
Sorti le 18 octobre 2024
Voilà déjà presque 5 ans que l’on ne s’est pas penché sur la musique de Safia Nolin. Il faut dire que ces dernières années, on a davantage entendu parler d’elle pour ses sorties publiques que pour sa musique, mais avec son «retour aux sources» avec son album UFO Religion, on a eu envie d’écouter ce qu’elle avait à proposer. Et on n’a pas été déçu.
Dans les crédits de l’album, on fait le tour très vite : à part Safia elle-même à la voix et la guitare, on entend les talents de Marc-André Labelle, coréalisateur de l’opus, à la guitare, au piano et au «Sound Design». Josiane Rouette s’ajoute aussi au flugelhorn à quelques moments clés. Et c’est tout! On a donc droit à un album extrêmement dépouillé, qui laisse ainsi toute la place aux textes et aux mélodies déprimants de la chanteuse, sa marque de commerce.
On ne sait pas trop comment le dire autrement, mais c’est à du pur Safia Nolin qu’on a droit dès La fin du monde. Après un très bref enregistrement en intro avec des enfants qui semblent jouer dans l’eau, l’énergie dépressive prend vite le dessus. C’est simple et efficace malgré sa longueur de plus de 5 minutes, ce qui peut parfois paraître beaucoup quand la chanson n’offre pas des variations très marquées, mais le principal bémol est l’ajout de bruits de drone à la fin afin de se fondre avec la suivante. On n’est jamais un grand fan de cette pratique et on le répète encore trop souvent parce que les artistes ne cessent d’abuser de cette approche. La suivante est Shrooms, morceau chanté en anglais. On a souligné par le passé (notamment dans l’album Dans le noir) qu’on était agréablement surpris de son talent lorsqu’elle chante dans cette langue, et c’est toujours vrai ici, avec ses mélodies plutôt enlevantes malgré le ton glauque de la chanson.
Safia Nolin étant Safia Nolin, elle livre son refrain le plus fort (textuellement et mélodiquement) dans une chanson intitulée Pizzaghetti. «J’aurais toutes les raisons de m’haïr / Mais toi, tu es là et tu me crois / J’aurais toutes les raisons de partir / Mais toi, tu es là et tu me vois», chante elle avec émotion (et appuyée par le flugelhorn). On n’a appris que plus tard que le titre est en fait le nom de son chien, ce qui donne tout son sens à ce qu’elle chante. Après un morceau aussi fort, Djurdjura (جبال جرجرة) change un peu de registre, avec des effets dans les voix qui nous convainquent plus ou moins. Dans une chanson dépouillée comme celle-ci, il aurait mieux valu de s’en tenir à quelque chose de plus organique vocalement, à notre avis. Elle revient d’ailleurs aussitôt à son registre habituel dans Août. Les couplets ne nous bouleversent pas particulièrement, mais les refrains valent davantage le détour.
Seule chanson qui n’est pas de Safia Nolin elle-même, Nos mauvaises langues est un cadeau de Stéphane Lafleur (le chanteur d’Avec pas d’casque) et une des plus belles chansons de l’album : on délaisse ici la guitare au profit du piano, donnant un morceau poétique et complètement dans la palette de l’artiste. D’ailleurs, si on ne l’avait pas lu, on n’aurait jamais deviné que la composition n’était pas d’elle tellement la chanson lui était taillée sur mesure. Notre écoute se poursuit avec Et si, de, chanson légèrement plus chargée, mais qui s’écoute drôlement bien. Son seul défaut est qu’il se conclut au milieu d’un build-up qui aurait franchement pu aller beaucoup plus loin. Claps conclut le bref album, avec en arrière-plan la voix de nul autre que feu Karim Ouellet (dont les paroles de la chanson Trente) à différents moments, dont à la toute fin. La chanson est en quelque sorte un hommage qu’elle fait au chanteur de son coin de pays qui est parti beaucoup trop vite en 2021.
Bien que Safia Nolin a été très active au fil des années avec des albums de reprises et de nombreux EP, dont un EP double plus récemment, elle considère que UFO Religion n’est que son 3e vrai album. Il est vrai qu’elle a tendance à bifurquer un peu dans ces différentes sorties, alors que ses albums studio reviennent davantage à l’essence de ce qu’elle est. Et c’est exactement ce à quoi on a droit ici, avec un album gris à souhait, tellement triste qu’il fait du bien en nous permettant d’extérioriser nos émotions. L’album est dépouillé, mais on aurait même pu souhaiter encore moins du flafla qui se cache dans une bonne partie des chansons. Cela reste un solide album, qui mérite une belle vie, peu importe ce qu’on peut penser de l’artiste elle-même et ses sorties publiques.
Il est notamment possible de trouver cet album sur la page Bandcamp de Safia Nolin.
À écouter : Shrooms, Pizzaghetti, Nos mauvaises langues
7,9/10
Par Olivier Dénommée
En savoir plus sur Critique de salon
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.