
Sorti le 21 novembre 2023
À l’automne 2023 est paru le jeu vidéo Cuisineer, mêlant des éléments roguelike et la gestion d’un restaurant. Non, Critique de salon n’a pas changé de vocation, mais on explique simplement l’énergie particulière de ce jeu en apparence très cozy qui permet tantôt de relaxer, tantôt de serrer les dents en s’accrochant à la vie de son personnage. La musique, composée par Yishan Mai (aussi connu sous le nom Catboss) de Singapour, reflète très bien cette dualité dans les ambiances à travers une bande sonore d’une trentaine de titres.
On ne connaissait pas le compositeur avant de s’attarder à ce jeu, mais en consultant sa discographie, on peut constater qu’il a une certaine expérience en arrangement de musique de jeux. On devine alors qu’il sait se laisser inspirer par ce qui se fait de mieux dans l’industrie, alors que la musique de Cuisineer rappelle de nombreux autres jeux pour différentes raisons.
Mais, commençons par le début : Let’s Eat! (Main Theme) est la première chose qu’on peut entendre dans le jeu, une pièce ludique avec un soupçon d’aventure. Les nuances sont nombreuses et si les énergies changent un peu vite, elles servent à donner un petit avant-goût de ce qui attend les joueurs/auditeurs. Par la suite, on a droit à droit à un peu de mystère avec Homeward Bound (Green Ruins, Tutorial), qui est en fait une version épurée d’un morceau qui suivra plus tard. Notons que le contexte où est joué chaque pièce est écrit entre parenthèse dans le titre, donc on n’a pas trop à se demander ce que représente chaque morceau dans son contexte!
Une bonne portion du début de la bande sonore est consacrée à ville de Paell, le lieu central du jeu, et ses habitants. On a par exemple droit à My Best Friend (Biscotti’s Theme), un touchant morceau au piano que l’on n’entendra toutefois que trop rarement, ou encore la légère Now We’re Cooking! (Restaurant Open), une des pièces que l’on va entendre le plus souvent dans le jeu puisqu’elle joue lorsque le restaurant est en fonction, soit près de la moitié du jeu. La ville de Paell a droit à 3 thèmes différents selon le moment de la journée : Sunny Side Up (Paell, Morning), Midday Munchies (Paell, Afternoon) et Nightcap (Paell, Night). Les 3 ont des énergies très différentes, le matin assez mollo, l’après-midi énergique et le soir feutré. La qualité des thèmes nous fait penser aux jeux tels que Stardew Valley ou encore Kakarico Village dans les différents jeux de la série The Legend of Zelda : il y a quelque chose d’invitant et de rassurant dans leur énergie.
Visitons le premier donjon avec Forest Foraging (Green Ruins, Exploration). L’accompagnement a quelque chose de familier pour l’avoir entendu plus tôt, mais on va assez vite ailleurs vers quelque chose de plus chargé, sans être trop intense non plus. À ce stade du jeu, on donne des coups de spatule à des poules et des petits piments forts qui crachent du feu après tout, alors la musique plutôt jazzy respecte plutôt bien cette réalité. Par contre, on est ailleurs avec Bitter Greens (Green Ruins, Arena), la première pièce corsée de la bande sonore. C’est tendu et percussif à souhait et c’est à sa place car c’est un endroit qui teste vraiment le talent du joueur, surtout la première fois qu’il se retrouve coincé dans une grande pièce avec des hordes d’ennemis. On va même encore plus loin avec Wild Rocket (Green Ruins, Boss), qui reprend ce dernier thème, mais en crinquant le tout à 11. Cette version nous fait d’ailleurs énormément penser au style de Motoi Sakuraba, qui a notamment signé la bande sonore épique de Valkyrie Profile. Ce style reviendra d’ailleurs à plusieurs passages, surtout lorsque la musique de boss est impliquée.
En plus des Green Ruins, 3 autres donjons existent dans le jeu, chacune avec son ambiance qui lui est propre. On a droit à des grottes volcaniques où le rock et les sonorités électroniques sont plus présentes (la toune de boss Carolina Reaper (Mala Caverns, Boss) reste de loin notre préférée du lot), l’ambiance vaguement mystérieuse d’un donjon glacé (des claviers qui gagnent toutefois très vite en intensité dans le cas de Crushed Ice (Frozen Fjord, Arena) et Freezer Burn (Frozen Fjord, Boss)) et enfin le groove du marécage (Sugar and Spice (Konpeito Swamps, Exploration) mise beaucoup sur la guitare acoustique, mais on est à un autre niveau quand on arrive à Jawbreaker (Konpeito Swamps, Boss)).
Au moment d’écrire ces lignes, on n’est pas encore tout à fait rendu là dans le jeu, mais apparemment il existe une autre étape après les donjons avec une compétition culinaire. À en écouter les thèmes, on s’attend à quelque chose d’assez intense : Cast Iron Chefs (Cooking Arena) est beaucoup plus chargé et épique que Now We’re Cooking! (Restaurant Open), disons! Et que dire que Family Business (Final Boss)! Certains jeux mettent une musique de cette intensité lorsqu’on est en train de se battre contre un dieu ou presque, alors on s’entend que ça frappe fort! Le simple fait d’entendre cette pièce donne envie de jouer pour découvrir ce qui mérite un tel thème; c’est signe de son efficacité.
Dur de résumer toutes les influences qu’on a cru entendre à travers la bande sonore, mais à part Stardew Valley et Valkyrie Profile que l’on a déjà mentionné, on sent le côté ludique de jeux comme Super Mario RPG dans plusieurs pistes. Il y a quelque chose de nostalgique d’écouter cette bande sonore, même si elle a été enregistrée en 2023 et passer du temps en ville fait simplement du bien à l’âme grâce à l’ambiance qui l’accompagne. Quant aux donjons, leur intensité va graduellement en augmentant, ce qui correspond plutôt bien à la courbe d’apprentissage du volet roguelike. En ce sens aussi, c’est donc une belle réussite.
Bon, comme dans toute bande sonore, il y a des pistes moins intéressantes que d’autres, mais celles-ci se fondent très bien dans le jeu quand elles passent : c’est seulement lorsqu’on écoute l’album qu’elles sautent aux oreilles. Heureusement les pièces sont généralement très brèves, alors on n’a pas trop le temps de s’inquiéter des maillons faibles. Cette musique n’est certainement pas faite pour toutes les occasions en dehors de Cuisineer lui-même, mais on a quand même bien eu du plaisir à écouter les pièces pendant nos déplacements, alors rien n’est impossible quand le mood est bon!
Cette bande sonore est notamment disponible sur Bandcamp.
À écouter : My Best Friend (Biscotti’s Theme), Carolina Reaper (Mala Caverns, Boss), Family Business (Final Boss)
7,8/10
Par Olivier Dénommée
En savoir plus sur Critique de salon
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.