Azimut[h] – Trio Richard-Lipsky-Herskowitz

azimut_h_pochette_AlbumSorti le 24 mars 2015

Le jazz, c’est classique! Ou pas…

Le trio Richard-Lipsky-Herskowitz a lancé le 24 mars dernier un album bien particulier intitulé Azimut[h]. Composé du flûtiste québécois François Richard, du violoniste allemand Helmut Lipsky et du pianiste américain Matt Herskowitz, le trio présente une idée originale, celle de faire le pont entre les musiques classique et jazz. À l’aide de leurs instruments classiques et accompagnés sur cinq des dix pièces par un quatuor à cordes, ils présentent des compositions assez différentes les unes des autres, les trois hommes s’étant partagé des compositions qu’ils avaient déjà faites individuellement.

L’idée est très bonne, mais le résultat n’est pas exactement celui espéré. Il faut avouer que le talent musical du trio, que ce soit pour l’écriture ou l’improvisation, n’est pas à défendre. Mais l’ensemble est somme étrange, voire chaotique, parfois agressant. Les solos de flûte de Richard sont souvent tellement forts (et aigus!) dans le mix que l’oreille n’apprécie pas la qualité de l’impro. L’accompagnement du quatuor à cordes dans plusieurs pièces, dont Polonaise Libanaise, Latingo et Romance et mystère, permet d’ajouter un peu de profondeur à cette musique pour le moins éclectique.

L’aspect jazz est surtout exploité dans l’improvisation, car les instruments et les thèmes ramènent immanquablement l’auditeur à la musique classique. On retrouve même dans l’album une pièce de Bach, Prélude en mi majeur de la Partita no 3, réinterprétée et truffée de solos. Les ballades Romance et mystère et Bella’s Lament sont les seules pièces qui incorporent vraiment les mondes classique et jazz, surtout grâce au piano. La pièce Latingo vaut aussi le détour avec son thème accrocheur et rythmé, allant chercher l’influence latine présente dans le jazz.

La Polonaise Libanaise est intéressante aussi, bien que beaucoup trop longue avec un interminable solo de chacun des musiciens, aux limites de la masturbation intellectuelle. Sur le même thème, le morceau Dense & céleste pousse trop loin les dissonances et repoussera l’auditoire non averti. Trois parties instrumentales complètement différentes sont forcées dans l’oreille et le résultat est indigeste.

En tentant de joindre le classique et le jazz, cet album ambitieux faillira très probablement à séduire les amateurs des deux genres. Ces musiciens de haut niveau se privent d’un auditoire plus large en démontrant un tour de force technique aux dépens de l’aspect musical. Comme le fromage bleu, cet album se savoure avec parcimonie, et seuls les habitués ne seront pas rebutés à la première bouchée.

À écouter : Latingo, Romance et mystère, Bella’s Lament

6,5/10

Par Philippe Lemelin


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