Les jardins dérangés – Andréanne A. Malette

Sorti le 19 avril 2024

Andréanne A. Malette fait partie de ces artistes dont on a beaucoup vu passer le nom depuis des années et dont sa chanson la plus populaire (Fou) a pas mal circulé à la radio, mais qu’on n’a jamais eu l’occasion de vraiment écouter dans le détail. C’est avec son 4e album que l’on plonge dans sa musique, qui a eu l’audace d’être lancé le même jour que l’album The Tortured Poets Department de Taylor Swift. Au-delà du rayonnement qui n’est évidemment pas le même, attardons-nous aux chansons de Les jardins dérangés.

L’album est décrit comme lumineux, et le champ lexical près du jardin revient très régulièrement dans les textes des chansons qui sont situées dans le vaste registre folk-pop. Il arrive que quand un artiste essaie trop fort d’imposer un concept lexical à l’ensemble de ses chansons, on décroche, mais comme ici c’est bien amené et que rien ne paraît forcé, on ne commentera pas chaque fois qu’elle fera des références à la nature qui doit pousser!

Bien qu’elle soit apparemment célibataire depuis un petit moment après avoir daté plusieurs musiciens depuis qu’elle est dans la sphère publique, elle ouvre avec l’extrait L’horizon qui se veut, selon ses mots, «une lettre d’amour à celui qui s’en vient, et qui j’espère sera là longtemps». La chanson a un beau message qui demeure pour toute personne qui attend encore «la bonne personne» mais pas à tout prix, toutefois certaines mélodies sont inégales : si les refrains sont très solides, elle paraissent moins naturelles dans les couplets. Rappelons que c’est la première chose qu’on entend de l’album, alors ça commence de façon un peu off pour nous même si la chanson est loin d’est catastrophique. La suivante, Les frontières, assume le côté plus folk (voire presque country) d’Andréanne A. Malette, qui nous convainc malheureusement un peu moins que quand elle laisse place à la pop dans sa musique.

Après un début d’album mi-figue mi-raisin, l’artiste retrouve ses repères avec Le reste du temps de Francis Cabrel. D’ailleurs, on entend les mots qui sont devenu le titre de l’album dans cette chanson intemporelle. C’est risqué de reprendre une telle chanson, mais elle le fait avec un grand respect et apporte sa couleur sans la dénaturer, alors pourquoi pas? La chanson est suivi de certaines des chansons les plus inspirées de l’album, dont la très belle Au pied du grand chêne (qui aborde avec justesse le besoin de liberté dans le bonheur en couple) ou encore la magnifique chanson-titre Les jardins dérangés, qu’il est plus simple de simplement apprécier que de tenter de résumer avec des mots.

Juste pour aujourd’hui est le seul duo de l’album, mais on a des sentiments partagés envers cette chanson pourtant réussie : Antoine Lachance (qui coréalise d’ailleurs l’album) prend tellement de place que l’on a presque plus l’impression que c’est Andréanne A. Malette qui est en featuring sur une toune de Lachance que l’inverse! Par contre, on aime beaucoup le message de Vivre, invitant à profiter du moment présent sur une musique pleine de nuances.

Mention également à la pièce instrumentale Brume, qui nous sort un peu de son registre habituel, mais qui n’entre pas complètement dans la catégorie des intrus non plus. Si Andréanne A. Malette est la plus habile avec sa voix, elle réussit aussi à exprimer des émotions simplement par la musique, chose qu’elle fait plutôt bien ici avec le piano comme instrument central, même si l’énergie devient vite plus chargée et explosive. La suivante, Une maison, revient toutefois à la douceur du piano et à l’émotion de la voix feutrée de la chanteuse. Même si c’est la chanson la plus longue de tout l’album avec plus de 5 minutes et qu’elle n’offre pas des arrangements complexes, elle réussit à ne pas contenir de longueurs. Cela nous mène tout doucement à la finale de l’album, Ici et maintenant, mettant l’accent sur le moment présent, thème central de l’opus. Une chanson somme toute efficace, mais sans nécessairement se démarquer de ce qu’on a déjà entendu dans le reste de l’album.

En règle générale, on aime que un album commence et finit en force, mais Les jardins dérangés déroge quelque peu de cette logique, misant plutôt sur un milieu d’album très solide. Et même si le branding de l’album se veut plus positif, on ne peut s’empêcher de préférer celles plus sombres musicalement, alors qu’Andréanne A. Malette semble étrangement naturelle dans ce registre. Sans être un album parfait, ça demeure une sortie très intéressante, qui mérite bien quelques écoutes selon nous.

À écouter : Au pied du grand chêne, Les jardins dérangés, Vivre

7,7/10

Par Olivier Dénommée