
Sorti le 26 septembre 2025
Patrick Watson est probablement un des artistes montréalais les plus appréciés aujourd’hui, lui qui est reconnu pour sa musique enlevante et, surtout, ses spectacles qui restent en mémoire longtemps. Il n’a donc pas été difficile de nous convaincre d’écouter longuement sa toute dernière offrande, Uh Oh. Cet album a de particulier d’avoir été écrit alors que Watson a perdu la voix et ne savait pas s’il pourrait chanter à nouveau. Cela explique le nombre impressionnant de collaborations, toutes avec des voix féminines que l’artiste a spécialement choisies.
La bonne nouvelle, c’est que cet épisode de perte de voix n’aura duré «que» 3 mois. Sur toute une vie, c’est assez peu, mais on comprend que l’auteur-compositeur dont la voix a charmé des millions de personnes depuis 20 ans a eu une sérieuse remise en question quand ça lui est arrivé du jour au lendemain. On comprend aussi pourquoi l’album ouvre sur Silencio, avec November Ultra. Si les premières paroles sont en espagnol, les premiers mots prononcés par Watson sont «I lost my voice / ’cause I talked too loud», abordant tout de suite l’éléphant dans la pièce, sans s’y éterniser. On retient de la pièce son côté feutré, mettant bien en valeur la voix de son invitée. On remarque toutefois que Pat Watson lui-même ne pousse plus la note comme il l’avait déjà fait, possiblement pour laisser la place aux voix féminines, ou peut-être de peur d’encore dépasser ses limites. La suivante, Peter and the Wolf, une des seules de l’opus sans featuring (quoi qu’on peut quand même y entendre celle d’Anachnid), tend à confirmer la seconde hypothèse car on ne retrouve pas le chanteur à son meilleur ici, dans une chanson sombre et quelque peu tendue, très loin de ses chansons enlevantes qu’on ne compte plus.
The Wandering (avec Maro) laisse ensuite place à un tandem vocal empreint de fragilité, très réussi. Musicalement, on alterne entre une musique latine très légère et des segments plus aériens, mais aussi un peu plus inégaux. On préfère la proposition de Choir in the Wires, qui revient à l’essentiel : un piano et un chœur comme éléments centraux. Les trompettes ne sont presque qu’un heureux bonus! S’ensuit la chanson-titre Uh Oh (avec Charlotte Oleena), qui débute comme un doux morceau senti, avant de changer d’énergie pour quelque chose de plus léger et entraînant, marquant le changement de ton dans les textes. On aurait toutefois laissé tomber les 20 dernières secondes, à notre avis superflues ici. The Lonely Lights (avec La Force) nous rappelle la chimie naturelle qu’il a avec la choriste qui le suit depuis depuis quelques années déjà. C’est aussi une des chansons douces allant le plus droit au but, ce dont on ne se plaint pas.
On passe au français le temps d’Ami imaginaire (avec Klô Pelgag). La proposition est surprenante, avec une bonne part de sonorités électroniques et d’effets dans la voix de Watson. On reconnaît toutefois immédiatement la voix toujours mémorable de Klô Pelgag, bien que celle-ci a davantage livré des ambiances vocales que de véritables mélodies. La piste la plus courte de l’album est Postcards (avec Hohnen Ford). C’est dommage que la chanson ne dure que 1min13, parce qu’elle avait le potentiel d’aller beaucoup plus loin à notre avis! On retrouve ensuite l’inimitable Martha Wainwright le temps de House on Fire, aisément une des chansons les plus inspirées de tout l’album, autant au niveau de la composition que des arrangements riches, tout en restant légers.
Gordon in the Willows est une collaboration obligée avec Charlotte Cardin, autre artiste dont Watson est très près. Il lui a réservé une magnifique ballade émotive et lui a d’ailleurs laissé à peu près toute la place vocalement. Le seul défaut qu’on peut lui trouver, c’est la fin qui s’étire un peu plus que nécessaire! Si ce n’était que 10 secondes, on n’aurait probablement rien dit, mais ça se rapproche un peu plus de 45… Le dernier mot de l’album est en français, avec Ça va (avec Solann). Il nous semble qu’il y a même une approche à la française dans la composition (pas juste dans les textes et l’accent de la chanteuse), concluant le tout avec un moment tout en légèreté qui est loin d’être déplaisant sans être au même niveau que les grands classiques de Patrick Watson.
Si Uh Oh est indéniablement un album de Patrick Watson, on sent qu’il a tellement laissé de place aux voix autres que la sienne que l’écouter n’a pas le même effet qu’il a pu avoir par le passé. L’album demeure très intéressant et il nous a fait au passage découvrir d’autres voix qui méritent attention, mais on aurait possiblement espérer un album de «pur» Patrick Watson. Mais, évidemment, le vrai test pour toute musique de Pat Watson, c’est le live. Et on n’a aucune crainte sur ce plan-là, alors personne ne devrait se priver d’écouter cette sortie, surtout si vous êtes des inconditionnels de sa musique, que ce soit lui à l’avant-plan ou pas.
Vous pourrez notamment trouver l’album sur Bandcamp.
À écouter : Choir in the Wires, The Lonely Lights, House on Fire
7,5/10
Par Olivier Dénommée
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