Ivory Tower – Chilly Gonzales

Ivory-Tower-pochetteSorti le 24 août 2010

Dire que Chilly Gonzales est un personnage, un phénomène unique, est presque un euphémisme. L’artiste qui est déjà réputé pour jouer de n’importe quel genre musical ou presque s’est même lancé dans une brève carrière cinématographique avec le film Ivory Tower, qu’il a co-écrit et dans lequel il joue un des rôles principaux. Et il signe, évidemment, la bande sonore du film, avec une vibe disco, mais en plus moderne. Un résultat surprenant, comme toujours.

On nous plonge dès le début dans une énergie qui donne envie de danser avec Knight Moves. Le piano de Chilly Gonzales nous amène après quelques dizaines de secondes vers la véritable instrumentation, un dégoulinant disco avec beaucoup de synthés, mais un hook tout aussi fort que les grands classiques de cette époque. Même si une chanteuse se fait entendre sur l’enregistrement, elle ne participe qu’à l’accompagnement, apportant une touche plus organisme à ce premier morceau très synthétique, quoique réussi.

Cette énergie se poursuit avec l’étrange pièce suivante, où on entend Gonzales réciter quelques paroles, en apparence sans queue ni tête. «I’m a dog shit ashtray / I’m a shrugging mustache, wearing a Speedo tuxedo / I’m a movie with no plot, written in the backseat of a piss-powered taxi», etc. Après quelques autres lignes aussi saugrenues, il conclut sa partie parlée : «Who am I? / I am Europe». Ah, justement c’était le titre de la chanson! Cela enlève un peu de mystère, du coup.

Mais Gonzales ne fait pas que dans le disco crasse : il se lance aussi dans des pièces plus lyriques, comme Bittersuite. Malheureusement, celle-ci passera plutôt inaperçue. On aura plutôt droit, juste après, à un thème intense comme un générique de feuilleton policier des années 70 avec Smothered Mate. La compo transpire les moustaches et le café du Dunkin Donuts! Par contre, 6 minutes, c’était peut-être un petit peu trop long pour celle-ci.

Petit retour à l’ère «rap» de Chilly Gonzales, avec The Grudge. Des couplets passifs-agressifs, et un refrain très pop, voilà qui résume la chanson qui devrait arracher quelques sourires au passage. La vedette de Rococo Chanel est le son de clavecin, très présent. Malgré une partie avec harmonies vocales, ceci est quand même un autre titre qui s’oubliera relativement rapidement.

Au contraire, Never Stop sera certainement la plus connue de l’opus. Apple a utilisé cette compo de Gonzales pour promouvoir son iPad, ce qui fait que des millions de personnes ont entendu ad nauseam une partie de la chanson, somme toute simple, et, ironiquement, loin d’être aussi accrocheuse que d’autres morceaux d’Ivory Tower.

Après l’étrange Pixel Paxil (un mélange entre la musique bizarre de Phylactère Cola et celle de Star Trek), on retourne enfin à la musique disco avec You Can Dance. Jamais on n’avait pensé qu’on pourrait s’en ennuyer à ce point en si peu de temps! C’est que tous les ingrédients du succès sont là, et cette chanson inclut aussi une ligne vocale sommaire et terriblement facile à retenir. Et le clip, si vous y jetez un œil, est terriblement d’actualité, offrant une certaine parodie de ce qui se fait réellement dans la musique pop. Cela date de 2010, mais ce n’est pas moins applicable pour aujourd’hui, au contraire!

Crying, juste après, offre une parodie de rap assez intéressante. Le début, avec une voix presque robotique, prend vite une tournure qui n’est pas sans rappeler le style d’Eminem. Mention à Final Fantasy, qui offre une musique douce et ambiante. Probablement l’«interlude» la plus accrocheuse de l’album.

Siren Song, à l’approche de la fin, était probablement un précurseur de l’album Random Access Memories de Daft Punk, avec son rythme entraînant et dansant, et l’ajout de la voix signature du duo français. La finale de l’opus est Never Stop [Chilly Gonzales Rap]. Une version où l’artiste fait des références à Michael Jackson, à ses Grammys et à son record Guinness (pour avoir joué un concert solo de 27 heures sans interruption, un an auparavant. On repassera pour la modestie!

L’album en lui-même offre une certaine diversité. Le disco est évidemment prédominant, mais pas autant que ce qu’on pourrait s’attendre. On a droit à beaucoup de musiques s’apparentant à des interludes ici, qui nous éloignent du mood central de l’opus. Cela s’explique partiellement par le fait que cet album servait aussi de bande sonore, qui ne n’aurait pas été approprié avec seulement un style musical. Certaines longueurs s’expliquent aussi du fait que la musique sert surtout à l’ambiance dans le film. Sinon, on a droit à un album léger, amusant, qui ne surprendra pas autant que certaines autres de ses œuvres, mais qui vaut bien une écoute si vous voulez vraiment voir toutes les facettes de l’artiste en pantoufles.

Notez que l’album Ivory Tower s’apprécie très aisément sans avoir vu le film. Il demeure intéressant de visionner ce dernier et voir comment Gonzales arrive à insérer ses compos dans ce long métrage qui contient, en passant, quelques solides lignes qui mériteraient probablement de passer à l’histoire.

À écouter : Knight Moves, You Can Dance, Final Fantasy

7,7/10

Par Olivier Dénommée


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