Le buffet – Hugo Blouin

Sorti le 5 décembre 2025

Depuis plusieurs années déjà, le nom du contrebassiste Hugo Blouin est associé à des projets hors norme de jazz basé sur des citations souvent extravagantes (on se souviendra de Charbonneau ou les valeurs à’ bonne place transformant en musique des enregistrements de la commission Charbonneau!), et il reste fidèle à sa réputation avec son 4e album de chansons originales, Le buffet, où il repique les paroles de ses proches qui parlent de bouffe, d’art, de souvenirs et du quotidien. Ainsi, après 2 albums au thème plus politique et un sur le hockey (Sport national), sport sur lequel tout le monde a son opinion, il se lance dans une approche plus «intimiste» en faisant parler son propre monde, mais sans perdre de son mordant.

Quand il se lance dans ses projets fous, Blouin n’est jamais seul et il a avec lui plusieurs musiciens talentueux qui donnent vie à sa vision. On n’est pas du genre à faire trop de namedropping, mais quand tu as John Hollenbeck à la batterie, Marianne Trudel au piano et Aurélien Tomasi aux vents (sax, clarinette basse, flûte) dans ton projet, tu sais que tu pars sur de très bonnes bases! Mention aussi à celles qui donnent leur voix à la cause : Eugénie Jobin pour la quasi-totalité de l’opus, et Marion Rampal pour la dernière piste.

Notre écoute débute en force sur Soupe pragmatique. L’introduction passionnée met bien la table (!) au jazz syncopé que la chanson nous propose. Dur de dire ce qui nous marque le plus entre les mélodies surprenantes de la chanteuse ou le groove indéniable d’Aurélien Tomasi, mais ça fonctionne! Marianne Trudel a aussi son moment pour briller dans une longue improvisation, nous rappelant que cela reste du jazz ici! Un solo légèrement écourté n’aurait toutefois pas fait mal, comme l’attrait principal du projet est d’entendre les textes.

Le début de La patate au sucre causera des sourires, garanti : «C’tait pas pire, c’tait pas pire, c’était pas euh… étonnamment, euh, dégeulasse», chanté avec juste assez d’incertitude pour recréer ce qu’on devine être le commentaire original. Le reste de la chanson alterne entre segments tendus et d’autres plus discrets, donnant une dynamique assez intéressante. Mention à Blouin qui se permet de chanter un bref moment pendant son solo de contrebasse! S’ensuit Plantée de chemin, une histoire surprenante de mauvais sens de l’orientation sur un jazz en montagnes russes. On se doit de soulever un problème technique dans certaines versions de la chanson : on a constaté que sur des plateformes telles que Spotify et YouTube, la chanson fait un saut dans le temps évident à 3min15. Et, la fin est aussi répétée, à partir de 3min53 – c’est plus subtil cette fois, mais quand on s’en rend compte, on ne peut plus ne plus l’entendre! C’est heureusement rare qu’on voit passer ce genre d’erreurs, et on espère que la bonne version sera uploadée très rapidement à la suite de cette critique pour que le public puisse écouter ce qu’Hugo Blouin et sa troupe avaient véritablement en tête et non une version déformée!

On a droit à une Après tu manges plutôt feutrée et très bien ficelée, avant de revenir à un jazz plus nerveux avec Un art du temps. On retient davantage le propos savoureux de La sauce, une des chansons aux textes qui nous restent le plus facilement en tête, avec en prime une musique inspirée pour l’accompagner. Pain-beurre-chocolat reste dans le registre feutré, qui s’écoute presque aussi bien. On sourit ensuite le temps de la très ludique Du jazz sérieux, que l’on conseille vivement d’écouter au moins une fois! La percussive Le baril géant est probablement la chanson le plus intense que vous entendrez au sujet de la fermeture d’un PFK, notamment avec la forte présence d’un violon dans la piste. Enfin, l’exercice se conclut sur Un camion pizza, morceau très lent relatant les souvenirs de pizza (et des camions les vendant un peu partout) de la chanteuse Marion Rempal. De faire appel à une chanteuse française donne un certain prestige supplémentaire au projet, mais on sent qu’il n’en avait même pas besoin pour atteindre sa cible!

L’album Le buffet nous confirme hors de tout doute qu’Hugo Blouin sait ce qu’il fait avec son jazz déjanté et que ses premiers albums n’étaient pas que des coups de chance de par leur côté hautement médiatisé. Cela reste évidemment un projet niché, mais même si vous vivez sous une roche depuis 20 ans, vous ne pourrez pas rester complètement indifférent face à certaines des chansons relatant des recettes de façon passionnée. Une autre sortie audacieuse qu’on conseille quand vous avez envie d’essayer quelque chose de plus champ gauche pour vous changer les idées… vous peut-être vous ouvrir l’appétit!

À écouter : La patate au sucre, Après tu manges, La sauce

7,8/10

Par Olivier Dénommée


En savoir plus sur Critique de salon

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.