
Sorti le 12 novembre 2025
Cela fait quelques mois que l’on réfléchit à critiquer la bande sonore complète du jeu Clair Obscur: Expedition 33, paru plus tôt en 2025. Le principal écueil est qu’elle dure 7 heures, ce qui n’est évidemment pas une mince tâche! Le hasard aura voulu que pile au moment où on a décidé de se lancer, un pianiste, arrangeur et amoureux de musique de jeux appelé Fabrice Delldongo (ou juste Delldongo) a lancé un album d’arrangements tirés de ce jeu. L’album intitulé Clair Obscur : Expedition 33 – En blanc et noir met donc en scène plus ou moins 1/5 de la musique (en durée) contenue dans le jeu dans cet opus bien compact de 80 minutes.
Il est rare que l’on s’intéresse aux réinterprétations avant d’écrire sur l’album lorsqu’on sait qu’on veut l’aborder éventuellement, mais dans ce cas-ci, on se permet une exception. Et, déjà, on peut affirmer au sujet de la bande sonore écrite par Lorien Testard qu’il est profondément ridicule qu’elle ne fasse pas partie des nommés aux Grammys tellement elle frappe l’imaginaire. Vous connaissez peut-être notre amour pour la musique des JRPG (jeu de rôle japonais), et si Expedition 33 est un jeu entièrement créé par des Français, l’esprit est fidèle à ce que devrait ressembler un JRPG en 2025, et ce commentaire s’applique tout autant pour la musique de Testard, qu’on pourrait aisément confondre avec celle de Nobuo Uematsu (derrière la majorité des Final Fantasy) par exemple. Que Delldongo (un autre Français!) offre sensiblement le même traitement en réarrangeant ses pièces au piano avec sensibilité n’est qu’un gros bonus! Fin de la parenthèse.
Sur 18 pistes, on constate que les pièces ne sont pas nécessairement dans l’ordre de la bande sonore. Il y a donc un choix artistique de la part du pianiste dans le flow de l’album. La première demeure tout de même un incontournable : Lumière – Lumière à l’Aube, transformant la version instrumentale à la guitare en un morceau tout aussi senti au piano. Mais après avoir joué au jeu, on ne peut juste jamais s’empêcher d’entendre les paroles dans notre tête même quand elles ne sont pas incluses! Le défi est un peu plus grand avec Gustave, au thème qui reprend celui de Lumière. Or, le piano n’a pas autant d’options pour se distancier de la piste précédente et doit donc faire quelques pirouettes de plus pour y arriver. On préfère donc la simplicité de la première piste.
Firecamp – Sciel est à l’origine un morceau à la fois atmosphérique et émotif. Delldongo n’a pas les percussions ni les violons pour appuyer son interprétation, mais il se l’approprie de bien belle façon, surtout au début, bien que sa version est pas mal plus longue, ajoutant quelques petites longueurs au milieu et à la fin. Yellow Forest – Nightfall est aussi prolongée, mais c’est parce qu’elle ne dure que 1min30 dans sa version originale, et il est intéressant de constater qu’on part d’une pièce déjà centrée sur le piano, mais qu’on va tout de même ailleurs dans l’interprétation. On a certaines réserves pour la pluie de notes dans le dernier tiers, mais cela reste une proposition intéressante de sa part. World Map – Forlorn est une pièce que les joueurs ont certainement entendu très souvent. La reprise est sobre, mais il reste important de préciser que l’arrangeur s’est attaqué à une des versions moins solides du thème de la carte du monde puisqu’il savait certainement qu’il ne pouvait pas faire le poids contre une version avec des chœurs et des arrangements plus touffus!
Avec Gestral Village – Gestral Market, on a droit à une version relativement épurée de cette pièce ludique. Cela se défend évidemment très bien, même si on doit dire qu’il existe des pièces beaucoup plus émotives à reprendre dans cette bande sonore, comme Visages – Nocturne pour un Masque de Joie, une pièce déjà au piano qui a été quelque peu bonifiée ici. La version originale de Ancient Sanctuary – Lake sonne exactement comme une toune de JRPG, alors l’interprétation au piano de Delldongo reflète bien sûr cela. On est toutefois surpris par son initiative de plus que doubler sa longueur pour y ajouter sa touche, qui rend la pièce plus intéressante sans devenir une incontournable. On apprécie toutefois beaucoup Lumière’s Opera – Un Air de Famille, une pièce simple et efficace.
Renoir part d’une pièce vocale, mais le pianiste parvient à livrer sa propre version, plutôt convaincante, alors que Verso transforme une pièce au piano en une autre pièce au piano. Notons que cette interprétation nous fait immanquablement penser à une pièce de Final Fantasy IX! S’ensuit une version sobre d’Atelier de Clea – Mains Subtiles, enlevant une dose de magie au passage (ce qui est toujours un risque lorsqu’on tombe sur des arrangements limités à un instrument!). Sirène – Robe de Nuit est toutefois très bien amenée même si on change drastiquement de l’ambiance portée par la flûte! Quant à We Lost, on a droit à une reprise d’une des pièces les plus intenses de la bande sonore, un défi immense que s’est donné le pianiste, qui nous laisse malheureusement tiède, ce qui est encore plus tragique puisqu’elle dure 8 minutes! Il y a de ces pièces qu’il vaut mieux ne pas essayer de toucher.
On part d’une pièce très atmosphérique sur Stone Wave Cliffs – Sandfall pour une version plutôt sombre de la part de Delldongo. S’ensuit une pièce de combat, Spring Meadows – Get Up! For Lumière!, qui perd très (très très) malheureusement de son mordant original! Et on se risque à nouveau à s’attaquer avec un gros morceau avec Une vie à rêver, cette fois une piste de 11 minutes, sans l’aide des chœurs qui ajoutent franchement du poids à l’originale. Ceci étant dit, si on avait à résumer l’album en une piste, ce serait probablement celle-ci. Le dernier mot de l’opus revient toutefois à The Curator, ironiquement une piste mystérieuse mais très courte à l’origine, pour être ainsi allongée pour cette version plutôt lourde (surtout au début) et sombre. La version peine toutefois à nous toucher autant qu’on voudrait et on sent qu’il aurait été plus judicieux de conclure sur Une vie à rêver à la place puisqu’elle fait un meilleur wrap-up de l’expérience.
Les albums de reprises au piano servent bien souvent à faire plaisir aux fans inconditionnels qui veulent trouver de nouvelles façons d’écouter leurs pièces préférées, avec un nouvel enrobage, en plus de permettre aux musiciens amateurs de jeux d’avoir accès à des idées pour jouer au piano leurs tounes préférées. En ce sens, Clair Obscur : Expedition 33 – En blanc et noir ne fait pas vraiment exception et contient quelques très beaux moments. Il reste 2 défauts principaux, pour lesquels Delldongo n’est pas responsable : la bande sonore originale offre une richesse dans les arrangements qui rend difficile de facilement leur rendre justice avec seulement un piano, peu importe le niveau d’ingéniosité de l’arrangeur, et comme plusieurs JRPG, la musique d’Expedition 33 reprend souvent les mêmes thèmes à différentes sauces, faisant en sorte qu’on entend immédiatement les redondances lorsque les mélodies sont jouées au piano par la suite. Cela reste un exercice très réussi, mais c’est extrêmement difficile de détrôner la grande majorité des créations de Lorien Testard!
PS : On s’excuse de la longueur de cette critique, mais imaginez la longueur que fera immanquablement celle d’une bande sonore de 7 heures!
Cette sortie est notamment accessible sur Bandcamp.
À écouter : Lumière – Lumière à l’Aube, Firecamp – Sciel, Sirène – Robe de Nuit
7,7/10
Par Olivier Dénommée
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