
Sorti le 13 juin 2025
Le nom de l’Australien Guy Blackman ne nous disait absolument rien jusqu’à tout récemment. Le fondateur du label indépendant Chapter avait déjà lancé un album solo, mais celui-ci remontait à 2008 et il s’était fait incroyablement discret depuis… jusqu’à la sortie de Out of Sight, son 2e album, mûri après une pause de 17 années. Son silence s’expliquerait pas le fait qu’il ne se sentait pas autant à l’aise de chanter des chansons ouvertement queer à l’époque, mais que les temps ont assez changé pour le convaincre de reprendre le micro. Le climat s’est depuis détérioré à nouveau, mais il était trop tard pour arrêter Blackman. «This time I’m like ‘fuck ‘em!’ (Cette fois, je me suis dit qu’ils aillent se faire foutre!)», annonce-t-il.
Musicalement, on a découvert un artiste versant dans une pop indépendante colorée, avec des arrangements souvent assez riches, et une voix étonnamment apaisante. Thématiquement, Blackman assume des thèmes comme l’amour, la sexualité et l’engagement. «Si Serge Gainsbourg, Tim Hardin ou Keven Ayers écrivaient des chansons situées dans des bars à go-go gays ou sur des sites de webcams adultes, vous pourriez avoir une idée de l’approche de Guy» (traduction libre), explique notamment sa démarche.
On se laisse assez vite porter par la proposition de I Love Myself for You, morceau aux tendances orchestrales très efficaces et au chant simple, mais empreint d’émotivité. Difficile de demander une meilleure entrée en matière de sa part. Elle est pourtant suivie de l’incontournable Don’t Ask Don’t Tell, légèrement plus groovy, qui est en apparence une banale chanson d’amour, mais dont le titre rappelle évidemment l’infâme politique «Don’t ask, don’t tell» du gouvernement américain au sujet des homosexuels au sein de ses forces armées. C’est donc un véritable coup de circuit de la part de Guy Blackman.
L’album contient un seul duo, Let Me Let You Let Me Down, avec le Français Julien Gasc, dans le cadre d’une petite ballade. Celle-ci, sans être mauvaise, est beaucoup plus répétitive et ne nous rejoint pas autant que les précédentes. Même Being Missed, pourtant presque berçante dans son énergie, semble manquer d’un petit ingrédient pour vraiment nous rester en tête. On trouve finalement l’ingrédient manquant dans The Backyard, offrant un bon dosage entre un soft-rock relativement simple et un petit build-up qui nous garde attentif. Malgré tout, on doit mentionner quelques petites faiblesses, comme plus de fla-fla que nécessaire et un mixage qui laisse un tout petit trop de place aux percussions.
You’re More Than Welcome est ludique à souhait, mais on préfère son registre plus feutré, notamment dans Bramley River Road, ou encore la sympathique Touch and Go, qui appuie sur à peu près tous les bons boutons, avec un refrain léger et inspiré. Dollar Bills frappe aussi particulièrement fort durant les refrains avec même une dose de clavecin! Si le reste de la chanson était au même niveau, elle aurait aisément été parmi les incontournables de l’opus, au côté de Don’t Ask Don’t Tell.
Les chansons suivantes peinent un peu plus à se démarquer, notamment It Hurts Me to Sing et Men’s Hair, malgré quelques bonnes idées de cette dernière. Mais c’est une autre histoire avec Always Gonna Love You More, qui donne instantanément le sourire dès qu’on l’écoute. Elle est suivie de la ballade Grinding My Teeth, assez réussie, mais un peu plus longue que nécessaire, puis de la finale, Really I’m Fine. Celle-ci propose des arrangements riches en cordes, qui volent carrément la vedette ici. On peut dire que Guy Blackman sait comment finir les choses en forces!
Malgré ses 14 chansons, l’album Out of Sight ne dure qu’une quarantaine de minutes. Blackman semble savoir quand arrêter pour ne pas étirer ses chansons en longueur, ce qui n’est pas donné à tous. Comme mentionné plus haut, toutes ses chansons ne sont pas des chefs-d’œuvre, mais il serait faux de dire que son album ne s’écoute pas excessivement bien. Il y a un côté très accessible à sa proposition, tout en nous surprenant avec des arrangements plus élaborés ou des sujets amenés différemment. On se demande ce qui a pris à Guy Blackman d’attendre aussi longtemps de revenir à l’avant-scène, lui qui avait visiblement des choses pertinentes à raconter. On se souhaite que Out of Sight ne sera pas sa dernière sortie… et que la prochaine prendre un peu moins longtemps avant de voir le jour!
Cet album se trouve notamment sur la page Bandcamp de l’artiste.
À écouter : Don’t Ask Don’t Tell, Touch and Go, Always Gonna Love You More
7,9/10
Par Olivier Dénommée
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