Sorti le 3 mars 2023

On sort un peu de notre zone de confort en s’aventurant dans le bayou louisianais, le temps de l’écoute de l’album La prière de Jourdan Thibodeaux et de son groupe Les Rôdailleurs. On a affaire ici à une musique cajun qui rentre au poste, avec en prime un accent inimitable.

La prière est la 2^e offrande de Jourdan Thibodeaux et ses amis. Même si on n’a pas une connaissance approfondie de la musique des descendants cadiens de Louisiane, on fait vite des liens avec notre propre musique trad et, évidemment, celle du côté des Acadiens. Et thématiquement, Thibodeaux décrit son quotidien dans son langage coloré, qui fera sourire à plusieurs reprises.

Dès le début de Né dans un ouragon, on fait la connaissance de Jourdan Thibodeaux à la voix, puis aussi au violon. La proposition, très trad dans sa forme, reprend certains codes de la chanson à répondre, sans aller jusqu’au bout de l’idée. Le débit assez rapide fait en sorte que l’on peinera à saisir tout ce que Thibodeaux chante, lui dont le dialecte est assez différent de celui au Québec, mais ça donne une très bonne idée de son énergie! La suivante, Blues de bon rien, est beaucoup plus lente, ce qui permet de mieux apprécier son accent, ce qui se prend assez bien. Pu personne bifurque même du côté du country, mais c’est amené de façon très naturelle.

C2MPK42D (aucune idée de la raison pour un tel titre!) passe à un morceau un peu moins chargé (du moins dans la première moitié) et doté de plusieurs segments instrumentaux. L’idée est intéressante, mais la chanson ne vient pas nous chercher autant que d’autres pistes plus directes dans leur construction. S’ensuit One-step de Rôdailleur, qui décrit assez bien le groupe. Il est bon de noter que «rôdailleur» vient du verbe «rôdailler», lui-même une version plus poussée de «rôder». Si on a tendance à voir une connotation très négative à l’idée de rôder, ça sonne beaucoup plus sympathique en Louisiane, sachant que Jourdan Thibodeaux et son groupe ont choisi ce terme pour se décrire!

La batterie dans Équand j’étais près mourir est étrangement rock, mais le reste de la proposition reste dans le registre habituel. S’ensuit Cypress Island Stomp, où l’accordéon vole la vedette pour la majorité de la chanson! On a droit à un petit bout parlé, où on peut apprécier la richesse du registre parlé en français de la Louisiane et, pourquoi pas, sourire un peu. Jeté le verre revient à un petit blues, mais on garde pas mal plus en tête la suivante, Batailleur, doté d’un build-up très réussi et d’une énergie folk-rock irrésistible. L’album se conclut sur la chanson-titre La prière, portant très bien son nom avec son énergie presque spirituelle. Le seul vrai défaut qu’on pourrait lui trouver, c’est qu’elle arrive après Batailleur, qui aurait fait une parfaite conclusion en force pour l’album.

L’album La prière de Jourdan Thibodeaux et Les Rôdailleurs a la capacité de nous faire sentir toute la chaleur et l’humidité de la Louisiane simplement à travers nos écouteurs, ce qui n’est pas une mince affaire. Si l’album n’est pas parfait, il est parfaitement authentique, et c’est par ailleurs la marque de commerce de Thibodeaux. Avec un peu de chance, on aura l’occasion de voir de quoi ce groupe est vraiment capable en formule live; la rumeur veut qu’il soit encore plus contagieux sur scène qu’en studio, et on n’a aucune difficulté à y croire!

À écouter : Pu personne, One-step de Rôdailleur, Batailleur

7,4/10

Par Olivier Dénommée