
Sorti le 17 mars 2023
Jusqu’à tout récemment, on ne connaissait pas Anna Valsk qui, sous ses airs de nom étranger, est simplement le nom de scène de la musicienne québécoise Ariane Vaillancourt (qui a notamment joué pour Cœur de Pirate). Sous l’identité Anna Valsk, l’artiste ne se donne aucune limite, elle qui voit ce personnage comme «son double intrépide et inventif, la guerrière, la navigatrice». Après avoir lancé quelques EP en 2022, elle synthétise le tout dans l’album Morphologies, le premier sous ce nom.
On serait bien embêté de résumer en quelques mots ce qu’on entend d’une chanson à l’autre sur cet album de 51 minutes. C’est que la chanteuse s’amuse dans des registres extrêmement variés, allant de la musique très contemplative à des chansons plus chargées aux sonorités parfois électro-acoustiques, le tout, en français. La première piste de l’album, Et si tu m’oublies, nous surprend avec des montagnes russes allant de la douceur à de puissantes lignes de synthés, qui laissent toutefois place à la belle voix de la chanteuse. Et que dire du crescendo final, qui frappe dans le mille? Bien qu’on préfère le côté plus doux que les gros synthés rétro, on peut reconnaître quand les arrangements contribuent à amener une chanson à un autre niveau et c’est bien le cas ici.
Après une chanson aussi intense, Humain propose quelque chose de beaucoup plus dépouillé, avec un côté aérien qui n’est pas désagréable. Ça explose toutefois après 2min20, comme si on avait senti le besoin d’aller ailleurs pour finir la chanson. Cela nous convainc un peu moins cette fois, surtout que la mélodie n’est pas aussi forte. Au contraire, dans On tient le monde à bout de bras, la mélodie toute douce chante des textes intimistes, appuyée par un piano berçant nous séduit très rapidement. On aurait simplement coupé sur les effets superflus, qui n’ajoutent pas grand-chose à cette chanson qui remplissait parfaitement son mandat en tant que chanson minimaliste au milieu d’un album plus chargé. C’est toutefois un bien petit bémol pour ce qui est probablement notre chanson préférée de l’opus.
La brève pièce instrumentale Aube sert d’interlude menant ensuite à Le jour des lilas. Après avoir entendu plusieurs chansons qui débutent doucement avant de drastiquement changer de degré d’intensité avec des instruments électroniques, on s’attend à ce que celle-ci fasse la même chose, surtout qu’il y a des percussions en arrière-plan qui semblent vouloir s’amuser davantage. Le build-up principalement avec les cuivres est donc une belle surprise ici. C’est bien amené, plutôt bien dosé, et c’est en respect avec le ton des paroles d’Anna Valsk. Juste après, Jamais y va d’une petite chanson guitare-voix, qui devient de plus en plus chargée plus elle avance. On en vient même à perdre quelque peu la voix de la chanteuse – qui ressemble drôlement à celle de Klô Pelgag ici – à certains moments dans la chanson.
Malgré son titre anglais, Wash Your Soul est chantée en français dès les premières secondes et l’est pour l majeure partie de celle-ci. Notons aussi que c’est la plus longue de tout l’album, dépassant la barre des 8 minutes. Le début de la piste est très atmosphérique, mais va évoluer au fil de celle-ci et offrir quelques solides montées. On tombe toutefois un peu dans la piège d’étirer la sauce vers la fin. On aurait certainement pu resserrer le tout d’une bonne minute et demie, si ce n’est pas plus. Après une piste aussi longue, Morphologie arrive à point avec un build-up réussi en deux fois moins de temps. Ironiquement, on trouve qu’elle se termine un peu vite et aurait pu être allongée de quelques secondes pour nous laisser le temps de voir venir la fin (on est plein de contradictions comme ça)!
Mention au côté plus downtempo très réussi de Je n’veux pas que tu t’en ailles, montant une autre facette intéressante de la musique d’Anna Valsk. On garde une énergie similaire dans J’ai crié la mer froide, mais on devine rapidement que l’on ne va pas en rester là : vers la moitié de la chanson, on monte l’intensité d’un cran. C’est dans cette partie qu’on a à la fois droit aux mélodies les plus fortes de la chansons, mais aussi un étourdissant solo de sax juste après. Cela nous laisse des sentiments partagés! Enfin, le dernier mot revient à Rose des vents, une magnifique ballade piano-voix aux textes intimistes. Bonne nouvelle, on ne gâche pas cette énergie avec un segment en full band, ce qui nous permet de vraiment nous déposer à la fin d’un album assez dense. Excellent choix de conclure en douceur.
En sortant de l’écoute de Morphologies, on doit dire qu’on n’a pas pleinement apprécié l’entièreté de l’album, mais que c’est un peu normal tellement Anna Valsk explore de styles en peu de temps. Cela a toutefois l’avantage de faire en sorte que tout le monde pourra y trouver son compte au fil de l’album. En plus, la poésie de la chanteuse est imagée est devrait pouvoir en réconcilier quelques-uns avec la chanson en français. Dans notre cas, on apprécie toutefois son audace dans ses choix artistiques et on ne peut qu’imaginer de quoi elle est capable si elle y va all-in sur ses forces. Définitivement une belle découverte (tardive) pour 2023 dans notre cas.
À écouter : On tient le monde à bout de bras, Le jour des lilas, Morphologie
7,9/10
Par Olivier Dénommée
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