À pas de loup, Quiet Sounds for a Loud World – Marianne Trudel

Sorti le 2 octobre 2023

On aime suivre l’évolution de la musique de la pianiste Marianne Trudel, mais cette dernière est trop prolifique pour arriver à garder le tempo. On a néanmoins voulu prêter l’oreille à son dernier album solo, poétiquement intitulé À pas de loup, Quiet Sounds for a Loud World, où elle joue l’ensemble des instruments.

Sur la page Bandcamp de l’album, la seule description qu’on peut y lire est un bref poème écrit en anglais, puis en français, qui semble faire l’éloge de la lenteur, de la douceur, du silence… On s’attend donc à un album lent et introspectif de la part de la jazzwoman chevronnée. Et c’est bel et bien ce qu’elle nous offre avec Des sons pour le dire, pièce minimaliste un peu sombre ouvrant l’album de 43 minutes. L’album ne met toutefois pas que le piano de l’avant et l’harmonium prend la place dans Profondeurs, lui donnant un air plus solennel, presque religieux, qui lui va plutôt bien.

On change ensuite de direction avec Le ciel, la nuit, qui propose ce qui semble être une imitation des bruits d’insectes que l’on peut entendre la nuit, sons que l’on entend tout le long de la courte pièce. L’idée n’est pas inintéressante sur papier, mais nous ne sommes pas convaincu de son effet réel dans l’album, à part faire paraître encore plus agréable les suivantes, la jolie pièce de piano Les vagues, juste assez berçante sans tomber dans la facilité, et Prière, parvenant à être plus active sans sacrifier son côté feutré.

Les bongos font leur apparition dans Chrysalide. Ils créent un effet quelque peu stressant et limite irritant tout le long de la pièce autrement contemplative (l’harmonium est l’instrument principal ici, ce qui le rapproche un peu de l’énergie de Profondeurs), qui semble durer une éternité même si elle ne fait pas 6 minutes. On accueille donc avec bonheur Le ciel, à l’aube, un bref morceau de piano jazz qu’on pourrait aisément écouter au coin du feu. La prochaine, Quiet Sounds for a Loud World, est aussi courte, mais qui nous ramène à quelque chose de quasiment identique à Des sons pour le dire. On se demande pourquoi elle a tenu à inclure deux pièces aussi similaires dans ce même album, d’autant plus qu’elles ne sont pas les plus mémorables du lot non plus.

Après l’encore plus brève Lumière et reflets (on n’a même pas le temps d’apprivoiser ce qu’on entend qu’elle s’achève déjà en moins d’une minute), on a droit à la plus longue de l’album, De temps et d’espace. Sans grande surprise, c’est un morceau extrêmement lent, propice à la réflexion. Il n’y a toutefois que peu de surprises pour aider la pièce à se démarquer, à part de subtils coups de cymbale vers la moitié et une fin légèrement plus occupée mélodiquement. Mais à 8min46, on comprend que Marianne Trudel voulait nous proposer une expérience introspective, ce qui remplit bien son mandat. Enfin, Le réel qui nous unit conclut l’album avec quelque chose de minimaliste, où on n’entend qu’une mélodie pendant la première moitié de la pièce. La deuxième partie est heureusement plus facile à suivre, permettant de finir sur une note plus stable.

Rappelons que c’est Marianne Trudel qui est derrière tous les instruments entendus dans À pas de loup, Quiet Sounds for a Loud World. Elle note qu’elle est à la fois compositrice et improvisatrice, nous permettant de comprendre que plusieurs segments changeront peut-être drastiquement d’une interprétation à l’autre. Mais pour ce qui est de l’album, il contient un peu de tout, des pièces tantôt très inspirées, tantôt plus difficiles d’approche, ce qui nous laisse des sentiments partagés quant à la direction qu’a pris cet album. On préfère naturellement son talent de mélodiste, qui est facilement audible dans plusieurs pistes, mais elle n’a pas voulu se limiter à cette simplicité, même si cela rend automatiquement son album moins accessible au grand public. On aimerait quand même bien entendre ces mêmes pièces en version live un de ces jours, pour voir la direction qu’elle prendrait en dehors d’un contexte de studio.

La musique de Marianne Trudel peut notamment être entendue sur sa page Bandcamp.

À écouter : Profondeurs, Les vagues, Prière

7,4/10

Par Olivier Dénommée