P’tit Belliveau – P’tit Belliveau

Sorti le 26 avril 2024

P’tit Belliveau est un sympathique ovni musical que l’on a plaisir à écouter à l’occasion depuis quelques années déjà lorsqu’on n’a pas trop envie de se prendre au sérieux. Il a été très actif depuis la sortie de son album Greatest Hits Vol. 1 en 2020, et nous surprend encore avec son album homonyme, paru plus tôt en 2024.

Même la pochette donne des indices de ce qu’il nous réserve : l’album dans les teintes de rose et de mauve met au centre une grenouille, mais surtout «P’tit Belliveau» en police illisible typique des bands de black metal (bien qu’il ne soit pas associé à ce registre). Si vous trouvez que la pochette est bizarre, vous n’avez encore rien entendu!

Bon, Ej m’en fus est une entrée en matière assez légère et sympathique; le défi principal demeure de comprendre son lourd accent acadien, qui fait bien sûr partir du charme du personnage. Le passage en auto-tune ajoute au défi de comprendre les textes, alors avoir les paroles à portée de la main est toujours un bonus! Elle est suivie de Comfy, chantée en collaboration avec FouKi, que ce dernier semble teinter énormément parce que ça sonne exactement comme du FouKi, mais avec plus d’anglais. Les fans du rappeur s’y retrouveront aussitôt.

C’est après que les montagnes russes commencent : l’énergique Ring ring nous propose une musique nous rappelant beaucoup le rock des années 2000, du moins dans la première moitié. Il s’amuse avec quelque chose de plus punché par la suite avant de revenir à son énergie initiale. On a ensuite droit à P’t’être qu’il a du tequila dans la brain, morceau mollo aux accents country avec une bonne dose de yodel, bref complètement aux antipodes de la précédente piste! Feel bonne est quant à elle plus dansante avec davantage de sonorités électroniques. Mais qu’est-ce que ça donnerait si on fusionnait le country et l’électro? Ça donnerait la suivante, Gros truck, qui mélange à la perfection ces 2 univers… et même un peu plus, puisque dans la 2e moitié il bifurque du côté du gros rock, à la limite du métal. De cette chanson unique, on retient son refrain diablement efficace où on peine malgré tout à comprendre qu’il chante «Gros truck, jacké comme le fuck» à répétition.

The Frog Swamp ressemble à un interlude, mais dure au final plus de 3 minutes, livrant une toune instrumentale ludique qui nous guide vers The Secret Life of Frog, qui mélange une fois de plus différentes énergies, dont des accents country au début et une synthpop assez convaincante pour le reste de la piste. Les couplets sont corrects, mais c’est surtout dans les refrains que P’tit Belliveau brille le plus. Mais on n’a pas le temps de pousser davantage notre analyse que la chanson devient abruptement The Frog War, bref morceau métal où on ne comprend rien, mais dont les paroles valent le détour (allez lire ça!). Mais voilà qui explique en même temps la grenouille et la police d’écriture sur la pochette!

Après des chansons pleines de surprises, L’église de St. Bernard et plus sérieuse et nous paraît presque ennuyante, elle qui s’en tient à un folk assez simple avec à peu près aucun moment pour le chanteur de respirer parce qu’il défile son texte pratiquement en continu. Ce n’est pas une chanson particulièrement mémorable, mais l’exercice en soi est impressionnant! On a toutefois beaucoup plus de plaisir à écouter La 20, une reprise de la grand Édith Butler bourrée de références à ce que l’on peut rencontrer en circulant sur l’autoroute 20 (incluant 1302 nids-de-poule). On ne connaissait pas la version originale avant d’entendre celle de P’tit Belliveau, mais on doit dire qu’il se l’est très bien appropriée! La version est assez décontractée pour la majorité de la piste, mais elle explose après 2min40, sans affecter le rythme de la mélodie de P’tit Belliveau. Ça reste donc une chanson très efficace (surtout en auto!) du début à la fin. L’adrénaline redescend quelque peu pour la conclusion de l’album avec Sur l’TV, morceau beaucoup plus doux avec à la fois du banjo et des voix électroniques. Le dernier tiers laisse toutefois place à un son plus rock, pour un résultat presque épique, comme quoi il vient nous surprendre jusqu’à la dernière minute!

La musique de P’tit Belliveau a quelque chose de magique. Si on l’écoute trop au premier degré, on risque de passer un assez mauvais moment, mais dès qu’on met notre cerveau à off et qu’on se laisse simplement porter par sa proposition, il est presque impossible de rester de mauvaise humeur. Prises individuellement, ses idées ne sont pas nécessairement inédites, mais le tout est déstabilisant, mais un déstabilisant positif. Une fois de temps en temps, on aime se confronter à une musique comme celle-là!

Vous pouvez trouver cet album sur la page Bandcamp de l’artiste.

À écouter : Gros truck, La 20, Sur l’TV

7,9/10

Par Olivier Dénommée


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