Chansons honnêtes – Germaine

Sorti le 16 novembre 2024

Le groupe de trad féminin et féministe Germaine a fait paraître en 2024 son tout premier album complet, Chansons honnêtes. La démarche de ses membres est assumée : elles ont trouvé des perles folkloriques qui donnent la paroles aux femmes ou les ont adaptées de manière plus inclusives et modernes, alors que le trad n’a pas toujours eu la réputation de donner une place positive aux femmes. Malgré le côté très engagé du collectif, la musique qui en résulte est, de façon surprenante, extrêmement accessible.

Notre écoute débute avec la sympathique La chose véritable, racontant une rencontre d’une femme avec «un jeune garçon bien distingué» qui a réussi, petit à petit, à la séduire par sa politesse, jusqu’à ce qu’ils passent la nuit ensemble. On voit cette chanson comme une version ludique du slogan «Le consentement, c’est sexy» et on doit dire que c’est plutôt convaincant. Musicalement, c’est tout simple, avec une voix, la réponse du reste du groupe, et de la podorythmie, mais ça fonctionne! Mal à tête ajoute du bodhrán et nous invite à comprendre à quel endroit on a mal au fil de cette chanson de presque 4 minutes. Même si on voit venir la réponse, elle fait bien sûr sourire quand on l’entend.

Elle avait l’air est la première chanson à alterner les interprètes principales, accentuant les changements d’une saison à l’autre de l’héroïne. La chanson est d’une grande douceur dans l’interprétation, appuyée subtilement par les percussions et quelques lignes de violon, composées pour bonifier la chanson. S’ensuit une Les trois sœurs entraînantes, en apparence assez classique dans sa forme. On passe ensuite à la complainte le temps de Pour mon honneur, qui aborde avec d’autres mots ce qui ressemble pas mal à un kidnapping et une tentative de viol collectif. La conclusion est que la belle a fait la morte pendant 3 jours pour s’en sortir et sauver son honneur.

Les jardinières est beaucoup plus légère dans son thème, racontant une interaction entre un homme qui cherche – sans succès – à séduire une jardinière qui n’est visiblement pas du tout intéressée. Le lexique semble contenir son lot de doubles-sens qui rendent le tout très drôle. La chanson est toutefois très courte! Elle est suivie de Les volontés des filles – intro, contenant un enregistrement d’archives de 1957, menant à la vraie Les volontés des filles, chanson plus chargée avec une énergie percussive et beaucoup de violon. Au contraire, Avec un peu d’sauce (une composition de La Poune elle-même) revient à une forme a capella, et semble délaisser le côté engagé de Germaine le temps d’une chanson purement ludique.

Si on n’y porte pas trop attention, on peut manquer le fait que Je suis jeune parle d’avortement, un sujet évidemment lourd, mais plutôt bien amené ici. Y’en a-tu qui m’aime ici se démarque quant à elle par ses arrangements très réussis, surtout avec les segments avec du violon. Germaine s’inspire ensuite d’une chanson de La Bolduc, Tout le long de la rivière, pour parler tout doucement d’amour fané. Le clou de l’album est aussi la chanson la plus assumée du lot : Le mari qu’elle voudrait décrit avec beaucoup d’humour les genres d’hommes qu’une femme ne désire pas fréquenter. Plus la chanson avance et plus on reconnaît les paroles ajoutées par les membres de Germaine, utilisant un lexique très contemporain – on plogue même le mansplaining, voire son penchant francophone, pénispliquer –, ce qui va assurément faire rire. On nous dit que la chanson connaît un vrai succès en spectacle et on n’en a absolument aucun doute! Seul défaut qu’on pourrait trouver à cet enregistrement : les rires qu’on entend au fil de la chanson, qui rendent le tout sympathique, mais qu’on aurait seulement gardés pour les performances live.

Ceux qui nous suivent depuis longtemps savent qu’on n’est généralement pas trop portés à analyser les textes des chansons critiquées, mais Chansons honnêtes de Germaine nous a forcé à y porter attention pour voir ce qui se cache sous les textes. Il faut le dire, si le groupe assume pleinement ses positions féministes, il est parvenu à les traduire de façon assez subtile pour que l’on ne sente pas qu’on suive un cours d’études féministes de 44 minutes. Le dosage est bon et il est facile d’apprécier la proposition de Germaine, tant qu’on aime déjà le trad québécois. Notons que la gigue occupe aussi une place importante pour ce groupe, ce qui ne peut évidemment pas s’apprécier autant avec seulement le son. Ça nous semble être une sortie qui prend tout son sens en spectacle!

Cet album est notamment accessible sur la page Bandcamp du groupe.

À écouter : La chose véritable, Elle avait l’air, Le mari qu’elle voudrait

7,9/10

Par Olivier Dénommée


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