
Sorti le 28 mai 2025
Après la sortie de son 6e album, Dynastie, une vague d’inspiration a frappé Benoît Pinette, alias Tire le coyote : l’ascension de Donald Trump au sud de la frontière et la dégradation rapide du climat social l’ont amené à écrire en un temps record un album ouvertement «anti-Trump», intitulé Ventouse. Celui-ci, dépouillé et brut, est sorti en surprise le 28 mai, à peine plus de 7 mois après son dernier album studio.
Si la prémisse de l’album est une certaine colère contre ce qui se passe aux États-Unis, le style de l’album demeure assez fidèle à ce qu’on attend de Tire le coyote : un folk poétique à la voix empreinte de fragilité. Certains titres vendent évidemment la mèche quant aux positions du musicien, mais il demeure une certaine subtilité à la proposition. Ce n’est pas nécessairement un album à écouter dans un esprit d’être engagé politiquement, mais si on porte attention aux messages, on va évidemment trouver des liens ici et là.
L’album ouvre sur le son d’un vieil enregistreur 4 pistes, confirmant un désir de produire quelque chose d’assez minimaliste. La première piste, Moustique, revient effectivement à la base de la base : une guitare et un harmonica, c’est tout. Il s’agit d’un des morceaux instrumentaux de l’opus, qui viennent ajouter un peu de légèreté au propos parfois plus lourd. S’ensuit la chanson-titre Ventouse, où on retrouve du pur Tire le coyote, autant dans sa livraison que dans sa façon d’écrire sa poésie. On sent quand même assez bien son côté engagé lorsqu’il chante notamment une ligne en anglais sur les fascistes.
Malgré le côté brut de l’album, Le seuil de la pauvreté laisse place à des arrangements plus touffus, avec plusieurs couches de voix, quelques percussions simples et des sonorités sombres en arrière-plan, ajoutant du poids au propos de Pinette. On a ensuite droit à la déprimante (mais efficace) valse Déversoir blues. Le titre le plus évocateur de l’opus est possiblement Des chaînes pour Donald, mais il s’agit d’un morceau instrumental sobre, mais empreint d’une grande mélancolie. Le canal poursuit d’ailleurs la lancée des chansons très déprimantes.
L’harmonica (et un peu d’énergie, même si le moral n’est pas beaucoup plus haut que dans les précédentes chansons) est de retour avec Engraisser la lumière, bien que la voix garde le même ton inquiet. On retient certaines perles, dont les lignes : «Car l’arrogance est une marque populaire / Sous la bannière des pourritures». C’est d’autant plus efficace dans la suivante, Angles morts, qui offre certaines lignes solides soutenues par certaines des mélodies les plus fortes de l’album. Et la proposition se conclut à peu près comme il a commencé, avec l’instrumental Le carnaval des imbéciles, autre titre évocateur sans avoir à dire un seul mot.
Dans notre critique de son précédent album, on sentait que Tire le coyote avait tenté de complexifier certaines chansons. Ici, il va dans la simplicité et l’opus, qui ne dure même pas 24 minutes, contient excessivement peu de fla-fla… et c’est parfait ainsi! Même si tout n’est pas nécessairement réglé au quart de tout, on retrouve véritablement Tire le coyote à son meilleur, et on voit que quand il se fie à ses instincts, sans chercher à surprendre, c’est là qu’il brille le plus. Que vous ayez une dent ou pas contre le président américain, il serait bête de se priver d’une bonne écoute de l’album Ventouse. Et, conclusion de l’exercice : Donald Trump est peut-être un imbécile, mais c’est fou comme il peut être inspirant!
À écouter : Ventouse, Le seuil de la pauvreté, Angles morts
8,0/10
Par Olivier Dénommée
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