L’Anse-Pleureuse – André Dédé Vander

Sorti le 9 mai 2024

Le nom d’André Dédé Vander est essentiellement dans le paysage québécois dès qu’il a mis les pieds ici en 1996, lui qui a participé à une multitude de projets, à commencer par Les Colocs, mais aussi dans sa musique en solo. On s’est intéressé à sa plus récente sortie, L’Anse-Pleureuse, un opus à cheval entre le EP et l’album (on parle de 7 chansons en 28 minutes seulement), nommée en l’honneur du petit village gaspésien du même nom où Vander est aujourd’hui installé.

Bonne chance à quiconque tentera de résumer le style musical d’André Dédé Vander, lui qui a touché à pratiquement tous les registres au fil des années. Dans L’Anse-Pleureuse, il s’amuse avec un folk flirtant avec le country, mais ce qui frappe dès la première écoute, c’est que la musique est souvent en arrière-plan pour laisser toute la place aux textes et, bien entendu, à sa voix particulière.

Vander n’est pas le plus grand des mélodistes et sa grosse voix chaude mais rocailleuse (qu’on qualifie affectueusement de «voix de fumeur») est un goût qu’il faut développer, alors on a eu certaines réserves à notre premier survol de cet album. Mais quelques écoutes plus tard, on apprécie davantage ses forces : le côté nonchalant et pince-sans-rire de ses textes, qui arrivent dans certains cas à faire réfléchir.

On y va ouvre l’opus de façon sympathique, invitant son interlocuteur à lui faire découvrir son propre «Magic Spot», son endroit de prédilection. S’il ne nomme pas son propre village dans la chanson (ni dans l’entièreté de l’album, sauf erreur), on comprend entre les lignes qu’il souhaite à son tour nous amener dans son petit univers. Puis, dans Mal à l’âme, on délaisse la finesse pour apprécier tout l’humour du musicien, particulièrement vers le milieu de la chanson. Et que dire que Ceux qui chantent, qui aborde avec des mots incroyablement justes (et avec humour) les raisons qui peuvent nous amener à chanter, mais qui se résume enfin en 2 lignes : «Mais pourquoi se le cacher / On chante pour l’amour». C’est au fond un hymne très réussi pour tous les chanteurs, autant ceux qui se rendent en finale de La Voix que ceux qui ne chantent que dans l’auto ou la douche.

Vander nous invite ensuite Dans ma tête, avec de multiples personnalités qui s’y cachent. Ça explique peut-être un peu le côté chaotique par moments de la chanson! S’ensuit la solennelle Pas là, appuyée par une musique douce et une caisse claire qui nous rappelle tout de suite celle du Bolero de Ravel. Le principal bémol qu’on trouve à la chanson est son côté un peu longuet, alors qu’on reste dans la même énergie sans grandes variations pendant tout près de 5 minutes. C’est beaucoup plus efficace dans On apprend à se taire, où le chanteur est plus volubile, avec un ton non loin de celui d’un conteur, mais pas sans une bonne dose de poésie.

La finale de ce bref album, Contre courant, demeure toutefois notre préférée du lot. Lente et émotive à souhait, André Dédé Vander est appuyé par une instrumentation magnifique dans sa simplicité, qui relate une réalité que certains comprendront parfaitement. Même si celle-ci dépasse la barre des 5 minutes, elle est presque trop courte à notre goût! Vraiment un très bon coup de sa part.

Écouter L’Anse-Pleureuse d’André Dédé Vander nous a forcé à écouter sa musique d’une autre façon que ce qu’on fait normalement dans le cadre de nos critiques. La musique est bonne sans être exceptionnelle (à l’exception notable de Contre courant) et les mélodies sont en général très peu mémorables, mais il y a quelque chose dans la présence, dans le ton, dans le choix des mots qui donnent leur force aux chansons. On n’écouterait pas cette musique tous les jours ni dans tous les contextes, mais elle a eu le mérite de nous faire réfléchir, souvent avec un sourire en coin, ce qui est, on l’oublie parfois, aussi un des rôles de l’art. Merci pour ça!

À écouter : Ceux qui chantent, Contre courant

7,7/10

Par Olivier Dénommée


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