
Sorti le 13 septembre 2024
Chilly Gonzales est une des personnalités musicales les plus éclatées qui nous vienne à l’esprit. À la fois pianiste de formation classique de grand talent, entertainer infatigable et rappeur allant partout où on ne l’attend pas, il nous surprend avec l’album Gonzo, où son côté irrévérencieux est crinqué à 11 dans certaines pistes et où il fait aucun prisonnier.
S’il connaît surtout le succès auprès du grand public avec sa musique instrumentale (avec plusieurs albums excellents qu’on adore toujours écouter), cela faisait donc quelques années qu’il ne s’était pas «gâté» vocalement. Il se reprend donc ici.
L’album ouvre sur la chanson-titre Gonzo, plutôt légère, mais très personnelle : pas de doute, Gonzales parle de lui-même tout le long de la chanson où il se plaît à tout faire rimer avec O pour raconter sa propre histoire avec tout l’humour et l’autodérision qu’on lui connaît. En aucun cas ce n’est un chef-d’œuvre de composition, mais sa simplicité désarmante mettant de l’avant ses textes touche parfaitement la cible. Plus rock dans son énergie, Surfing the Crowd rentre tout autant au poste et appuie bien l’énergie du chanteur. On a aussi droit à un Chilly Gonzales presque planant pour son High as a Kite (ce qui est un choix artistique bien logique!). La dernière minute de la chanson laisse aussi place à un segment instrumental très réussi.
Parlant d’instrumental, on a droit à une Fidelio entièrement instrumentale, avec des passages tantôt mystérieux, tantôt tendus, tantôt plus légers, nous rappelant un peu ce qu’il faisait dans on excellent album Chambers. De quoi nous rappeler que Chilly Gonzales est un artiste complet et qu’il se défend parfaitement dans différents registres au sein d’un même album. Juste après, il va complètement dans une autre direction avec Open the Kimono (avec Bruiser Wolf), une musique chargée avec des textes un peu plus ambigus! S’ensuit une des pistes plus punchées de l’album, Neoclassical Massacre. Un peu comme dans Gonzo, on a droit à sa propre histoire, revenant avec un regard critique sur l’étiquette néoclassique remontant jusqu’à son album Solo Piano (2004) qui a, selon lui, donné de nombreux émules depuis 20 ans – il se permet même un petit jeu de mot en parlant de Ludovico Einaudi, un des plus gros noms du registre. La critique va jusqu’à se moquer des artistes qui n’ont aucun succès à part quelques tounes de piano génériques qui se retrouvent dans des playlists Spotify. Ouch!
Après avoir frappé aussi fort, on prend un petit moment instrumental avec Cadenza, qui nous mène aussitôt à la chanson la plus intense de l’opus (et la seule avec la mention Explicite), F*CK WAGNER. Le titre veut déjà tout dire et il frappe sur le cadavre du fameux compositeur allemand pour son antisémitisme assumé de son vivant et pour pointer du doigt en même temps tous les antisémites qui ont suivi jusqu’à aujourd’hui. N’ayant pas peur de se faire des ennemis, Chilly Gonzales n’hésite pas à dire que «Kanye West is the brand new Wagner». On a appris que l’artiste a assez de suite dans les idées pour diriger une campagne pour convaincre le maire de Köln (ou Cologne), Allemagne, de changer le nom d’une rue pour enlever le nom de Richard Wagner, proposant plutôt celui de Tina Turner, qui a été résidente de la ville pendant des années.
I.C.E. nous permet d’apprécier l’allemand du rappeur, avec une chanson somme toute plus légère que ce qu’on vient d’entendre. S’ensuit Eau de Cologne, sympathique dernier morceau instrumental de l’album, puis Poem, qui est exactement un poème avec des mots qui ne veulent rien dire hors contexte sur une petite musique au piano devenant graduellement plus épique. La chanson finit abruprement après 2 minutes mais, après quelques secondes de silence, la voix de Chilly Gonzales se fait entendre pour conclure la chanson (et l’album). Ses derniers mots? «So there’s nothing left / Except / To accept / The ending».
Dur de résumer adéquatement l’album Gonzo. L’artiste tire dans toutes les directions en étant un moment très cabotin, puis agressif le morceau suivant, le tout divisé par des morceaux instrumentaux qui viennent alléger le propos. Cela donne un album d’une quarantaine de minutes à la fin duquel on ne sait pas trop comment se sentir. Règle générale, par le passé un album avait un grand thème qu’il respectait et qui donnait une direction claire, ce qui est un peu moins le cas ici. Reste que les morceaux plus légers rendent moins dramatiques les pistes plus engagées de l’opus, ce qui est loin d’être une mauvaise idée en rétrospective.
À écouter : Surfing the Crowd, High as a Kite, Neoclassical Massacre
7,3/10
Par Olivier Dénommée
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