
Sorti le 2 juin 2023
On avait souvenir d’un album de Viviane Audet, Les filles montagnes, qui était un opus de musique instrumentale qui avait fait grand bruit il y a quelques années et on a voulu se pencher sur l’album qui a suivi, au titre évocateur : Les nuits avancent comme des camions blindés sur les filles. On s’attend à quelque chose dans le même registre, mais l’album ne contient que trois pistes instrumentales, les autres étant des chansons, pour la plupart très engagées. On n’était pas prêt!
La musique de cet album est décrit comme étant «puissante, intimiste et féministe». Effectivement, le côté féministe de Viviane Audet n’était pas un secret, elle qui s’était laissé inspirer par la tuerie de Polytechnique pour composer les pièces de son précédent album. Le côté intimiste de traduit, règle générale, dans la musique, mais aussi dans certains textes. Textes qui sont aussi, à leur façon, souvent très puissants et évocateurs, mais qui ne s’apprécient pas nécessairement dans tous les moods.
La première chanson (et premier extrait) est La botanique. À travers son langage lié au thème de la botanique et une musique folk assez apaisante, on parle du sujet sensible de la violence conjugale. L’enrobage aide certainement à faire passer la pilule, mais on s’entend que le ton est donné. Peut-être un peu en réponse à cette première chanson, Viviane Audet nous propose un autre extrait (le 3e de l’album), la chanson-titre Les nuits avancent comme des camions blindés sur les filles, doté d’un refrain qui reste instantanément en tête et qui surprend par l’énergie plus agressive de la chanson, dénonçant les dangers auxquels font face les filles en particulier. Rien n’est décrit explicitement, mais on comprend très bien le message de la chanteuse, qui n’a malheureusement pas manqué de matériel pour l’inspirer dans l’actualité. Musicalement, la chanson fait tache à travers un album assez doux, mais difficile d’être plus au cœur du thème féministe avec cette chanson.
La pièce instrumentale Anthèse No. 1 arrive ensuite à point. Le deuxième single de l’album nous ramène à son jeu pianistique, où elle éveille des émotions simplement avec ses mains. Le titre fait référence à la floraison, mais l’artiste arrive à la lier à la maternité. Si vous en doutiez encore, la femme est bel et bien au cœur de cet album. Une fois qu’on a repris nos forces, on peut poursuivre l’écoute avec Les louves, qui mêle une musique assez douce avec des éléments plus chargés et tendus. Cela donne un mélange assez intéressant. S’ensuit l’éthérée Sibylline, loin d’être inintéressante, mais qui ne punche pas comme le ferait du Ghostly Kisses par exemple.
Après Anthèse No. 2 (on commence à voir un petit pattern ici!) instrumentale avec de la harpe en appui au piano, on s’attaque à Sambal Oelek. On a appris que le titre était un nom de sauce forte, mais on peine un peu à voir le lien. Malgré cette confusion, la chanson est aisément parmi les mieux dosées de l’album, avec des mélodies efficaces et une musique juste assez entraînante tout en gardant un côté feutré. C’est un équilibre fragile, mais Viviane Audet et ses musiciens le font très bien ici.
Malheureusement, le résultat nous semble plus mitigé dans la suivante, Tu peux tomber (4e single de l’album). Musicalement, c’est très émotif et les textes sont très intimistes, traitant notamment de dépression et de suicide avec des mots justes. Mais les mélodies sont quelque peu inégales, ce qui gâche un peu notre expérience. Parfois, ça n’en prend pas beaucoup! Cette chanson émotive est suivie d’Anthèse No. 3, la troisième et dernière pièce sans paroles de l’album. Cela nous guide tout doucement à la finale de l’album, la nostalgique Mer grand, qui offre un petit jeu de mots dans le titre, mais qui traite clairement d’une personne chère à la chanteuse, vraisemblablement une grand-maman. Une fois de plus, les textes visent dans le mille, et sont appuyés par une voix berçante et des instruments aussi très doux. On termine notre écoute dans un cocon et on ne s’en plaint pas trop.
On le rappelle, on s’attendait en démarrant l’album avoir droit à quelque chose d’instrumental, qui allait évoquer des émotions, mais pas les exprimer aussi clairement que ce qui est proposé par les différentes chansons. Une fois qu’on se fait à l’idée, on peut apprécier le propos toujours pertinent de la chanteuse d’un côté et la musique souvent bien amenée de l’autre. Même si l’album est relativement bref (à peine 31 minutes), il est assez dense et chaque moment de repos, représenté par la série «Anthèse», est bienvenu. Comme dans la plupart des albums, certaines chansons sont plus solides que d’autres, mais dans l’ensemble, on a un album fort, qui offre une musique qui fait du bien et des textes qui portent à réflexion.
L’album est notamment disponible sur Bandcamp.
À écouter : Anthèse No. 1, Sambal Oelek, Mer grand
7,9/10
Par Olivier Dénommée
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