Montreal Jazz Series 1 (Échanges synaptiques) – André Leroux

Sorti le 24 octobre 2024

En octobre 2024, 3 albums ont simultanément vu le jour autour d’une trilogie appelée Montreal Jazz Series, des propositions artistiques tournant autour d’un musicien particulier qui s’est lui-même entouré de certains des meilleurs musiciens de la scène jazz montréalaise. L’un d’eux, Montreal Jazz Series 1 (Échanges synaptiques) du saxophoniste André Leroux, a même reçu un prix Juno en 2025 pour l’Album jazz de l’année (solo), une grande distinction connaissant la qualité de ce qui se fait en jazz à travers le pays.

Afin d’alléger le texte, nous parlerons essentiellement de cet album avec son titre raccourci, Échanges synaptiques. Il faut savoir pour cet enregistrement de 66 minutes que Leroux s’est entouré de 2 groupes de musiciens distincts, apportant chacun leur couleur dans les pièces qu’ils interprètent. Le premier, composé de Leroux aux saxophones ténor et soprano, André White à la batterie, Frédéric Alarie à la contrebasse et Fred Henke au piano, se veut une forme d’hommage aux géants du jazz.

Cela nous permet d’entendre un jazz très inspiré et assez accessible, comme Night Has a Thousand Eyes, où André Leroux brille particulièrement avec une performance contagieuse. Cela n’empêche bien sûr pas les envolées en intensité, notamment dans le dernier tiers, qui plairont davantage aux puristes du genre, mais l’équilibre est assez bon pour inviter même les non initiés à y prêter au moins une oreille! Elle est suivie de la pièce-titre de l’album, Échanges synaptiques, une composition de Frédéric Alarie, nous surprenant avec quelque chose de beaucoup plus feutré, laissant place à différentes nuances, puis de Take the D Train, jouant aussi habilement avec les intensités, avec comme principal défaut sa longueur de 8min43 qui peut devenir étourdissante, surtout dans les 2 dernières minutes et demie.

Restons avec ce quatuor et passons à Iris, autre morceau assez doux nous proposant des solos fort bien dosés, puis avec la sautillante Central Park Ouest, montrant la complicité évidente entre les musiciens. La dernière pièce avec cet ensemble est Virgo, autre morceau en apparence feutré, mais où ont sent un certain désir de tempête, qui se manifeste davantage durant les différents solos.

En plus d’André Leroux, l’autre ensemble laisse place aux talents de François Bourassa au piano, Rémi-Jean Leblanc à la contrebasse et John Hollenbeck à la batterie et mise davantage sur des compositions originales et sur un jazz moderne à la new-yorkaise, repoussant un peu plus les conventions du genre! C’est donc là qu’on a droit aux pièces plus corsées de la proposition. Ceci étant dit, E.M. (compo de Bourassa) nous amène dans un univers empreint de mystère de de tension, mais sans jamais véritablement nous donner le vertige qu’on peut attendre de morceaux plus intenses. En revanche, Forced Empathy (de John Hollenbeck) et Last Minute (de François Bourassa) permettent aux musiciens de se gâter un peu plus avec des morceaux plutôt chirurgicaux, ce qui n’est toutefois pas du tout pour toutes les oreilles. Mentionnons toutefois la très groovy Up and Up (de Rémi-Jean Leblanc), d’une grande efficacité.

Le dernier mot de l’album revient aussi à ces musiciens avec la pièce Persuasion de John Hollenbeck, débutant par ailleurs avec un long solo de batterie de plus de 3 minutes avant que les autres instruments n’arrivent discrètement. C’est probablement le choix le plus audacieux de l’album parce que c’est la pièce la moins accessible du lot, ce qui peut laisser une drôle d’impression aux néophytes, bien que les amateurs se régalent assurément de la proposition! L’album Échanges synaptiques tente à la fois de plaire aux 2 groupes d’auditeurs, alors cela reste bien sûr normal d’oser quelque chose qui pourrait paraître contre-intuitif pour certains.

La trilogie Montreal Jazz Series se décrit comme «une déclaration artistique» qui «capte l’essence de la vibrante culture jazz de Montréal tout en se projetant vers l’avenir du genre», une description ambitieuse mais somme toute assez juste de ce qu’on a pu entendre dans cet album. Car oui, la scène jazz montréalaise est foisonnante de talent et de créativité et les 7 personnes qu’on a entendues dans cet enregistrement en sont la preuve. On n’écouterait évidemment pas les morceaux plus corsés de l’album en boucle comme on l’a fait dans le cadre de cette critique, mais on doit reconnaître qu’André Leroux et ses comparse n’ont pas volé leur Juno, loin de là!

Cet album est notamment accessible sur Bandcamp.

À écouter : Échanges synaptiques, Up and Up, Central Park Ouest

Par Olivier Dénommée


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