
Sorti le 1er novembre 2024
Le groupe montréalais Cordâme est très prolifique, lui qui multiplie les albums sur différentes thématiques. Pour son 11e album en 20 ans d’existence, la bande dirigée par le contrebassiste et compositeur Jean Félix Mailloux s’intéresse spécialement à la mythologie avec Déesses mystiques.
Le choix du thème s’est imposé de lui-même alors que Mailloux se dit fasciné depuis son enfance par la mythologie, notamment grecque. Et, en tant que père de 3 filles, il a aussi voulu rendre hommage à des déesses ô combien inspirantes depuis des millénaires et laissant beaucoup de place pour la créativité dans la composition. Cordâme a voulu créer avec cet album des pièces mystérieuses et majestueuses, aux mélodies intemporelles invitant à la rêverie et à la contemplation – rien que ça!
Même si cela fait plusieurs années qu’on n’a pas écouté la musique de Cordâme, on reconnaît instantanément sa signature : les cordes sont comme toujours bien présentes, avec le trio violon-violoncelle-contrebasse, mais aussi la harpe et le piano, en plus des percussions, donnant une musique instrumentale drôlement inspirée qui défie les étiquettes, lui qui navigue quelque part entre le jazz et et le classique.
Anthousai nous accueille en début d’album, avec de petites montagnes russes d’émotions. Si le début est plutôt mystérieux, misant sur un subtil build-up, la pièce devient de plus en plus chargée et assume un virage plus jazz dans la seconde moitié, où se s’enchaînent les solos. On se laisse ensuite rapidement bercer par la proposition feutrée de Thalia. Même le solo de contrebasse est resté fidèle à l’énergie de la pièce, sans chercher à épater la galerie!
Ça bouge un peu plus avec Déméter, donnant une dynamique très intéressante entre les différents instruments. Il y a à la fois un désir d’offrir quelque chose de plus corsé et de très mélodique, et ça marche plutôt bien! Mention aussi au solo de harpe, d’une grande efficacité. S’ensuit Flore, à l’énergie ambiguë : les mélodies sont légères, mais l’enrobage est à certains moments surchargé, ce qui empêche de pleinement l’apprécier, à notre avis. Le dosage de la mystérieuse Aphrodite est par ailleurs beaucoup plus réussi, notamment grâce au tandem harpe-piano qui fait toute la différence! Et on ne se rend même pas compte qu’elle dure 6min30!
On a ensuite droit à une Athéna percussive à souhait. En tant que déesse de la guerre (notamment) dans la mythologie grecque, ça a du sens qu’elle soit la plus intense de toutes. On doit quand même reconnaître qu’on ne voit pas nécessairement venir à quel point elle va frapper avant qu’il soit trop tard puisque la première minute et demie de la pièce est relativement modérée. Certains passages sont aussi beaucoup plus chantants, donnant une fois de plus des variations assez importantes d’un segment à l’autre. Après un morceau de cette intensité, Héra se prend très bien, avec une composition mélangeant énergie et subtilité. Une fois de plus, la harpe a fait un travail de maître. On émet toutefois des réserves sur le solo de batterie, qui nous semble presque de trop ici.
S’ensuit Ostara, assumant pleinement son côté mystérieux sur une des plus longues pistes de l’album (plus de 6 minutes), puis Cybèle, pièce plutôt langoureuse dans son énergie. C’est, dans les 2 cas, assez bien amené! Artémis offre quant à elle un dosage intéressant au niveau des tensions, sans être trop déconcertante à écouter. Et, un peu comme avec Athéna, Polymnie nous offre des passages très intenses, nous prenant par surprise chaque fois. C’était un choix pour le moins audacieux de conclure l’album avec cette piste, alors que d’autres compositions plus modérées auraient probablement mieux convenu!
Comme on était en droit de s’y attendre de la part de Cordâme, l’album Déesses mystiques nous fait voyager dans son univers bien à lui. L’album nous semble presque trop court, mais il réussit assez bien son mandat d’explorer les différentes énergies inspirées par ces figures mythologiques. Vous aurez compris qu’on a eu un faible pour les morceaux où les nuances permettent d’apprécier l’apport de chaque musicien que ceux trop explosifs, mais, dans tous les cas, le voyage vaut le détour. Et, constat plus général, l’écoute du doigté impeccable de la harpiste Éveline Grégoire-Rousseau nous fait réaliser qu’on n’a pas assez de harpe dans notre vie!
L’album peut notamment se trouver sur Bandcamp.
À écouter : Thalia, Déméter, Aphrodite
8,0/10
Par Olivier Dénommée
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