Contempler l’abîme – Vulgaires Machins

Sorti le 14 novembre 2025

Depuis 30 ans, le groupe Vulgaires Machins fait partie du paysage québécois, produisant un punk dénonciateur des (nombreux) ratés de notre société. Depuis la sortie de son précédent album en 2022, il s’est visiblement passé assez de choses pour forcer le groupe à revenir avec un 9e album, Contempler l’abîme, qui a pour grand thème récurrent la «fin» de bien des choses.

La première piste, Terminé le fun, est même assez explicite à ce sujet! Son début lent est déjà efficace avant de passer au punk plus énergique et il est dommage de constater que la partie la moins forte est possiblement le refrain, qui aurait dû être le moment fort de la piste! La fin nous laisse sur un enregistrement qui critique la «crise du consumérisme», un thème récurrent dans la musique des Vulgaires Machines. La suivante, Om mani padme hum reprend le même thème, avec une efficacité chirurgicale. La formule «La fin des X et la fin des Y» est toute simple, mais elle rentre franchement au poste. C’est, pour nous, aisément la chanson la plus mémorable de tout l’album.

Si Guillaume Beauregard demeure la voix principale du groupe, Travail à la chaîne laisse davantage la place à celle de Marie-Eve Roy, qui apporte toujours sa touche distinctive, presque rêveuse, à l’interprétation. On passe ensuite à 3 voix le temps de L’effondrement qui vient, puisqu’on a aussi droit à celle de la rappeuse Jenny Salgado qui ajoute son talent à celui du groupe. Sa partie n’est toutefois pas la plus intéressante de la chanson et on retient pas mal plus l’efficacité du refrain. La suivante, On continue, transpire d’actualité, avec tout ce qui ne va pas bien ces dernières années, tout en arrivant à la conclusion qu’il ne faut pas lâcher.

Après l’interlude instrumental Encore du soleil pour quelques heures, on se laisse facilement porter par l’efficacité de Tout recommence, dirigé avec finesse par Marie-Eve Roy. Avalanche est à peu près aussi efficace, misant surtout dans l’efficacité de son refrain. Dans Il faut se jeter à l’eau, on croirait entendre Roy en solo, alors qu’on a droit à une chanson plus lente et presque aérienne. Si Libérer la foudre ramène la voix de Guillaume Beauregard, la chanson demeure dans le registre plus émotif. Les arrangements presque classiques de la dernière minute sont même assez surprenants, surtout quand on doit rappeler que c’est un album de punk qu’on est sensé écouter! La transition se fait assez subtilement avec Faire sécession qui revient au «vrai» rythme punk-rock, avant de faire une autre transition pour Me croire seul à me croire inutile. Il s’agit par ailleurs de la conclusion de l’album, résumant un peu trop bien le sentiment de ce qu’on ressentir après avoir déprimé pendant la totalité de l’opus.

On n’écoute certainement pas autant la musique des Vulgaires Machins que ce qu’on devrait quand on a envie d’un punk lucide qui nous donne un petit coup de poing en pleine gueule pour nous rappeler que le statu quo, ce n’est pas l’idée du siècle. Contempler l’abîme nous colle le nez dans tout ce qui est révoltant depuis les dernières années, et c’est malgré tout fait avec intelligence de la part du groupe. Voilà un parfait album pour exorciser l’année qu’on vient de passer, en espérant que 2026 soit un peu plus clément avec nous. C’est bien notre seule consolation de voir le monde mal aller : ça veut dire que les Vulgaires Machins n’auront pas le choix de revenir plus tôt que tard avec de la nouvelle musique…

Cet album est notamment accessible sur Bandcamp.

À écouter : Om mani padme hum, Tout recommence, Me croire seul à me croire inutile

8,2/10

Par Olivier Dénommée


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