
Sorti le 28 mai 2021
Un certain temps avant d’entamer notre série de critiques pour les trois premiers albums d’Elliot Maginot, on avait prêté l’oreille à Easy Morning, qui est, au moment d’écrire ces lignes, encore son plus récent. À ce moment-là, on l’avait trouvé juste un peu trop smooth par rapport aux meilleures chansons de Comrades, dont on a tout de suite adoré plusieurs chansons. Après avoir laissé passer un peu de temps et critiqué ses autres albums dans l’ordre, on écoute ce Easy Morning avec une nouvelle oreille.
Il faut dire que pour un gars originaire de Saint-Hyacinthe, Maginot a beaucoup aimé s’entourer de percussions aux sonorités africaines sur ce troisième album. Élage Diouf (qu’on connaît tous de Les Colocs, mais qui n’a jamais cessé d’être actif par la suite) est d’ailleurs de la partie. Ce changement de son par rapport à Comrades a probablement été ce qui a pris le plus de temps pour s’habituer dans notre cas, car pour le reste, les chansons sont règle générale très solides et bien ficelées.
Emilio (Any Day Now) ouvre l’opus et on comprend tout de suite le côté percussif mais feutré simultanément (on en oubliait que c’était possible d’avoir les deux!) que nous propose Elliot Maginot. Le dosage est parfait à ce point. Même si on laisse beaucoup de place aux percussions, le chanteur livre une mélodie toute simple qui s’intègre parfaitement dans l’ensemble. La dernière minute de la chanson nous sert à apprécier son build-up où tous les instruments mettent de côté leur retenue pour se laisser aller.
Le premier extrait Holy Father vient ensuite. On y reconnaît la signature d’Elliot Maginot, qui bâtit lentement son ambiance pendant une quarantaine de secondes avant de se faire entendre, mais c’est seulement à partir de 1min35 que les choses deviennent sérieuses. Les cordes, les cuivres, les percussions, tout ajoute de l’intensité à la mélodie du chanteur. Le crescendo est long et subtil, mais il est particulièrement efficace et on s’en rend plus que jamais compte vers la fin de la chanson. C’est un peu mélangeant dans les titres, mais la suivante est Holy Water (quand on donne tout dans la musique, peut-être nous reste-t-il moins d’inspiration pour les titres?). Le ton est toutefois beaucoup plus folk est feutré, qui ne fait pas de tort avec des morceaux plus chargés.
Cette pause est doublement bienvenue parce que la suivante, Dead Church, est une des chansons les plus efficaces de l’album. On y entend une musique accrocheuse et très percussive. Le refrain à lui seul suffit pour nous séduire de par son efficacité, mais le reste de l’enrobage ne fait qu’ajouter à la magie. On en oublie que l’album a été écrit et enregistré en contexte pandémique tellement le soleil semble s’échapper de cette musique (la flûte et les percussions africaines ajoutent beaucoup à cet effet). Dead Men Walking reprend presque la même énergie avec succès, en misant un peu plus sur les cordes cette fois.
Ce n’est que dans True Love Might Not Find You in the End que l’on revient vers un folk plus classique, avec une formule guitare-voix à l’avant-plan, sans beaucoup plus de fla-fla (à part des petites voix et des gens qui ont du fun ajoutées ici et là à travers la toune, mais nous y reviendrons plus loin). La bonne nouvelle est qu’Elliot Maginot se défend aussi bien dans ce registre, nous prouvant que ses chansons aux arrangements plus surprenants ne servent pas à camoufler la faiblesse des compositions.
Maginot inclut aussi un interlude, While You Were Feeling the Water, brève pièce instrumentale qui précède la chanson-titre Easy Morning, sans véritablement ajouter quelque chose à la proposition. Quant à Easy Morning, on y va d’un morceau lent, plus atmosphérique que les autres, du moins au début. La vedette est partagée ici entre les couplets où le chanteur prend le dessus avec sa douce mélodie et les segments instrumentaux où c’est la guitare qui se gâte. La chanson devient aussi de plus en plus chargée et intense au fur qu’elle avance, donnant un résultat très réussi, qui aurait peut-être juste gagné à être légèrement raccourci comme la dernière minute est un peu moins forte que le reste. Et on garde la plus longue de l’opus en conclusion : You Are Free. On ne sait pas trop comment le dire plus poliment, mais on aurait simplement coupé cette chanson de l’album. La chanson n’est pas épouvantable, mais elle n’a pas la force des autres, malgré des bons passages mélodiques. Ce qui dérange le plus est que la chanson semble s’arrêter après 2 minutes pour reprendre dans une autre énergie quelques secondes plus tard, et que la toute fin de la chanson aurait pu être aisément raccourcie de 50 secondes sans perdre quoi que ce soit. Rappelons que c’est sur quoi l’album, autrement excellent, se termine, alors on sent que la fin gâche quelque peu l’expérience.
On note quand même que l’album Easy Morning est plus bref que son précédent, allant davantage à l’essentiel, coupant certaines longueurs (mais visiblement pas toutes) qu’on avait remarquées dans sa précédente offrande. Il reste moins de passages superflus, mis à part des petits segments de quelques secondes où on entend des gens parler en arrière-plan, à la fin de quelques chansons, mais c’est tellement mineur que l’on n’a pas senti le besoin d’en parler ailleurs dans cette critique. L’exception sur ce plan est peut-être True Love Might Not Find You in the End, où on entend des bruits à plusieurs endroits, mais c’est assez discret pour ne pas miner l’expérience, même si on considère qu’il aurait pleinement pu s’en passer sans que qui que ce soit ne s’en plaigne. À part You Are Free, c’était assez contrôlé sur le plan des ajouts inutiles.
Maintenant, la question : est-ce qu’Easy Morning est meilleur que Comrades? Il faut dire que l’énergie des deux albums est assez différente. Quelques jours plus tôt, on aurait dit sans hésiter que Comrades est plus solide, de par la force de ses meilleures compositions qui restent davantage en tête. Aujourd’hui, c’est plus nuancé, car Easy Morning est un album qui gagne en qualité après chaque écoute. Il ne suscite pas de coup de foudre, du moins pas dans notre cas, mais plus on écoute les chansons comme Dead Chuch, et plus on a envie de les réécouter. Au fond, ce n’est peut-être qu’une question de mood, mais dans tous les cas, c’est un album qui vaut le détour.
Il est possible de découvrir cet album sur la page Bandcamp de l’artiste.
À écouter : Emilio (Any Day Now), Holy Father, Dead Church
8,2/10
Par Olivier Dénommée
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