Tous en accord – Sergiu Popa

Sergiu Popa Tous en accordSorti le 17 juin 2014

Huit années après le précédent opus, le nouvel enregistrement de l’accordéoniste montréalais d’origine moldave Sergiu Popa a été lancé le 17 juin.

Considéré comme l’un des tous meilleurs accordéonistes au Canada depuis son arrivée en 2002, Popa se présente, à juste titre, comme un virtuose. Vu la distribution, on aurait pu craindre un exercice de démonstration de virtuosité. Au contraire, on entend ici beaucoup de musique, de respirations, de plaisir, sans artifices inutiles.

Car Popa sait de toute évidence très bien s’entourer, avec une équipe de musiciens de très haut niveau. L’album est porté de bout en bout par l’excellent Bertil Shulrabe, à la technique très solide et toujours inspirée (écoutez la première partie de Moroccan Jewish Love Trilogy et son tapis de cymbales veloutées), qui évolue comme un poisson dans l’eau dans ce style rythmiquement exigeant.

Le livret, sobre mais complet, donne de nombreux détails instructifs sur la musique interprétée. Il présente cet enregistrement comme une «compilation», dont le fil conducteur se résumerait aux envies de son initiateur. Loin de paraitre «étrange», cela semble au contraire le signe d’une maturité artistique assumée. Car, malgré le nombre important de styles visités, le tout est finalement très cohérent.

Omniprésent, l’accordéon sonne à la fois proche et parfaitement intégré dans l’ensemble. Il joue tous les rôles, tour à tour soliste flamboyant, improvisateur inspiré, ou accompagnateur attentif et sensible. Du grand art.

Bien que très propre, la signature sonore m’a semblé plutôt neutre, un peu impersonnelle. Alors qu’on attendrait quelque chose de plus rugueux, on tend parfois vers une sorte de jazz-rock qui rappelle les années ‘90, sans toutefois jamais tomber vraiment dans le mauvais goût. Personnellement, je me serais passé du son de violon caverneux de Neuf, ainsi que de la basse un peu funk sur plusieurs pièces. Et j’aurais repris du violon envoutant de Jessica Gal (Blues transfused). On peut également déplorer quelques longueurs par endroits, et on aurait finalement aimé dans l’ensemble plus de lâcher-prise, plus de folie, d’énergie brute. Sur le plan des réserves, il semble également curieux de ne pas attribuer la composition de la pièce Neuf à Jerome Kern (mort en 1945!), tant la similarité avec son standard All the Things You Are est frappante. Par contre, mention spéciale pour la voix profondément touchante du Cantor David Lasry, qui nous emmène dans la liturgie sépharade.

Finalement, Popa présente ici son univers musical, riche et diversifié, développé au fil de ses rencontres et collaborations. On le sent guidé en grande partie par l’amitié, et c’est un voyage qu’on a beaucoup de plaisir à faire avec lui. Il nous rappelle à quel point la Moldavie, ce petit bout de terre de 34000 km2, coincé entre la Roumanie et l’Ukraine, jouit d’une situation géographique et culturelle exceptionnelle, à la frontière de l’Occident et de l’Orient.

Il est possible d’écouter quelques extraits de l’album ici.

À écouter : Blues Transfused, Moroccan Jewish Love Trilogy, Gerizler Başinda

7,8/10

Par David Roy


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