de cordes, nous rappelant la première piste.
Si on reconnaît le côté frondeur de Billie Eilish dans plusieurs chansons de Hit Me Hard and Soft, il faut reconnaître qu’elle a visé juste dans plusieurs de ses chansons et qu’elle a livré un album très personnel. L’équilibre reste fragile, mais elle a de quoi rejoindre à la fois les oreilles en quête de musique radiophonique (quand on entend des similarités, même subtiles, avec Taylor Swift, difficile d’être plus mainstream) et son public plus edgy. Si la chanteuse a connu le succès avec ses 2 premiers albums, on devine qu’elle va répéter l’exploit avec celui-ci, d’autant plus que ses bonnes chansons sont solides pour vrai. On n’aura eu qu’une journée avant d’écrire cette critique, mais on devine que c’est le genre d’album qui sonne mieux de fois en fois et qui risque d’être un candidat sérieux pour des prix d’album de l’année.
À écouter : Skinny, Birds of a Feather, Wildflower
7,8/10
Par Olivier Dénommée
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